Il faut le reconnaître, à la base, la plupart de nos contemporains ne sont en réalité pas très regardants sur l'emploi qui leur permet d'obtenir un salaire susceptible de satisfaire à leurs besoins. À partir de cette confusion qui conditionne le revenu au travail, nous avons vu la sécurité sociale de 1948 éliminer de leurs allocations ceux qui ne justifiaient pas de statut : personnes au foyer, handicapés, gitans et gens du voyage, apatrides...
Cette bureaucratie au nom de l'effort national s'est incrustée en chacun de nous sous la notion de « mérite », et dans les discussions, en famille, au boulot, partout, et même à l'école, il y avait d'un côté les « paresseux, plus ou moins assistés », qui méritaient le moins de droits possible, et, de l'autre, les « audacieux, méritants, vaillants et entreprenants » qui, eux, devaient bénéficier du maximum de droits.
Ainsi, le mouvement des femmes de banlieue, Ni pute ni soumise, a pu rapidement se laisser capter à travers les dispositions de la Politique de la Ville par cette fascination de l'entreprenariat supposé libérateur, en réalité carrément néo-libéral : industrieux, associatif, civique, citoyen... sous quels vocables généreux nous a-t-on vendu alors de sordides débits de boisson dans les quartiers, de modestes commerces de voisinage approvisionnés de produits bon marché issus de l'industrie agro-alimentaire intensif, des ateliers de couture et de cuisine aux mains d'œuvre “bénévoles”, d'ONG paternalistes françafricaines...
Mais les militants de NPNS ne sont pas isolés dans cette récupération des bonnes volontés populaires. Avant eux, Touche pas à mon Pote, ou SOS racisme avaient permis à leurs cadres de continuer carrière dans des fonctions qui rempliraient l'exact contraire de la vocation initiale de leurs organisations.
Et avant eux, les syndicats, certes, la CFDT, de l'aveu même de son ancien dirigeant Edmond Maire en 2003, n'a jamais été auto-gestionnaire que pour les effets d'annonce et la façade, mais aussi la CGT dont les dirigeants se sont toujours manifestés légalistes, partisans plus que douteux, voire officieux, du nucléaire sans toujours l'avouer, se retranchant souvent derrière la convocation à une consultation nationale sur les énergies dans le pays, bla bla bla bla ! Des formules attentistes qui ne montrent que le malaise réel des dirigeants face aux coups de butoir d'une société civile bien informée des risques nucléaires, pas toujours si dupe de ces manigances, et qui ne veut, elle, clairement pas d'une société nucléaire et de ses effets pervers, comme l'est par exemple, surtout, l'État policier.
Une preuve, parmi d'autres : http://amitie-entre-les-peuples.org/DIVERSITE-Toute-la-CGT-parle-du
On pointera sous ce label du double langage toutes les organisations de gauche, les partis, les associations, les ONG dont toutes dénoncent (comme le gouvernement et nos préfectures) les conditions inhumaines dans lesquelles sont traitées les populations roms ou les rescapés des désastres au Proche et au Moyen Orient ou de nombreux pays d'Afrique, mais pour mieux les expulser sans solution de relogement ni de traitement digne en matière d'éducation, de préservation de l'enfance, des mesures pour l'égalité des genres, etc.

Toutes les municipalités, même se disant « de gauche » (sic !), ne parlent qu'en termes de QUOTAS pour traiter de la qualité de vie des personnes. Ce n'est pas une question de chiffres : quand quelqu'un, homme, femme, enfant, vieillard, a besoin de gite, de couvert, de soins, de musique, de danse, et même de présence, de dialogue, d'un semblant d'amour, c'est alors la société en tant que telle qui a, tout entière, le devoir de satisfaire ces besoins et d'en offrir les conditions. Avec les moyens énormes dont elle dispose en personnel et en locaux, en finances, ce ne sera jamais si coûteux ni au contribuable, ni aux particulier.
Il pourrait y avoir des forêts d'arbres aux fruits comestibles en accès libre et gratuit, comme pour ce qui serait de l'eau et de refuges, non seulement en montagne, mais en campagne et dans les villes. Avec nettoyage et avec interventions de suivi, d'accompagnement et de soins, avec formation et alphabétisation, avec occasions de convivialité, à danser, manger, faire et écouter de la musique, ça coûte moins cher que les bulldozers, les charters, les flashball, les grenades et les lacrymogènes, et c'est de cela dont nous avons tous besoin autour de nous.
À défaut de pareilles mesures, se dire de gauche n'est qu'un vain mot pour mieux nous faire attendre ce qui ne viendra jamais : la justice et la dignité pour tous les peuples du monde.
Jean-Jacques M’µ