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Billet de blog 3 août 2015

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VAROUFAKIS..."L'OBJECTIF DE SCHAUBLE EST D'IMPOSER LA TROIKA PARTOUT SURTOUT A PARIS.

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YANNIS VAROUFAKIS est interviewé chez lui par EL PAIS...2 aout 2015 ( publié sur le blog de YANNIS VAROUFAKIS)

A propos de l'ESPAGNE...

Quelles sont les enseignements de la situation grecque pour l'ESPAGNE ? 

R les espagnols doivent choisir en fonction de la situation sociale et économique de l'Espagne indépendamment de ce qui se passe en GRECE, ou encore en FRANCE. Le risque pour n'importe quel pays de devenir une nouvelle GRECE existera tant que les mêmes erreurs seront commises que celles appliquées aux Grecs. Punir un peuple fier pour faire peur aux autres n'est pas ce que l'EUROPE devrait faire. 

Rajoy a déclaré que si les Espagnols vote pour des partis comme Podemos, ils seront comme la Grèce dans les prochains mois.

Je vous rappelle que la campagne présidentielle de Mitt Romney en 2012 a été menée aussi sur le thème  «si Obama gagne, les États-Unis deviendront comme la Grèce».Donc, la Grèce est devenue un ballon de football dans les pieds des politiciens de droite qui cherchent à effrayer leur population. Telle est la grande utilité de la Grèce pour la politique Grexit du Dr Schäuble.

Pensez-vous que Podemos a compliqué  la tâche de la  Grèce par peur de la contagion politique?

Je ne dirais jamais que Podemos est un problème pour nous. Même si Podemos n'avait pas existé, les forces de la régression en Europe auraient utilisé la peur parce que, avouons-le: chaque fois qu'une province se  rebelle contre l'empire, l'empereur et ses sbires se sentent obligés de faire un exemple pour ceux qui ont des projet de liberté. Peut-être Podemos a intensifié ce processus, mais, en réalité, nous n'avons  pas eu d'alternative : nous avions une économie prise dans la grande spirale de la déflation, pas de crédit, même pour des entreprises rentables, aucun investissement, sauf pour une certaine spéculation.

Le gouvernement précédent a été crescendo dans l'autoritarisme, la fermeture de stations de radio et de télévision propriétés de l'Etat. Il a mis en place une austérité autodestructrice, ce qui a conduit à de nouvelles pertes de revenus, aggravé la dette. Pour maintenir et alimenter cette bête d'austérité, on ne pouvait pas continuer à réduire la démocratie. Alors quelle alternative avons-nous eu?

Les Grecs ont voté pour nous non pas parce qu'ils ne savaient pas que nous serions traités d'une manière hostile, mais parce qu'ils en avaient assez. Quoi qu'il arrive en Espagne, en France, dans les pays baltes, au Portugal, nous avions le devoir envers les gens de dire: Nous croyons en l'Europe et nous allons dire aux Européens que nous leur devons de l'argent, nous voulons rembourser, mais nous ne pouvons pas rembourser en continuant de rétrécir nos revenus. "Si vous continuez l'étranglement économique de façon irrationnelle et inhumaine, vous allez perdre votre argent et nous allons perdre notre pays."

Maintenant, il arrive un moment où vous avez simplement besoin de dire et de faire ce qui est juste, et si l'Europe dans son ensemble décide de nous punir pour cela, parce qu'ils ne sont pas prêts à accepter la vérité, alors on n'a pas d'autre alternative que de dire leur dire : «Nous faisons de notre mieux et nous espérons que vousi!"et nous espérons que vous ferez en sorte de faire pour le mieux vous aussi !

Question. Depuis que vous avez quitté le ministère de quoi sont faîtes vos journée ?

Réponse. Je soupçonne les journalistes de me croire découragé, mais je ne suis pas entré en politique pour faire carrière. J'y suis entré pour tenter de changer les choses. et ça ça a un prix. 

Q. Quel  prix?

R. Le mépris, la haine profonde de l'établissement. Si on arrive en politique, par inadvertance, on finit par avoir des ennuis.

Q. Est-ce que vous pensez que vous avez été en mesure de changer les choses?

A. Bien sûr. Sinon, pourquoi seriez vous venu me voir ? Vous êtes ici parce que quelque chose a changé. Un gouvernement  a été élu pour négocier dur sur la base d'une argumentation qui n'a pas été considéré comme acceptable dans la zone euro. Dans le même temps,dire ) la zone euro que le traitement inhumain imposé à la GRECE était inacceptable. Donc, vous avez une force irrépressible, celle des grecs, venu se heurter à  un objet immobile, irrationnelle, l'eurogroupe. La logique des biens c'est l'irrationalité de l'Eurogroupe contre la force irrésistible de l'histoire. Le résultat a fait beaucoup de bruit ... Espérons qu'il y aura un peu de lumière aussi.

Dans votre dernier livre, "l'économie sans cravate" , vous expliquez la crise à votre fille. Avec le troisième plan de sauvetage, la Grèce restera sous la tutelle de extroika jusqu'au milieu du siècle; jusqu'à ce que sa fille ait votre âge. Comment voyez vous cela?

R. vous avez tort. ce n'est pas l'ex troïka: c'est la troïka elle même qui est de retour. Nous leur avons donné la chance de devenir "les institutions", de les légitimer. Mais ils ont insisté en se comportant comme la troïka illégitime des cinq dernières années.

Q. Et que pensez-vous  des hommes en noir qui vont rester à ATHENES  jusqu'à ce que ses petits-enfants soient eux mêmes adultes?

R. Ce ne sera pas le cas. L'accord n'a pas d'avenir. Il est basé sur la poursuite de la mascarade : on prolonge la crise avec de nouveaux prêts non viables, et on prétend résoudre la crise.  Cela ne peut pas durer éternellement. Vous pouvez tromper les gens et les marchés pour une courte période de temps, mais  vous ne pouvez pas les tromper pendant cinquante ans. Soit l'Europe change, et ce processus est remplacé par quelque chose de plus démocratique, et durable, gérable, humaniste. Ou l'Europe cessera d'exister en tant qu'Union monétaire.

Q. Que peut on attendre des prochains mois ? Rien de bon?

R. Le troisième plan de sauvetage est conçu pour échouer. Il faut l'avouer. Le ministre allemand, Wolfgang Schäuble, n'a jamais été intéressé par tout qu'il conviendrait de faire pour que ça fonctionne. Son plan est de redessiner la zone euro: une part de ce plan consiste dans l'exclusion de la GRECE. Je pense qu'il  a tort, mais il a beaucoup de pouvoir.Une des erreurs de ces derniers jours est de présenter le pacte entre Athènes et les créanciers comme une alternative au plan Schäuble. Non, non: l'accord fait partie du plan Schäuble.

Q. Est-ce qu'il a assuré le Grexit?

R. Espérons que non. Mais il y aura beaucoup de bruit, des retards, des objectifs inaccessibles, plus la récession, les troubles politiques. Lorsque viendra le temps, où nous verrons  si l'Europe veut ou non poursuivre le programme Schäuble.

P.  Berlin vient de proposer un plan pour mettre en œuvre les règles de l'euro encore plus durement.

R. Schäuble veut marginaliser la Commission et  créer une sorte d'autorité fiscale doté du  pouvoir de renverser les budgets nationaux, même dans les pays qui ne sont pas sous  programme.C'est  comme mettre tous les partenaires sous programme. Le plan Schäuble est d'imposer la troïka partout. À Madrid et à Rome.Mais surtout à Paris.

Q. ¿Paris?

R. Paris c'est le jackpot, la destination finale de la troïka. Le Grexit est utilisé pour susciter la peur nécessaire de Madrid, Rome et Paris.

P. sacrifier la Grèce pour changer le visage de l'Europe?

 Le« plan Schäuble c'est d'imposer partout la troika. Surtout à Paris "

R. C'est une  démonstration de force : voilà ce qui arrivera si vous ne vous ne vous soumettez pas à la troïka. Ce qui est arrivé en Grèce est un coup d'Etat: l'étouffement d'un pays par des contraintes de liquidité. A Bruxelles, il n'y a jamais eu aucun intérêt à offrir un accord mutuellement bénéfique. Les aides ne sont pas arrivées; On a dû faire face à la poursuite des paiements du FMI et de la BCE, et, finalement, nous avons manqué d'argent. Nous avons ensuite fait face à un ultimatum et on nous a  contraints à fermer les banques. Le résultat est le même que de renverser un gouvernement ou de le forcé  à se renverser lui même.

Q. Où en est l'Europe dans cette histoire?

R. Personne ne peut être libre si une personne est esclave: c'est le paradoxe de Hegel. L'Espagne et d'autres partenaires ne peuvent pas prospérer, être libre ou prendre soin de leur souveraineté et de la démocratie si un autre partenaire est privé de la prospérité, de la souveraineté et de la démocratie.

P. Nul ne conteste que l'austérité est excessive ni la nécessité de restructurer la dette: la stratégie de négociation est discutée.

R. Rien ne liait l'austérité et l'allégement de la dette en Janvier. Depuis c'est devenu incontestable, et ce débat c'est nous qui l'avons mis sur la table. Pour tous ceux qui disent que nous avons échoué, je dirais que nous avons réussi à ouvrir un débat non seulement sur la Grèce, mais à propos de l'Europe qui vaut son pesant d'or.

Q. Êtes-vous satisfait du résultat?

R. L'euro a été mal conçu, comme on le voit après l'effondrement de Lehman Brothers. Depuis, l'Europe est dans le déni et a fait le contraire de ce qu'il fallait faire. Un pays comme la Grèce, avec seulement 2% du PIB européen, a élu un gouvernement qui a mis sur la table des questions cruciales; après six mois de combats, nous avons perdu la bataille. Mais nous avons gagné la guerre, nous avons changé le débat.

Q. Donc c'est suffisant?

A. Bien sûr. Je ne peux pas quantifier ce résultat; Je ne peux pas vous dire combien de milliards vaut  d'avoir transformer le débat.Mais certaines choses sont mesurées par leur valeur, pas seulement par un prix.

Vous aviez un plan B, avec une monnaie parallèle, mais Tsipras ne vouliez pas d'appuyer sur le bouton, pour résumer l'histoire.

Il est le premier ministre, c'était de sa compétence. Mon travail, comme  ministre des finances, était de fournir les meilleurs outils que je pouvais et la décision lui appartenait de les utiliser ou non. Voilà ce qui importe. Il y avait de bons arguments pour utiliser ces outils et il y avait des arguments pour ne pas appuyer sur le bouton.

P. Selon Tsipras, il n'y avait pas d'alternative au pacte. 

R. Depuis tout jeune, je rejette cette idée de Thatcher  qu'il n'y a pas d'alternative. C'est toujours le cas.

Q. Vous avez parlé de la torture monétaire et budgétaire de terrorisme. Est-ce que la rhétorique n'était pas dangereux?

A. L'idée de la torture budgétaire est une description exacte de ce qui est arrivé. L'idée est que la torture met la tête dans l'eau; jusqu'à l'étouffement, on permet ensuite de respirer puis on replonge la tête dans la baignoire, et ainsi  on demande de se confesser. En Grèce, le pays étouffait avec le manque de liquidité. Même après le sauvetage, les partenaires ont seulement versé 7.000 milliards, juste assez pour payer le FMI et la BCE ainsi le gouvernement reste sous leur contrôle absolu. Sur le terrorisme, le 25 JUIN les créanciers ont présenté  une proposition après cinq mois, sachant qu'il était impossible de satisfaire les conditions de ces propositions. Nous avons décidé de le soumettre à un référendum, et de demander une prolongation de sauvetage de deux semaines pour voter en paix.L'Eurogroupe nous a refusé cette extension; Il nous a obligé à fermer les banques. Dans une économie moderne, fermer les banques est la pire forme du terrorisme par l'argent. Qu'est-ce que le terrorisme, sinon d'imposer de poursuivre un agenda politique par la peur ? Tout cela  pour terroriser les gens sur les conséquences de leur vote. Si Bruxelles avait échoué à effrayer les Grecs, je n'aurais pas utilisé ce mot.

"Ce qui est arrivé est un coup d'Etat: l'étouffement d'un pays par des contraintes de liquidité"

R. Soyons précis: Tsipras a parlé d'un programme criminel qui impose aux Grecs une crise monumentale, y compris une crise humanitaire. Nous ne changeons pas le niveau de notre rhétorique à la fin Juin. Nous étions donc là extrêmement poli, malgré l'incroyable hostilité de l'Eurogroupe. Depuis, Tsipras a accepté 90% du programme. Qu'ont fait les créanciers? A part changer et  reformuler les mesures inacceptables, par exemple de la TVA. Ce fut un acte d'agression: on parle bien de négligence criminelle.

Q. Si l'affaire est si mauvaise, pourquoi ne Tsipras accepté?

R. Cela vous devrez lui demander.

Q. Pourquoi n'a t'il pas eu un seul allié dans l'Eurogroupe?

R. L'idée que l'Eurogroupe c'est  18 contre un est illusoire. Il ya une petite minorité qui croit dans l'austérité. Il y a  un grand groupe de gouvernements qui ne croient pas à l'austérité, mais qui sont obligés de la défendre, parce qu'on les y oblige. Et encore un troisième groupe, avec la France, qui ne pratique ni ne croit en l'austérité..ni dedans ni dehors.

Q. Pensez vous que les grecs ont compris qu'un ministre de gauche se montre dans PARIS MATCH?

R. Faites une promenade avec moi à travers les rues et voyez.Pourtant, je regrette ces photos, même si esthétiquement elles sont terribles. Vous ne me croirez certainement pas, mais quand je ne savais savais rien de PARIS MATCH. Je fis l'erreur d'accepter le tournage. Je m'en suis excusé. 

P. Vous  avez dit une fois que l'héritage de Thatcher était les centres commerciaux,  la financiarisation de l'économie et, surtout, Tony Blair. Quel héritage laissera Angela Merkel?

R. L'Europe risque de devenir une cage de fer: Je souhaite que la chancelière Angela Merkel ne veuille pas laisser cet héritage.

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