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Billet de blog 1 novembre 2024

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La Toussaint Rouge, événement majeur dans l'Histoire anticoloniale.

Alors que l'extrême droite tente de réécrire l'histoire coloniale à l'Assemblée Nationale et d'inverser les "valeurs"; L'Algérie commémore la Toussaint Rouge, et la colonisation qui a marqué culturellement, socialement, politiquement le pays. L'Algérie en quête de renouveau démocratique et engagée dans les luttes anticoloniales contemporaines, en Palestine et au Sahara Occidental.

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Terroristes... c'est ainsi qu'on désigna les militants activistes du FLN.

Le 1er novembre 2024 marque le 70e anniversaire de la Toussaint Rouge, événement déclencheur de la guerre d'indépendance algérienne. Cette date symbolique représente un tournant majeur dans l'histoire de la décolonisation, non seulement pour l'Algérie mais pour l'ensemble du monde colonisé.

La nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, le Front de Libération Nationale (FLN) lança une série d'attaques coordonnées à travers l'Algérie, signalant le début d'une lutte armée pour l'indépendance. Ces actions, menées par des figures emblématiques telles que Mustafa Ben Boulaïd, Larbi Ben M'hidi et Didouche Mourad, marquèrent une rupture définitive avec la politique d'assimilation et les tentatives de réforme du système colonial.

La guerre d'Algérie qui s'ensuivit devint rapidement un symbole de la lutte anticoloniale à l'échelle mondiale. Elle mobilisa des intellectuels et des militants bien au-delà des frontières algériennes.

Frantz Fanon, psychiatre martiniquais, exerçant longtemps en Lozère, rejoignit la cause algérienne et développa une analyse percutante du colonialisme dans ses ouvrages "Peau noire, masques blancs" et "Les Damnés de la Terre". Il écrira au sujet de la colonisation  : 

"La colonisation est une négation systématisée de l'autre, une décision forcenée de refuser à l'autre, tout attribut d'humanité"... 

Jean-Paul Sartre, fervent militant de l'indépendance algérienne, préfaça ce dernier ouvrage, apportant un soutien intellectuel crucial au mouvement.D'autres noms évidemment, comme celui de Maurice Audin. 

"Une décision forcenée de refuser à l'autre, tout attribut d'humanité", des mots, qu'on pourrait appliquer à certains commentateurs français et israéliens, au lendemain du 7 octobre, des crimes génocidaires qui ont suivi à Gaza, et en Cisjordanie, et en réalité, à une grande partie des médias mainstream français, dont une part significative des propriétaires oligarques, se complaisent désormais, dans l'héritage toxique, des idéaux de l'Algérie Française. 

Albert Camus, né en Algérie, adopta une position plus nuancée, plaidant pour une solution pacifique qui préserverait les droits des Européens d'Algérie tout en reconnaissant les aspirations légitimes des Algériens. Sa position complexe reflétait les tensions et les dilemmes de l'époque.

Le combat pour l'indépendance algérienne inspira d'autres mouvements de libération à travers le monde arabe et africain. Des figures comme Gamal Abdel Nasser en Égypte et Ahmed Ben Bella en Algérie devinrent des symboles de la lutte contre l'impérialisme occidental.

Aujourd'hui, 70 ans après la Toussaint Rouge, l'Algérie continue de jouer un rôle important dans les luttes anticoloniales contemporaines. Le pays maintient un soutien ferme à la cause palestinienne et au droit à l'autodétermination du peuple sahraoui au Sahara occidental, perpétuant ainsi son héritage de résistance contre l'oppression coloniale.

Cependant, l'Algérie post-indépendance n'a pas réalisé toutes les promesses de la révolution. Le pays est confronté à des défis internes significatifs, notamment un système politique opaque et des accusations de corruption généralisée. Le mouvement populaire du Hirak, qui a secoué le pays à la fin des années 2010, a mis en lumière les aspirations persistantes du peuple algérien pour une véritable démocratie et une gouvernance transparente. Dans la rue des millions d'Algériennes et d'Algériens ont revendiqué, que soit tenue la promesse sociale d'une Révolution sociale, vingt ans après une terrible boucherie, après aussi, un pouvoir dégénéré en sinistre farce, par le maintien d'un grabataire au pouvoir : Abdelaziz Bouteflicka.

Le 70e anniversaire de la Toussaint Rouge offre donc l'occasion de réfléchir non seulement sur les réalisations historiques du mouvement d'indépendance, mais aussi sur les défis contemporains auxquels l'Algérie est confrontée. Il rappelle que la lutte pour la justice, la dignité et l'autodétermination est un processus continu, qui s'étend bien au-delà de la fin formelle et officielle du colonialisme.

Il offre l'occasion de réentendre, relire,  Le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire est paru aux Editions Réclame en 1950, puis aux Editions Présence africaine en 1955. L' extrait qui suit vient de cette publication de 1955. Une lecture salutaire alors que le pouvoir se montre caressant à l'égard de l'extrême-droite à l'Assemblée, et tente d'amener au pourrissement, des luttes, du mouvements social en Martinique après avoir malmené la Kanaky, fantasmant même, par une de ses membres, un apartheid pur et simple entre Kanaks et Caldoches.

"Et alors, un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.

On s’étonne, on s’indigne. On dit : « Comme c’est curieux ! Mais, bah ! C’est le nazisme, ça passera ! » Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme-là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne.

Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’un Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.

J’ai beaucoup parlé d’Hitler. C’est qu’il le mérite : il permet de voir gros et de saisir que la société capitaliste, à son stade actuel, est incapable de fonder un droit des gens, comme elle s’avère impuissante à fonder une morale individuelle. Qu’on le veuille ou non : au bout du cul-de-sac Europe, je veux dire l’Europe d’Adenauer [Konrad Adenauer, 1876-1967,Chancelier de République fédérale Allemande de 1949 à 1963, président de la CDU – Union chrétienne-démocrate] de Schuman [Robert Schuman, 1866-1963, député démocrate-chrétien de 1945 à 1962, fondateur du MRP, a occupé de nombreux postes ministériels sous la Ive République française et est connu comme auteur du plan de la Communauté européenne du charbon etde l’acier en 1952, symbole de la réconciliation franco-allemande], Bidault [Georges Bidault, membre du Conseil national de la Résistance un des fondateurs du MRP, opposant farouche à l’indépendance de l’Algrie et donc aux option de De Gaulle, en la matière] et quelques autres, il y a Hitler. Au bout du capitalisme, désireux de se survivre, il y a Hitler. Au bout de l’humanisme formel et du renoncement philosophique, il y a Hitler.

Et, dès lors, une de ses phrases s’impose à moi : « Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi. »

Cela sonne net, hautain, brutal, et nous installe en pleine sauvagerie hurlante. Mais descendons d’un degré. Qui parle ? J’ai honte à le dire : c’est l’humaniste occidental, le philosophe « idéaliste ». Qu’il s’appelle Renan [Joseph Ernest Renan 1823-1892], c’est un hasard. Que ce soit tiré d’un livre intitulé : La Réforme intellectuelle et morale [1871], qu’il ait été écrit en France, au lendemain d’une guerre [face à l’Allemagne, menée sous la houlette de Napoléon III] que la France avait voulue du droit contre la force, cela en dit long sur les mœurs bourgeoises.

« La régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. L’homme du peuple est presque toujours, chez nous, un noble déclassé, sa lourde main est bien mieux faite pour manier l’épée que l’outil servile. Plutôt que de travailler, il choisit de se battre, c’est-à-dire qu’il revient à son premier état. Regere imperio populos, voilà notre vocation. Versez cette dévorante activité sur des pays qui, comme la Chine, appellent la conquête étrangère. Des aventuriers qui troublent la société européenne, faites un ver sacrum, un essaim comme ceux des Francs, des Lombards, des Normands, chacun sera dans son rôle. La nature a fait une race d’ouvriers, c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse sans presque aucun sentiment d’honneur ; gouvernez-la avec justice, en prélevant d’elle, pour le bienfait d’un tel gouvernement, un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre ; soyez bon pour lui et humain, et tout sera dans l’ordre ; une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. Réduisez cette noble race à travailler dans l’ergastule comme des nègres et des Chinois, elle se révolte. Tout révolté est, chez nous, plus ou moins, un soldat qui a manqué sa vocation, un être fait pour la vie héroïque, et que vous appliquez à une besogne contraire à sa race, mauvais ouvrier, trop bon soldat. Or, la vie qui révolte nos travailleurs rendrait heureux un Chinois, un fellah, êtres qui ne sont nullement militaires. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait, et tout ira bien. »

Hitler ? Rosenberg [Alfred Rosenberg, 1893-1946, idéologue du nazisme, avec son ouvrage Le Mythe du XXe siècle publiée en 1930] ] ? Non, Renan."

Un discours qui résonne, encore, lorsqu'un Josep Borell, vice président de l'UE, aux côtés d'une héritière, du commerce triangulaire européen,  tente d'expliquer l'Europe comme un jardin entouré d'une jungle. 

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