
Hubert Huertas établit un parallèle entre la méthode employée pour la loi Travail 2 et celle gérant le conflit qui oppose la présidence et le Chef d'Etat Major, le Général De Villiers. En réalité, au delà de la question militaire... se posent la question de l'austérité, de ses méthodes, et celle plus largement de la confrontation de deux visions du monde, de ses urgences, des priorités.
Un parallèle intéressant, entre la gestion de conflit sur la Loi Travail XXL et la protestation légitime de De Villiers. D'autant plus intéressant que la même méthode est entrain de se déployer face aux collectivités territoriales, où les annonces d'hier portent lourdement à conséquences sur la qualité de vie des gens, mais aussi sur l'aménagement du territoire, dans un contexte où un double régime s'installe entre les métropoles et les territoires (donc des inégalités), sans même parler de la question démocratique. La démocratie communale, est une des bases traditionnelles de la démocratie en France.
Le parallèle est intéressant, car on y retrouve pas mal d'ingrédients... le discours moraliste, en est un, l'imposition de la dette, de la culpabilisation générale et toujours des mêmes (on la retrouve aussi lors de la commémoration de la Rafle du Vel d'Hiv) etc.
Vous avez livré un angle intéressant d'analyse...
Toutefois, la gauche serait elle devenue "mili" ? voire cocardière ?
Bien sûr on peut philosophiquement débattre d'une suppression de l'Armée, et ce débat est légitime.
Dans notre cas, il n'y a pas de demi mesure....soit on entretient l'Armée, au niveau des exigences du pouvoir (rappelons en l'occurrence qu'aucun citoyen n'est appelé démocratiquement à se prononcer sur la question).
Lorsque De Villiers parle de la coupe budgétaire concernant la défense il parle de trois choses.
- L'exigence ne cesse de grandir à l'égard de l'armée et les "OPEX" se multiplient depuis des années. Il est donc légitime de maintenir les moyens de maintenance d'une armée qui aujourd'hui conjugue maintien de l'ordre du fait de l'état d'urgence (prolongé déraisonnablement et en vue d'être intégré en partie dans le droit commun), fonctionnement courant, OPEX dont certaines font partie des contraintes contractées avec l'OTAN, sans parler de missions de sécurité civiles en cas de catastrophe naturelle, et de présence à l'étranger au service de nos grands groupes "préférés". Evoquons encore, les coûts supplémentaires que la Loi Renseignement a généré..
L'austérité dans le domaine rappelle en termes de méthodes, le traitement réservé à Frontex, au niveau européen, dont on connaît aujourd'hui les conséquences humanitaires (2000 morts en Méditerranée, officiellement en ce début d'été ! ) directement en lien avec un budget raboté par Berlin.
C'était enfin un engagement de l'Etat.
- La souveraineté nationale en matière de défense dépend de son budget. De Villiers alerte sur le fait que la France dispose de l'Armée la plus techniquement complète du continent.. et nul doute qu'il fasse allusion à la RFA dont l'armée certes présente de plus en plus en Afrique, voit le niveau opérationnel affecté par des années de coupes, dans un pays qui ne cesse d'être exigent sur le plan militaire à sa frontière est (la frontière est..).
- Il parle aussi de l'externalisation des compétences de l'Armée. C'est à dire le recours à des officines extérieures, des services privés, des armées privées. Or sur cette question la "doctrine" de la République a toujours été vent debout contre le recours à des armées privées même si dans les faits, des grands groupes multinationaux y ont recours.. C'est un marché de plusieurs dizaines de milliards de Dollars que cette question. Evidemment... ces officines privées, ces armées privées ne peuvent que représenter un danger pour les démocraties, les Etats qui restent en l'occurrence, en principe, sous le contrôle démocratique de l'Etat du moins pour les démocraties.
De sorte que, il convient de lire le soutien de Mélenchon comme de Corbière et au delà, de la France Insoumise, sous les angles suivants plutôt que sous l'angle militaro cocardier :
- 1) L'austérité est une voie anti démocratique, qui conduit à des tensions dans un contexte où les puissances se font concurrence, sur le mode impérialiste. Réduire le budget de la défense nationale accroît de fait, dans un pays comme la France, la pression de l'austérité sur l'industrie, la recherche, l'indépendance nationale (rappel... la brochure "Pour une nouvelle indépendance Nationale" de Mélenchon et la conférence sur le même sujet avec des cadres de la défense). L'austérité creuse les inégalités, accélère la désindustrialisation et "désarme", aussi le pays, et au delà l'Humanité, contre le vaste chantier que nous impose l'évolution naturelle, le changement climatique.
-2) Les coupes ont aussi un impact, qui accroît la dépendance militaire à l'égard de l'OTAN, et la soumission à la RFA et ses exigences. Dépendre militairement de l'OTAN conduit à en adopter de façon pleine et entière la vision du monde belliciste, expansionniste, (on pensera notamment, mais pas seulement à la politique arabe de la France, à l'adhésion à la guerre de civilisation, à l'alignement sur les USA concernant le soutien aux logiques d'extrême droite de Netanyahou, à la politique africaine aussi... que les différents discours de Macron ces derniers jours corroborent ou confirment).
-3) Ce jeu des alliances, nous mène à la guerre. Il se renforce de la baisse budgétaire imposée à une armée, de plus en plus sollicitée. La guerre d'Anatole France, à Jaurès, est de toute façon une défaite pour la République, pour la démocratie, pour l'Humanité, pour la justice sociale, car ce sont toujours les "nôtres", qui partent au front et les mêmes qui tirent les marrons de "petit feu".
-4) Cette politique budgétaire rompant les engagements tenus à l'égard de la "traditionnelle" grande muette, a aussi des conséquences sur l'emploi, l'industrie et la recherche.. on peut le regretter... mais c'est un fait.
Nous vivons un épisode tout à fait évocateur des effets des méthodes que Macron généralise depuis qu'il est dans les antichambres du Pouvoir (depuis 2010), et accélère depuis son intronisation "jupitérienne". Cet épisode très évocateur, c'est la mise sur la touche de 87 000 Lycéens des universités françaises...
Ainsi 87 000 jeunes issues des classes moyennes en large majorité, mais aussi des classes sociales plus modestes sont actuellement "sans solution" à l'entrée de l'enseignement supérieur. On évoque depuis quelques jours "APB", une application informatique... sans évoquer le rôle de la technostructure qui a produit et imposé cette application qui a beau tourné comme on le lui demande, mais qui ne sait pas créer "gratuitement", des places et des professeurs, des locaux qui n'ont pas été budgétées pour cause ... d'austérité budgétaire. En vérité, ce sont les mêmes méthodes, les mêmes dogmes économiques, les mêmes préjugés sociaux, qui président à l'ineptie d'une jeunesse reléguée, peut être sommée dans les semaines à venir à "se vendre" sur le "marché du travail", remasterisé, ubérisé, sous le coup de la Loi Travail XXL....pendant que les "fils des bonnes familles" eux, continueront comme durant les dernières décennies de "fiscalisation plafonnée" pour toujours les mêmes ... suivront imperturbablement les mêmes cursus que ceux qui ont pris massivement le pouvoir et qui imposent à tous, leur vision du monde, leurs méthodes, et leurs effets.
Aussi, il faut considérer le Général De Villiers comme un nouveau lanceur d'alerte contre l'austérité. Son alerte porte bien plus loin que la simple question de la défense nationale. La dépendance à l'égard des financiers, par le refus de renégocier la dette (vieille tradition latine), son accroissement quasi fatal du fait de l'austérité, désarme bien plus que l'Armée. Elle désarme et c'est encore plus grave, l'Humanité, face à l'échéance incontournable que la nature, le climat, lui pose comme un diktat.
Répondre aux exigences capricieuses de quelques uns toujours plus avides de dividendes, de richesses, de patrimoine, ou répondre au défi lancé par le climat.. tel est la question urgente à résoudre... La réaction légitime de ce général rompant les rangs et le silence, participe de cette réponse là.
La France Insoumise oppose à la vision de Macron et d'une poignée d'Humains insatiables, celle d'une Humanité, massivement jeune, dont les besoins sont aux antipodes de ceux qui affament en réalité, le monde d'aujourd'hui et surtout l'expose à une tragédie naturelle dont Michel Serres, il y a vingt ans avait assez bien dressé le tableau (dans le "Contrat Naturel".).