http://www.pouruneconstituante.fr/spip/
Voilà, c’est une nouvelle initiative derrière laquelle quelques 700 personnes se sont retrouvées, inquiètes de ce que les institutions actuelles refusent d’entendre les propositions pour d’autres alternatives que ces lois ultra-libérales qui nous sont assénées à la oucase en nous imposant de travailler davantage à des conditions de plus en plus précaires.
Ces quelques cents « constituants » se proposent de sortir de l’isolement pour réfléchir ensemble, progressivement et simultanément, aux moyens d’une efficacité citoyenne réelle du législatif et de l’exécutif.
Pour ma part, je les rejoins parce que j’ai le sentiment qu’au-delà de son bien-fondé, une loi, si bonne soit-elle, ne suffit jamais à elle seule. Mon idée est qu’une bonne loi ne se limite pas à accorder une liberté ; encore faut-il qu’elle favorise son imprégnation dans les esprits de nos collectivités dont il m’apparaît qu’elles sont au fond, moins unanimes et moins consensuelles que minimalistes et “fatalistes” (fatalistes au sens d’Adam Smith préconnisant le “laisser-faire” au nom du libéralisme).
Une constituante ?... pour constituer un cadre législatif soucieux des conditions d’une citoyenneté éclairée et active
Une constituante conçoit la constitution d’une nation. Je proposerais pour ma part que toute loi, désormais, puisse être assortie de ses modalités effectives, pragmatiques, symboliques dans le domaine considéré. J’ai en effet la conviction intime (ancrée dans l’expérience quotidienne) qu’il faut que le législateur envisage des mesures qui poursuivent en amont et en aval les conséquences de la loi adoptée : une réadaptation des publics concernés est toujours nécessaire, ainsi qu’un suivi accompagnant et solide, solidaire de l’environnement.
Un exemple : La loi pour l’avortement accorde le droit au libre choix de la personne, considérée individuellement. Cette disposition reste de principe... et, paradoxalement, strictement factuelle à la fois !... Les personnes y ayant recours ne rencontrent que des personnels professionnels attachés au seul acte technique et à l’information médico-légale : sans plus !... Comme si rien ne s’était passé. Comme si rien ne se jouait, là, avec d’autres retentissements que ceux qu’autorise la loi, comme si chacun devait rester seul à prendre sa décision, sans que les autres n’aient rien à partager avec. Comme si la personne et son entourage n’avaient pas besoin au contraire d’envisager de nouveaux positionnements, de nouvelles dispositions, de nouvelles relations, ensemble et avec d’autres ?... plutôt que le déni et le repli dans son quant-à-soi.
Toute loi nécessite des modalités d’application soucieuses de l’environnement des populations visées
On peut multiplier ailleurs qu’avec le droit à l'avortement l’exemple de cet isolement forcé dans l’individualité et dans la stricte observance collective de la responsabilité individuelle au nom du libre-arbitre, même s’il est par ailleurs motivé par un principe certainement très bien fondé qui garantit à tous le respect du choix personnel et marque ainsi un degré appréciable dans l’esprit de tolérance dans la société ; tout ceci reste hélas, selon moi, à un stade seulement administratif, et ce degré zéro ne permet pas la rencontre des individualités, un réel changement des mentalités, une réelle prise en compte et en charge de l’acte qu’a pourtant autorisé la loi.
Il en est ainsi pour d’autres dipositions : la formation, l’accès aux ressources naturelles et alimentaires, l’information et la communication, l’expression des opinions, le logement, la consommation, le crédit bancaire, les soins et la santé, l’hygiène et la sécurité, la protection de l’enfance, l’accueil des migrants... à chaque fois, chacun est livré à lui-même. Certes, chaque cas est unique, et le cas par cas est un juste compromis, souhaitable, mais minimaliste, car à ce jour, aucune administration, aucun service (jamais, à ma connaissance) ne permet de satisfaire la réalité du besoin réel des personnes.
Ça me semble pourtant importantissime pour réconcilier le citoyen avec la vie politique.
C’est aussi les citoyens qui font les lois, et qui les légitiment, surtout !
Exemple de l’éducation nationale. Haby peut toujours créer le collège unique (1975). Si les professionnels, d’un côté, et les familles, de l’autre, mettent en échec sur le terain la volonté de mixité sociale et les intentions affichées d’égalité des chances pour tous, on aboutit inéluctablement à la loi d’orientation Jospin dont les principes fondateurs, mettant l’élève au centre du système d’enseignement, énoncent la liberté et l’égalité... en ignorant ostensiblement... la fraternité et ce qu’elle pourrait induire dans le fonctionnement de la communaté scolaire.
Autre exemple. Accorder à des jeunes en mesure éducative ou préventive les conditions d’un séjour dans un lieu de villégiature oblige l’appareil judiciaire local à informer la population et fournir au préalable, par toutes les actions de concertations et d’animations possibles, le maximum de garantie assurant la tolérance et le respect réciproques nécessaires à la convivialité entre groupes et individus que l’on peut avec quelque raison supposer “naturellement” (ou structurellement ?) a priori hostiles l’un à l’autre.
Une constituante ?... pour entourer l’onde de choc où réverbère chaque liberté
De manière moins exceptionnelle, on peut voir à quel point les questionnaires de satisfaction en disent long sur cette cruelle auto-satisfaction complaisante, où nos administrations feignent d’ignorer obstinément ce qui anime pourtant fondamentalement les êtres :
« Notez de 0 à 5 votre logement selon – a/ la propreté – b/ la nuisance sonore – c/ le voisinage – d/ la proximité des commerces et des services... »
Une fois que l’on aura eu vu noté 5/5 chacun de ces points, l’administrateur en saura-t-il davantage sur la réalité du degré de satisfaction des locataires ou des co-propriétaires à se trouver là, et à se fréquenter sans s’être choisis ? Les parts de hasard et de nécessité justifient sans doute l’exogamie de nos existences, et on peut s’en accommoder plus ou moins bien. Mais... Suffit-il d’un lieu propre, sans bruit, aux voisins polis et juste polis, seulement polis, et pouvoir faire ses courses et conduire ses enfants à l'école et aux loisirs pour se faire croire que cela pourrait suffire à l’épanouissement des groupes et des personnes dans la cité ?... L’isolement, le saturnisme, les sentiments d’inutilité ou d’abandon, les décalages, les culpabilisations, l’occupation des espaces, la gestion des rythmes des générations différentes, la cohabitation de cultures parfois antagoniques, l’incompréhension des pratiques sociales voisines, mais si différentes, tout cela n’est-il pas à traiter au quotidien pour envisager le fameux « vivre ensemble » qui, d'ailleurs, est proposé aux populations obligées de se concentrer, alors que le débat du « lien social nécessaire » effleure moins les élites actuelles au pouvoir que les syndicats et les organismes qui se chargent à leur place de l’accompagnement et du contrôle social.
Des lois fondées sur les constats du passé, certes, mais surtout axées sur l’avenir de nos sociétés
Comment, au-delà de ce degré minimum nécessaire qu’est une disposition légale, le législateur peut-il dépasser les simples programmes édulcorés et aseptisés qui ne sont que des effets d’annonce, de pure circonstance, et se mettre enfin à concevoir les moyens sérieux, relationnels, par lesquels les bénéficiaires de ces lois pourront intégrer les milieux avec lesquels ils sont en contact ?... Voilà qui mérite, à mon avis, qu’une constituante conçoive d’abord que les lois prochaines intègrent, avec leurs attendus, les conséquences environnementales sur les populations considérées, les moeurs et les idées qu’il s’agira d’envisager comme des conséquences de la liberté accordée.