(de Sébastien Thiéry)
mercredi 25 juin 2014
Tisser ! (un appel)
Aujourd'hui :
Un terrain ardemment nettoyé. Avec nous les gosses à la chasse au déchet. Une vingtaine de sacs de 100 litres gavés. Un soleil couchant caressant la Folie. Sa quiétude magnifiée.
20h : les familles rassemblées. Ordre du jour : se constituer en association. Lecture des statuts de "L'association de la Folie en Essonne". Discussions tous azimuts. Détermination. Enthousiasme. L'émancipation en actes, l'arrachement progressif aux stratégies d'infantilisation et de manipulation, le mépris des parole et des actes infligeant à "ces gens là" une identité de misère. Frantz Fanon : "Comment guérir le colonisé de son aliénation ?". La Folie comme réponse ?
Etat des lieux des situations, décompte à revers des récits assassins, et de la fable selon laquelle leur "vocation" serait "en contradiction avec la nôtre" : 80 adultes domiciliés sur 110 ; une vingtaine de contrats de travail signés dont les deux tiers en CDI ; une cinquantaine de personnes inscrites à Pôle Emploi, une vingtaine à des cours de français, une cinquantaine bénéficiant d'une couverture maladie ; 50 enfants scolarisés sur les 60 en âge de l'être ; 1 mouvement irréversible d'inscription dans le cours de notre histoire commune. Tissage, métissage.
Terrain de la Folie, Grigny, 26 juin, 20h00
Hier :
Les forces de police poursuivant leurs actions d'intimidation : au petit matin, passage en trombe, l'annonce de l'imminence du désastre. Sale boulot, le terrain souillé. Pauvre boulot, les familles riches de désir et de détermination : "Vous cassez ? Nous reconstruirons !". Boulot insensé. Un misérable coup de canif sur le tissu. Cicatrisation.
Le décompte finalisé du coût d'une expulsion, au CRS près, l'absurdité chiffrée : 328 965 euros, modique somme foutue en l'air par la collectivité, juste pour rien, sinon le spectacle d'une féroce impuissance. Une idée, qui germe sur la Folie : ouvrir une billetterie pour le prochain spectacle, inviter tous les Grignois à prendre place et admirer, financer ainsi l'association des familles, leurs projets d'avenir.
La Mairie qui persiste, annonçant l'expulsion prochaine : dans deux semaines, à epsilon près. Le mépris des grandes valeurs d'humanisme dont elle se drape, la déroute faite politique, le masque sans vie de la raison. Officiellement : l'abandon, la démission. Sous l'égide de l'aveuglement. Déchirure, lambeaux. Qu'il nous faut ramasser, pour tisser de nouveau.
Coût de l'expulsion de la "Place de l'Ambassade" à Ris-Orangis. Ruben Salvador
Demain :
L'ouverture de la résidence du PEROU à Stalker / Laboratorio arti civiche. Un grand honneur : les grands frères, ceux qui en 1990 affichaient un manifeste qui au PEROU vaut texte constitutionnel (à lire et relire ici). Un grand bonheur : des traversées à Istanbul, des actions à Rome, des virées sur le Canal Saint-Martin, souvenirs d'intensité. Demain Jeudi 26 juin à 16h, Stalker marchera sur la Folie.
Tisser et coudre tout ce qui peut se tisser et se coudre : tel est le programme des cinq jours à venir. Leurs vêtements, nos vêtements : armés de fil et de machines à coudre, construire un vêtement géant, vêtir la Folie. En réponse à ce qui se déchire, contre tout ce qui s'acharne à détruire. Une grande voile pour s'installer dessous, ou pour s'en aller juste un peu plus loin, comme on se moque.
"Se faire une toile". Sous la protection de l'oeuvre de Stalker, dans son antre : un cinéma. Le Cinéma de la Folie. Des films jusqu'à la lie, jusqu'à la dernière goutte de vie ici : un festival en cours de programmation, tout l'été sous les étoiles, n'en déplaise à la pelleteuse. De la lumière, contre ce qui commande que tout soit mort.
Nota Bene : Que le monde entier rejoigne dès demain la Folie, que chacun offre un peu de son art de tisser à notre ouvrage ! Que chacune des journées à venir resplendisse ainsi de joie, contre l'ignominie et la désolation qui menacent.
Publié par A-I à 15:49 Aucun commentaire: