Newtown, Connecticut. Un destin en forme d'ironie cruelle pour cette ville des États-Unis dont le nom résonne comme une promesse d'avenir radieux. Une ville stupéfaite de se voir soudain hissée au firmament des records sordides que comptent ces massacres de l'ère contemporaine et commis en temps de paix. Voilà l'Amérique qui bégaie encore la scène tragique de son feuilleton sanglant. Une vingtaine d'enfants de 5 à 7 ans, simple gibier de morgue abattu de sang froid. Pour compléter le sinistre tableau de chasse, ajoutons six adultes qui les encadraient, car c'est dans une école maternelle, un cœur de la “ civilisation ”, que s'est joué le rituel sauvage de sa scène primitive. Cette fois, officiant au carnage, un jeune homme de 20 ans. Sa mère, enseignante et première victime de ce meurtre de masse, avait acheté les armes du crime... En bonne Américaine.
Sur tous les écrans de la planète, on a pu assister au spectacle médiatique d'une Amérique éplorée. Du sang et des larmes...
Nous pourrions presque y croire s'il n'y avait en parallèle, anachroniques, ces discours creux, hypocrites ou bien simplement délirants sur la nécessité de s'armer davantage. Et ces jeunes enfants qu'on emmène au stand de tir lors des balades familiales du dimanche. Criminologues et autres experts sont appelés au chevet du malade pour porter un diagnostic, se demandant tous comment porter remède à ce “ mal américain ”. Le pari serait impossible dans une nation qui ne compterait pas moins de 290 millions d'armes à feu et dans laquelle le rapport à la loi a été perverti par l'un des amendements de sa constitution. Là même où devrait peser l'interdit, on laisse les citoyens posséder, porter et faire usage de leurs armes.
Ceux qui endossent périodiquement les sinistres habits de “ tueurs fous ”, et dont un expert disait qu'ils étaient tous Blancs et issus de milieux relativement aisés, surgissent comme des symptômes pour faire face au retour du refoulé d'une Amérique dont l'acte de naissance prend la forme du meurtre de masse planifié des peuples autochtones, l'extermination méthodique des nations amérindiennes comme un des piliers de cette société.
Il faut se rappeler des temps pas si lointains, des campements éphémères des tipis, hantés par les mêmes terreurs d'enfants innocents et leurs mères aux abois surpris par le fracas des armes déchirant le calme des plaines indiennes. Dans la ville américaine moderne, transformée en scène de crime, surgit le “ tueur fou ” refaisant les gestes du massacre fondateur. Des noces barbares glorifiées sans l'once d'un remords dans la culture populaire western comme valeurs positives et créatrices. Pourquoi dès lors, devrions-nous être étonnés de voir répété ad libitum ce qui a valeur de modèle ? Comme toutes les nations orgueilleuses refusant de se pencher sur leur passé, l'empire américain semble condamné par la logique implacable de l'histoire à en payer le prix et voir ses propres enfants lui infliger ce terrible châtiment. Logique historique qui se referme comme un piège duquel l'Amérique ne pourra sortir que par la volonté affirmée de le déjouer pour rendre possible un salvateur adieu aux armes.
© Jocelyn Valton - Guadeloupe, janvier 2013