Après avoir été examiné en deuxième lecture par les députés, du 14 au 21 décembre 2010, le texte repassera devant les sénateurs à partir du 18 janvier 2011. Les députés l’avaient déjà adopté en première lecture. Quant aux sénateurs, ils l’ont de prime abord rejeté en raison de certains amendements[i] procédant, selon une majorité d’entre eux, d’une « surenchère sécuritaire », avant de l’adopter finalement en septembre 2010.
Le triptyque fichage / surveillance / enfermement
Sorte de fourre-tout législatif cumulant des mesures pour beaucoup d’entre elles annoncées suite à des faits divers médiatisés, la LOPPSI-2 prétend offrir aux français “la sécurité partout, pour tous” et « renforcer (…) la tranquillité nationale ». Ce qu’elle offre surtout, c’est un pouvoir incommensurable à la police et à la justice, mettant en péril les équilibres démocratiques de notre société au nom de la lutte contre une série de fléaux hétéroclites et curieusement amalgamés, parmi lesquels “la délinquance” (mais pas la délinquance financière), “la cybercriminalité”, “l’insécurité routière”, “la pédopornographie”...
À l’instar de la LOPSI 1, votée en 2002 et consolidée en 2004, qui avait suscité de nombreuses critiques de la part d’associations et de collectifs militants (IRIS, Attac...), de la part de syndicats et de partis politiques, mais également de la CNIL ou de la CNCDH, la LOPPSI-2 est présentée comme "un dispositif d’exception pour un sujet d’exception", arguant d’une menace terroriste ou relevant de la" criminalité organisée" d’exceptionnelle ampleur. Comme le souligne le Syndicat de la Magistrature, la LOPPSI-2 est « un texte dont la philosophie générale vise à étendre les formules de fichage de la population et à créer ou aggraver des infractions dans divers domaines » et qui, « en dressant la liste exhaustive des prétendues menaces intérieures et extérieures, révèle une conception de la société à la limite de la paranoïa. Il en résulte un aggloméré de mesures sans liens particuliers entre elles, visant tantôt à créer de nouvelles incriminations ou à aggraver les anciennes, tantôt à permettre à l’État d’instituer un régime d’impunité pour ses agents de renseignements ou de mieux avoir à l’œil des populations ciblées. ».Portée par une idéologie sécuritaire et punitive, la LOPPSI-2 consacre l’objectif de toujours plus “surveiller et punir” en recourant, d’une part à des technologies de l’information et de la communication automatisant la détection des “déviances” et systématisant le recoupement des informations stockées (dispositifs de vidéosurveillance réputée de plus en plus “intelligente”, de géo-localisation, d’identification, d’interception et d’enregistrement des communications, fichiers “partagés”, logiciels “d’analyse sérielle”…) et d’autre part à des dispositions législatives plus répressives, criminalisant certaines pratiques et stigmatisant certains groupes sociaux en particulier.
La LOPPSI-2 s’attaque ainsi à la vente à la sauvette, à l’habitat nomade/précaire et au “squat”, pratiques inhérentes à des conditions d’existence précaires dont la loi ne se préoccupe pas, au risque de fragiliser plus encore des populations qui le sont déjà. Elle crée par ailleurs de nouveaux délits tels “l’usurpation d’identité sur un réseau de communications électroniques” et aggrave un certain nombre de sanctions pénales, imposant le principe des “peines-plancher”...
“La sécurité, l’affaire de tous” : une privatisation de la sécurité qui favorise l’enrôlement de tous
En outre, la LOPPSI-2 consacre la privatisation de missions de surveillance et de gestion de l’ordre public relevant jusqu’ici du pouvoir régalien. Ainsi, si la LOPSI 1 prévoyait déjà l’externalisation des "gardes statiques", la LOPPSI-2 autorise l’installation de caméras filmant la voie publique aux entreprises privées. Ce type de mesure accompagnée d’un discours promouvant la "collaboration" et les "partenariats public-privé" en matière de sécurité dévoile le caractère libéral de l’idéologie qui a présidé à l’élaboration du projet de loi. Mais ne nous y trompons pas : c’est un double mouvement d’externalisation des fonctions de surveillance et de centralisation de l’information qu’instaure la LOPPSI-2. Il s’agit de libéraliser la sécurité dans la mesure où cette libéralisation favorise l’enrôlement de tous dans la gestion de l’ordre...
Comme le notent certains collectifs militants, dont le CLEJ (Collectif Liberté Égalité Justice), la LOPPSI-2 (composée de 46 articles formant 9 chapitres) est illisible, au point que l’on peut se demander si elle ne l’est pas à dessein, afin d’en rendre la compréhension et la critique difficile, sauf à posséder une expertise significative en matière juridique. Le dossier joint, que vous retrouverez bientôt, accompagné d’autres éléments d’information et de réflexion sur le site du CECIL, répertorie les principales mesures de la LOPPSI-2 en s’attardant particulièrement sur celles qui concernent l’usage des TIC à des fins de surveillance, et l’extension du fichage de la population.
ANALYSE
Inventaire des mesures mises en place par la LOPPSI-2
Dans le volet « lutte contre la cybercriminalité » (articles 2, 3, 4)
– Le délit d’utilisation frauduleuse, sur un réseau de communications électroniques, de l’identité d’un individu ou de données à caractère personnel « en vue de troubler sa tranquillité ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération » est créé : les sanctions dont ce délit est passible ont été alourdies en deuxième lecture à l’Assemblée nationale (1 an de prison et 15 000 € d’amende en première lecture, et désormais 2 ans de prison et 20 000 € d’amende).
La création de ce délit devrait favoriser une nette augmentation de l’activité de la « plateforme PHAROS » (Plateforme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements) qui permet, depuis janvier 2009, dans le cadre du plan d’action du gouvernement contre « la criminalité sur Internet », la dénonciation en ligne (www.Internetsignalement.gouv.fr), aux services de police, de contenus de sites constitutifs d’infractions. Ces signalements (plus de 1 000 par mois actuellement) sont ensuite traités par l’OCLCTIC (Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication).
– Les sanctions prévues pour les délits de contrefaçon en bande organisée (de coordonnées bancaires, moyens de paiement et de marchandises) sur un réseau de communication électronique sont alourdies (10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende pour l’utilisation frauduleuse de moyens de paiement)
– L’article 4 de la loi crée l’obligation pour les FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet), au nom de la lutte contre la pédopornographie, de bloquer l’accès à certains sites figurant sur une « liste noire » qui leur est fournie par l’OCLCTIC. L’élaboration de cette « liste noire » est confiée à la « plateforme PHAROS », chargée d’extraire les adresses à bloquer de la masse des signalements qu’elle reçoit. Alors que l’Assemblée nationale avait préféré confier à un juge d’instruction le pouvoir d’ordonner le filtrage de certains sites, le Sénat a rendu, conformément à ce qui était initialement prévu dans le texte, cette prérogative à une autorité administrative, l’OCLCTIC. Une sanction de 75 000 € est prévue à l’encontre des FAI en cas de manquement.
Le gouvernement entend vraisemblablement engager plus avant la responsabilité civile et pénale des FAI et se passer du pouvoir judiciaire.
Car la législation française permet d’ores et déjà à ce dernier d’imposer à un FAI la suppression d’un contenu à caractère pédopornographique. La « loi pour la confiance en l’économie numérique » (du 21 juin 2004) sanctionne les FAI qui n’ont pas retiré au plus vite les contenus qui leur ont été signalés comme illicites. En outre, l’article 227-23 sur les violences faites aux mineurs est complété par la loi du 5 mars 2007 visant à réprimer certaines pratiques liées à l’usage d’internet « mettant en péril » les mineurs. La LOPPSI-2, vient donc doubler, en le modifiant néanmoins, un dispositif déjà existant ; elle souligne ainsi les enjeux politiques du filtrage d’Internet que dissimule l’argument commode de la lutte contre la pédopornographie (un argument d’autorité). On peut en effet se demander si le filtrage de la pornographie infantile ne constitue pas une sorte de « cheval de Troie » permettant d’étendre le contrôle de l’État sur les usages d’Internet et, de fait, sur les citoyens.
Dans le volet « utilisation des nouvelles technologies » (articles 5-18 bis)
1ère section « Identification d’une personne par ses empreintes génétiques » (article 5 à 9)
– L’identification d’une personne par ses empreintes génétiques peut être recherchée dans le cadre d’une enquête / instruction, afin d’identifier une personne décédée dont l’identité est inconnue, ou « à des fins médicales ou de recherche scientifique » (formule vague dont on peut se demander ce qu’elle recouvre exactement...). Dans le cadre de la recherche de personnes disparues, des prélèvements biologiques peuvent être effectués, avec leur consentement, sur des ascendants et des descendants des disparus.
– Les OPJ (Officiers de Police Judiciaire) peuvent procéder au rapprochement de l’empreinte de « toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 » du code de procédure pénale avec les empreintes contenues dans le FNAEG.
– L’article 9 simplifie les procédures d’alimentation du FNAEG (Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques) et en élargit l’accès.
2e section: « Fichiers de police judiciaire »
– La loi étend, à la suite de la LOPSI 1 les possibilités de recueil de données nominatives à de nouveaux délits ou infractions (« trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques » notamment) et permet aux services de police et de gendarmerie d’utiliser des systèmes « d’analyse sérielle » (de recoupement automatique d’informations). Les individus peuvent en outre faire l’objet d’un fichage au titre du seul soupçon qui pèse sur eux : les traitements automatisés d’informations nominatives « peuvent contenir des informations sur les personnes, sans limitation d’âge, à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission des infractions ». Les mêmes systèmes de traitement automatisés contiennent également des données nominatives sur les victimes de crimes et délits.
– Le Procureur de la République a le pouvoir de refuser l’effacement des données personnelles d’une personne ayant bénéficié d’une décision d’acquittement ou de relaxe devenue définitive : il peut en prescrire le maintien dans les fichiers de police « pour des raisons liées à la finalité du fichier » (une curieuse formule qui conduit à se demander quelle est cette « finalité »)... Des personnes innocentées pourront donc rester fichées.
– Un magistrat référent désigné par le ministre de la justice est chargé de suivre la mise en œuvre et la mise à jour des traitements automatisés d’informations nominatives. Il dispose des mêmes pouvoirs que le procureur.
– Les délais de rétention de personnes (« qui font l’objet d’un signalement ou qui sont détentrices d’un objet signalé »), par les douanes, avant remise à un OPJ, sont allongés pour faciliter l’accès de celles-ci aux traitements automatisés : la retenue, qui peut désormais excéder 3h, est « provisoire », c’est-à-dire sans limite dans le temps.
4e section : « Vidéoprotection »
– La LOPPSI-2 programme le triplement du nombre de caméras filmant la voie publique.
Tenant pour acquise l’efficacité de la vidéosurveillance dans la lutte contre la délinquance, une efficacité qui fait de plus en plus débat au regard des sommes colossales investies par la puissance publique dans ces dispositifs, la LOPPSI-2 programme le triplement du nombre de caméras filmant la voie publique : 60 000 yeux électroniques devraient d’ici peu quadriller le territoire, particulièrement les zones urbaines.
Il s’agit de « systématiser le recours aux moyens vidéo » (p.85). Quant à la vidéosurveillance dite “intelligente”, qui rend possible la reconnaissance faciale et la détection automatique de certains comportements, la LOPPSI2 prévoit qu’elle sera de plus en plus répandue... Pour le législateur, envers et contre les conclusions de chercheurs travaillant depuis de nombreuses années sur les politiques de lutte contre la délinquance et/ou la vidéosurveillance (entre autres, et avec des approches bien différentes de la question, Muchielli, Heilmann, ou encore Roché), qui mettent tous en doute l’efficacité de la vidéosurveillance, celle-ci “a un effet préventif et dissuasif certain et son exploitation facilite l’identification des auteurs d’infractions. D’ailleurs, une majorité de Français est favorable à l’installation de caméras pour améliorer la sécurité générale...” [p.91]
Faute de démonstration probante de l’efficacité de la vidéosurveillance, le législateur, dont la conviction relève ici de la croyance revendique des résultats de sondages apparemment favorables au développement de cette technologie, sondages qui, quand on les examine de près, soulèvent pourtant un certain nombre de questions. Le législateur semble ainsi moins soucieux de s’assurer de l’efficacité d’un "produit" que de mesurer la “satisfaction client” qu’il engendre... D’ailleurs le texte de la LOPPSI-2 fourmille d’emprunts à la langue du management et du marketing : il y est notamment question, en plus de la notion de “performance” insérée dans le titre même de la loi, d’“offre de sécurité” (p.99) et d’amélioration de la satisfaction des citoyens" (p.112)...
– La LOPPSI-2 substitue dans tous les textes de loi le terme « vidéoprotection » au terme « vidéosurveillance »
Les enjeux de représentation et d’acceptation de cette technologie priment sur les enjeux éthiques et la recherche d’efficacité. Si le législateur invoque le plébiscite prétendument prouvé par les sondages de la vidéosurveillance par les citoyens, il est également attentif à en livrer la représentation la plus "positive" qui soit. Il tente ainsi d’en euphémiser la dimension liberticide en la rebaptisant « vidéoprotection ». D’aucuns n’hésitent d’ailleurs pas, dans son sillage, à transmuer la vidéosurveillance en “vidéotranquillité”... Pour la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), “il faut souligner le glissement sémantique entre vidéosurveillance et vidéoprotection qui trahit bien l’embarras du législateur pour justifier de la mise en place de systèmes particulièrement onéreux et dont l’efficacité ne fait pas l’unanimité” (p.4 de l’avis rendu sur la LOPPSI-2). À l’instar de la “novlangue” imaginée par Orwell, la langue officielle imposée par la loi a vocation à oblitérer la réalité de l’exercice du pouvoir et à en modifier l’appréhension. La prégnance de cette “novlangue” montre que le législateur s’inscrit dans une logique marketing qui vise à rendre au moins plus présentable, au mieux séduisant, un “produit” (la vidéosurveillance) qui suscite à juste titre méfiance et réticences... Comme le souligne la CNCDH, “le recours croissant aux NTIC établit en effet sur l’ensemble de la population le risque d’un contrôle social sans limite” (p.2 de l’avis rendu).
– Les finalités de la vidéosurveillance sont étendues : alors que seule la « prévention des actes terroristes » autorisait jusqu’à aujourd’hui l’installation de caméras sur la voie publique par des acteurs privés (aux abords de leurs bâtiments et installations), la « prévention des atteintes aux biens et aux personnes » suffit à justifier la surveillance de l’espace public par des acteurs privés. Ceux-ci doivent en informer le maire.
L’État a en fait tout intérêt, dans une perspective opportuniste et instrumentale de stricte économie de moyens en matière de contrôle, à laisser des acteurs privés mettre en œuvre leurs propres dispositifs de vidéosurveillance. Les opérateurs privés sont en effet tenus de “permettre à la police et à la gendarmerie d’accéder aux images”, ce qui permet à l’État de disposer, au nom de “l’intérêt supérieur” qu’il représente, de moyens dont il n’assure pas les coûts de mise en œuvre.
– Des missions de surveillance vont être déléguées à des opérateurs privés agréés par les Préfets
Si la LOPPSI-2 programme une extraordinaire extension des pouvoirs de police dans les années à venir, et, partant, un accroissement du contrôle de l’État sur les citoyens, elle transfère également au secteur privé certaines missions relevant traditionnellement du pouvoir régalien et consacre ce transfert en créant un Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). La LOPSI 1 entérinait déjà les partenariats publics / privé en matière de sécurité en banalisant par exemple la sous-traitance et l’externalisation des « gardes statiques » et des moyens techniques de surveillance[i]. Toutefois, la LOPPSI-2 va plus loin. Elle prévoit l’inversion des proportions d’agents relevant de la sécurité publique d’une part, privée de l’autre : la proportion actuelle est de 170 000 salariés du privé pour 220 000 policiers et gendarmes, et dans les années à venir, le nombre d’agents de sécurité privés devrait dépasser le nombre de policiers et gendarmes déployés sur le territoire... Par ailleurs, la LOPPSI-2 programme la délégation de pouvoirs de police (notamment la possibilité d’effectuer des contrôles d’identité) à des agents de sécurité relevant du secteur privé.
– Les Préfets peuvent prescrire l’installation provisoire de caméras sur le parcours de « manifestations de grande ampleur » et « l’autorisation peut prévoir un délai minimum de conservation des images. »
– Si le texte initial prévoyait que les préfets pourraient également imposer aux maires la mise en place de dispositifs de vidéosurveillance comme une mesure technique pouvant se soustraire au débat démocratique en toutes circonstances procédant d’une “nécessité impérieuse de sécurité publique”, la Commission des lois du Sénat a modifié cette disposition : les préfets peuvent seulement le leur demander, mais ils ne disposent pas d’un pouvoir contraignant vis à vis des conseils municipaux qui s’opposeraient à l’injonction d’installer des caméras.
– Une « Commission nationale de la vidéoprotection » sous l’égide du Ministère de l’Intérieur est créée. Si le texte précise que « la qualité de membre de la commission est incompatible avec la détention d’un intérêt direct ou indirect dans une entreprise exerçant des activités dans le domaine de la vidéoprotection », il précise également, de manière tout à fait paradoxale, que la commission est notamment composée de « représentants des personnes publiques et privées autorisées à mettre en œuvre un système de vidéoprotection »... Notons que lors des débats au Sénat, la CNIL s’est vue réattribuer une mission de contrôle des dispositifs de vidéosurveillance.
La loi écarte initialement la CNIL en lui déniant toute compétence en matière de contrôle du développement et de l’usage de la vidéosurveillance. Or comme le souligne la CNCDH, “la vidéosurveillance, de par le caractère intrusif qu’elle peut comporter au regard du respect du droit à la vie privée, doit être soumise au contrôle d’une autorité administrative indépendante”[ii]. À cet égard, la commission de contrôle de la vidéosurveillance ne présente pas les conditions d’indépendance lui permettant de garantir les droits et libertés publiques des personnes. Il aurait été préférable de confier à la CNIL la responsabilité du contrôle de l’utilisation de la vidéosurveillance, ainsi qu’elle l’avait sollicité et que le rapport du Sénat intitulé « La vidéosurveillance, pour un nouvel encadrement juridique » le préconisait." (p.4). Si les différents examens du projet de loi ont permis la réintroduction de la CNIL dans le dispositif de contrôle de la conformité des usages de la vidéosurveillance à la loi, celle-ci offre néanmoins peu de garanties quant aux moyens réels alloués à ce contrôle.
– Une majorité qualifiée de copropriétaires peut décider de transmettre en temps réel les images de caméras installées dans les parties communes d’un immeuble aux services de police, « lors de circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave aux biens ou aux personnes »...
– La LOPPSI-2 autorise « l’expérimentation », pendant trois années, de scanners corporels dans les aéroports.
Dans le volet « renforcement de la lutte contre la criminalité et de l’efficacité des moyens de répression » (articles 22,23)
– La durée des interceptions téléphoniques pour les infractions relevant de la « criminalité organisée » est augmentée. Désormais, les écoutes pourront durer un mois renouvelable une fois, au lieu de 15 jours renouvelables une fois comme c’était le cas auparavant.
– La LOPPSI-2 permet aux services de police, sous le contrôle d’un juge d’instruction, de « capter » en temps réel des données informatiques, « de les enregistrer, les conserver et les transmettre telles qu’elles s’affichent pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé ou telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ».
Les logiciels permettant cette « captation », version modernisée des écoutes téléphoniques, peuvent être installés à distance ou physiquement dans l’ordinateur, et la durée légale de cette intrusion est de quatre mois, renouvelable une fois. En outre, la LOPPSI-2 confie le contrôle de la « captation des données informatiques » à un juge d’instruction, au moment même où le gouvernement envisage sa suppression...
Dans les volets suivants, en forme d’inventaire (non exhaustif) à la Prévert...
– La LOPPSI-2 crée de nouvelles incriminations qui sanctionnent la révélation, même involontaire, de l’identité des agents de renseignement, de leurs sources et de leurs collaborateurs. Les agents de renseignement ne peuvent d’ailleurs être tenus pour pénalement responsables de l’usage d’une identité d’emprunt.
– Les préfets ont le pouvoir d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans.
– Les parents des mineurs enfreignant la mesure préfectorale peuvent être sanctionnés par une contravention de 3e classe, et il peut leur être demandé de signer un « contrat de responsabilité parentale[iii] ». L’usage de ce type de contrat est d’ailleurs étendu.
– Les sanctions encourues pour cambriolage et « vol commis à l’encontre d’une personne vulnérable » sont alourdies.
– Est désormais puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende le fait « d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ».
– La distribution d’argent sur la voie publique à des fins publicitaires est condamnée.
– Les sanctions encourues pour « vente à la sauvette » sont alourdies (jusque là une contravention de 4e classe, désormais 6 mois de prison, 3 750 euros d’amende, et la confiscation du matériel saisi)
– Une nouvelle incrimination « d’exploitation de la vente à la sauvette » est créée sur le modèle de l’incrimination « d’exploitation de la mendicité » ou de « proxénétisme ».
– Une contravention de 5e classe sanctionne les rassemblements dans les halls d’immeubles.
– Une peine complémentaire de confiscation obligatoire de leur véhicule peut être prononcée à l’encontre de conducteurs dans certaines circonstances.
– Les policiers municipaux sont habilités à procéder à des contrôles d’identité.
– L’État peut sous-traiter à des entreprises privées le transport de personnes sans-papier vers des centres de rétention.
– La loi accroît les possibilités de recourir à la visioconférence pour les auditions et les interrogatoires de personnes incarcérées ou détenues en centre de rétention.
– La réserve civile de la police nationale créée en 2003 voit son recrutement élargi à tout volontaire, y compris étudiant, alors qu’elle était jusque là constituée de retraités de la police.
– Au nom du « risque grave d’atteinte à la salubrité, à la sécurité, à la tranquillité publiques », les habitants de logements non conformes au code de l’urbanisme (camions aménagés, tentes, yourtes…) peuvent être expulsés sous 48 heures sur décision du préfet et sans passer par un juge.
– Les mineurs récidivistes gardés à vue peuvent être envoyés devant le tribunal pour enfants sans passer par le bureau du juge pour enfants.
– L’échange d’informations entre services de l’État et organismes de protection sociale est accru au nom de la lutte contre la fraude aux aides sociales.
– Les personnes naturalisées depuis moins de dix ans ayant causé la mort d’un dépositaire de l’autorité publique peuvent se voir déchues de la nationalité française.
– Les jurys d’assises peuvent prononcer une interdiction de territoire pour les étrangers coupables de crime (réinstauration de la « double peine » abolie en 2003).
– Des « peines-plancher » sont instaurées pour les primo-délinquants auteurs de violences aggravées.
– Le port du bracelet électronique peut être imposé sur décision administrative aux étrangers en voie d’expulsion.
– Le suivi socio-judiciaire est étendu aux récidivistes ayant été condamnés à 5 ans de prison, et l’usage du bracelet électronique est systématisé.
Les auteurs de crimes sur des représentants de l’autorité publique sont condamnés à des peines incompressibles.
[i] Sources : Daniel Naulleau, CECIL : Centre d’Études sur la Citoyenneté, l’Informatisation et les Libertés.
[ii] On pouvait ainsi lire dans le projet de loi LOPSI 1 de 2002 : « afin de réduire les charges dues aux gardes statiques, les dispositifs de vidéosurveillance des bâtiments seront accrus ; le transfert de ces gardes au secteur privé et à des agents relevant d’autres statuts sera développé partout où cela sera possible ».
[iii] Consultation nationale consultative des droits de l’homme : « L’institution française de protection et de promotion des droits de l'homme » http://www.cncdh.fr/fr/publications/notes-sur-le-projet-dune-autorite-administrative-independante-de-lutte-contre-les
[iv] Créé par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 « pour l’égalité des chances », le « contrat de responsabilité parentale » peut être conclu entre le Président du conseil général et les familles réputées « en situation de difficulté éducative », en cas d’absentéisme scolaire par exemple. Le président du conseil général est informé de ces situations par l’inspection d’académie, le chef d’établissement d’enseignement, le maire de la commune, la CAF...
Commentaires :
Pour les sources de mes renseignements, l’analyse si fine que j’ai transmise dans ce blog provient d’un certain CECIL, et voici ce que je suis parvenu à trouver sur la Toile : CECIL : Centre d’Études sur la Citoyenneté, l’Informatisation et les Libertés – Daniel Naulleau.
L’association CECIL s’est créée – en liaison étroite avec le CREIS-Terminal – à l’initiative d’une dizaine d’universitaires aux compétences variées (sciences de l’information et de la communication, informatique, politiques, juridiques, économiques...).
Le CECIL vise à donner une assise solide et permanente à l’étude critique de l’informatisation de la société et aux interventions citoyennes qui peuvent en découler. Son indépendance et le réseau de compétences qu’il peut mobiliser lui procurent des avantages indéniables. C’est à la fois un centre d’information, un centre d’étude et un centre de vigilance citoyenne.
Il organisera, mettra à disposition et diffusera, spécialement sous forme numérique, l’énorme documentation consécutive à 30 ans de recherches et d’actions militantes, en particulier du CREIS-Terminal.
Il répondra aux demandes d’information et proposera des actions de sensibilisation et de formation auprès de différents publics.
Il réalisera également des études et des expertises à la demande ou en réponse à des appels d’offre.
Enfin, il interviendra dans le débat public en travaillant sur les dossiers prioritaires qui mobilisent l’attention : protection des données personnelles et des libertés, protection et défense de l’internaute et de l’usager de l’administration électronique, politiques d’informatisation et problèmes de vulnérabilité techniques et de sécurité.
Le Comité de parrainage est fort de 20 personnalités qui chacune à sa manière tient un rôle important dans l’histoire du domaine « Informatique et libertés ». Le Conseil d’administration de 7 membres est présidé par André Vitalis professeur en sciences politique à Bordeaux III Michel Montaigne. Une première subvention vient de permettre l’achat du matériel informatique. Un local est disponible depuis peu. Un appel à dons est lancé pour permettre une première embauche. 2 500 euros ont déjà été versés par diverses personnes ; il faut arriver aux 10 000 euros nécessaires pour déclencher une embauche ; pour les particuliers les dons ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66% du montant du don.
Sur le site sont disponibles un dossier de présentation du CECIL, la liste des membres des Comités de parrainage et d’administration et les informations utiles pour faire un don.
Site provisoire : http://www.lecreis.org/autres actions/CECIL.htm ; Courriel provisoire cecil@lecreis.org
Jean-Jacques M’µ
Jean-Jacques M’µ