Le 8 mai 2011, lors d'une immense manifestation contre la violence au Mexique, le poète Javier Sicilia, dont le fils avait été assassiné, prononçait un discours mémorable dénonçant la corruption des élites politiques mexicaines, leur culture de violence, et la responsabilité du modèle narcotique issu des États-Unis, fait d'hyper-consommation-ultra-répression.
Il semble que l'opinion mondiale et les secteurs progressistes n'aient pas encore pris la mesure de l'explosion de la délinquance criminelle en Amérique centrale et du sud, l'une des conséquences locales des ravages du capitalisme mondial déréglementé, une explosion qui pèse sur les plus démunis socialement et spécialement sur les femmes, et qui menace les acquis fragiles de la démocratisation survenue à partir des années 1980 et des expériences de gauche et centre-gauche en cours dans le continent.Cartels, gangs, narco-terrorisme, militaro-corruption, « féminicide » : l’Amérique latine face au défi historique du « polyfascisme délinquant » et au déni de sa gravité. – Géopolitique mondiale de la criminalité – Thanatocratie.
http://www.liberation.fr/monde/01012338598-le-mexique-s-enterre-dans-les-fosses-communes
Mais il faut s'interroger d'abord sur le curieux déni de l'opinion publique mondiale, qui se refuse à observer l'enfer qu'est la vie quotidienne quand ont disparu ces biens publics communs non marchands que sont la sécurité corporelle et la sécurité juridique. Une conscience publique internationale qui est sensible à la médiatisation des guerres et des catastrophes naturelles et nucléaires tels qu'un tsunami ou Fukushima, mais qui ne voit pas que le taux d'homicides en Amérique centrale dépasse désormais silencieusement celui des guerres civiles. Une opinion publique, enfin, qui refuse de mesurer la progression inexorable des gangs et « maras » dans tout le cône sud-américain, et parfois jusqu'en Europe et en Australie.
Évoquons tout d'abord l'alarmante explosion de meurtres avec mutilations et de violences sexuelles dont sont victimes les femmes en Amérique centrale, notamment les travailleuses pauvres des maquiladoras (1), au point qu'on commence à qualifier ce phénomène de « féminicide ».
- Des taux d'homicides trois fois supérieurs à la moyenne mondiale, tels que la violence est désormais principale cause de mort pour les Latino-américains âgés entre 15 et 44 ans, soit une « guerre civile non déclarée », selon l'expression du journaliste Andrés Oppenheimer.
- Une corruption policière et judiciaire ajoutant à l'insécurité physique une grande insécurité juridique pour les ménages et les acteurs sociaux-économiques, les travailleurs privés et les PME.
(Manuela Mesa, http://www.iteco.be/Maras-feminicide-et-violence
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Que l'apparition de ce phénomène latino-américain, dont l'ampleur est à mettre en relation avec l'extension des mafias italiennes, russes, du trafic mondial d'armes, etc, mérite d'être pris en considération, et de faire l'objet de travaux d'enquêtes et de réflexion politique.
Á cet égard, ne peut-on pas parler de « fascisme/s délinquant/s » ? Ou plutôt de « polyfascisme/s » ? (Au sens où il n'y a plus un unique centre dirigeant comme lors des expériences nazie, mussolinienne, staliniennes, mais un champ social, un continuum de micro-monopoles oppressifs et violents, travaillant en réseau tour à tour coopératifs ou concurrents.)
Parce que nous reprenons ici deux caractéristiques essentielles qui définissent l'essence du totalitarisme :
On pourrait également évoquer ici la notion de « thanatocratie », si le meurtre et la menace de mort deviennent ainsi une marchandise courante et banale, comme tous autres « biens et services » commercialisables et monnayables.
En ce sens le nouveau « polyfascisme délinquant » qui se lève un peu partout dans le monde, et d'abord à partir du foyer latino-américain, est bien une « maladie infantile » du capitalisme financier déréglementé qui a été inauguré à partir des années « Reaggan-Thatcher-Deng Xiaoping », avec la complicité active du FMI, de l'OMC et de la Commission européenne de Bruxelles. Pour mieux le combattre, désignons-le.
Maquiladoras : Usines, souvent situées à la frontière nord du Mexique, employant du personnel sous-payé, souvent féminin, qui bénéficient d'une exonération des droits de douane pour pouvoir produire à un moindre coût des marchandises assemblées au Mexique pour l'exportation.Photo : Journaux latino-américains annonçant le massacre de 72 immigrés sans-papiers dans un ranch au Mexique (août 2010), massacre attribué au groupe criminel mexicains « Los Zetas », composé notamment d'ancien militaires d'élite, de policiers corrompus et d'enfants-soldats. On a également attribué en septembre 2011 aux Zetas le meurtre de deux internautes qui avaient critiqué la criminalité sur leurs blogs.
http://lucky.blog.lemonde.fr/2011/10/25/cartels-gangs-narco-terrorisme-militaro-corruption-feminicide%c2%a0%c2%a0-lamerique-latine-face-au-defi-historique-du-%c2%a0polyfascisme-delinquant%c2%a0-et-au-deni-de-sa-gravite-geopolitiq/
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