C'est devant le boulanger, fin de matinée... Deux personnes devant moi. La première est une jeune femme du quartier, plutôt bien mise mais dont je remarque les trous aux coudes de son gilet, elle n'a pas suffisamment de pièces pour régler la baguette de pain...
– On peut payer en carte de crédit ?...
– Oui, au-delà de 16 €.
– Bon...
Et elle commande ceci puis celà, telle tarte, telle autre, pour arriver au total annoncé. Elle tend la carte, le vendeur la met en machine... Ronronnement.
– Merci. Au-revoir.
C'est le tour du suivant. Un travailleur sans doute, ou un sans travail. Pauvre de toute évidence. Sans doute sans papier, un migrant quoi qu'il en soit... Il demande une baguette.
– 1€ et 5 cts.
L'homme tend un billet de 10 €.
... Et l'employé place le billet face à la lumière au-dessus de ses yeux pour vérifier la validité du billet !...
Ainsi, va cette société.
Il y a de l'administratif pour régler : la carte bleue qui fait dépenser plus que de nécessité, ou le contrôle des billets, sans compter les video-surveillance...
Il y a de la ressource encore pour les pauvres des classes moyennes, même si elles ne peuvent plus trop tromper par leur apparence...
Mais il y a une méfiance tâtillonne pour les pauvres avérés, même s'ils ont les moyens de régler leurs dépenses les plus modestes.
Ainsi vivent les commerçants et les artisans qui, même issus de populations pauvres, se comportent en véritables persécuteurs au service de l'administration capitalistique.
Jean-Jacques M’µ
(illustration : Hieronymus Bosh)