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Billet de blog 30 août 2011

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CONFLITS – 1 – des intérêts divergents ?

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L’idée de la lutte des intérêts présuppose qu’il y a un groupe qui a intérêt à s’accaparer les richesses et les biens, et à opprimer d’autres gens (une classe dominée ou des nations asservies). Cette vision des choses paraît « évidente ».

Les privilégiés s’accrochent à leurs privilèges, au besoin par la force, et ce n’est pas une discussion qui les fera renoncer ! Voilà ce que disent les partisans du conflit de classe, ou du conflit nationaliste (dans ce cas on remplace “riches” par “nations oppressives” ou “nations ennemies”, qui ne renonceront pas par le dialogue à des territoires ou des ressources).

L’idée de la lutte des nations véhicule un schéma similaire. Au lieu de décréter que l’intérêt lie d’abord des classes, il présuppose que ce sont les habitants d’un même pays qui sont solidaires.

Les conflits d’intérêts opposent des groupes considérés comme homogènes. On dira que les “dominants“ et les “dominés” ont des intérêts qui s’opposent. Soit. Mais est-il bien clair que chaque individu puisse se ranger dans un groupe défini ?

Les conflits ne sont pas irréductibles

On sait depuis des lustres que les classes moyennes des pays riches du Nord ont une place ambiguë. Sont-elles solidaires avec les pauvres des pays du Sud ou avec les pays du Nord ? La solidarité censée lier les classes entre elles, au-delà des frontières, pose de nombreuses question et fait problème aux théories internationalistes. Mais on ne peut pas non plus tomber dans le nationalisme, et considérer qu’avant toute chose, l’individu est solidaire avec ses concitoyens. En effet, je peux me sentir plus proche de parents vivant dans d’autres pays, voire de coreligionnaires partageant ma foi, que de nationaux du pays dans lequel je vis…On voit par ces exemples qu’il est difficile d’identifier avec quel ensemble un individu donné doit s’identifier. S’agit-il de nationaux ? des membres de la même classe, à travers les frontières ? Dans un monde où chaque personne est multi-appartenante, tant le nationalisme que l’idée de classe s’avèrent réductionnistes.

Les conflits sont mouvants

Les conflits supposés irrécusables que ces doctrines définissent reposent sur des notions en plein délitement. Certes, il existe des conflits d’intérêts ou de nations, et ceux-ci déterminent des « camps » définis – au sein d’une entreprise etc. Mais ces conflits sont mouvants, les individus qui se trouvent dans une position de classe ou solidaire d’une nation à un moment donné, vont se trouver à une autre place et solidaires d’autres ensembles à un moment différent. On ne peut pas voir les individus comme appartenant à des classes ni même à des ensembles nationaux ou religieux de façon statique. (Voir à ce sujet le livre essentiel d’Amin Maalouf : Les identités meurtrières).

Les conflits sont dépassables

Pour finir, on pourrait objecter contre cette vision de la lutte des intérêts, avec toute une tradition, qu’il existe des intérêts communs, voire un Bien commun, permettant de réconcilier les différentes collectivités – classes ou nations.

Ainsi, face à la montée des périls écologiques, on voit que tant la Chine que les États-Unis en viennent aux thèses écologiques et commencent à prendre des mesures pour éviter les dérèglements climatiques. Tous les terriens ont des intérêts convergents, par exemple à préserver l’eau, la biodiversité, les terres fertiles, etc.

Réponse-clé : l’existence du Bien commun, et impératif moral de justice présent chez la plupart des gens.

Les conflits sont solubles

Nous affirmons que le conflit d’intérêt est soluble par une notion de partage. Sauf dans un cas, celui où la rareté des ressources est telle que la survie de l’un ne se fera qu’au détriment de la survie de l’autre. En ce cas, le partage devient impossible. Mais dans la mesure où l’humanité a les moyens de nourrir 10 milliards de personnes, de fournir un minimum vital à chaque individu notamment grâce aux avancées technologiques, le conflit se pose en termes raisonnables. À un conflit insoluble d’intérêts antagonistes, on substitue un conflit soluble dans la discussion, où il s’agit d’organiser la production et la répartition des richesses, en tenant compte des contraintes écologiques et de la justice. Nous rejoignons ici une forte tradition réformiste :

« (…) Jaurès se différencie profondément de la pensée marxiste. En effet, pour Jaurès, l’État a pour fonction d’aider les deux classes. Ainsi, pour ce qui concerne la classe bourgeoise, capitaliste et exploiteuse, l’Etat, qui n’est pas l’expression de cette seule classe, doit rendre plus efficace le travail économique. (…) D’autre part, en ce qui concerne la classe prolétarienne, l’État démocratique doit lui ouvrir un cadre d’expression, des possibilités d’action en proportion avec sa la force et l’étendue de son mouvement. (…) sous la pression du nombre croissant de prolétaires, l’État démocratique va être obligé de prendre des mesures sociales, des décisions qui iront à l’encontre des intérêts capitalistes (…) Les deux classes vont comprendre que leur intérêt se confond avec l’intérêt collectif » (qui est, ici, d’augmenter la production).

Extrait de Jacques ELLUL, Les successeurs de Marx (Cours professé à l’Institut d’Études politiques de Bordeaux), éd. La Table Ronde, pages 49-50.

(Tolérance active : typologie des conflits…)

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