Avant propos
Depuis plusieurs années, force est de constater que le linéaire de haies bocagères, malgré les mesures de protection, diminue constamment, par rapport au faible linéaire planté !
Il a été vérifié lors de l’établissement des Plans Locaux d’Urbanisme Intercommunaux (PLUi) combien il état difficile d’obtenir un inventaire exhaustif des linéaires de haies bocagères et plus encore de leur protection, soit en les classant en EBC (espace boisé classé) soit en loi paysage.
Or lorsqu’un document d’urbanisme est présenté en CDPENAF (Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers) on assiste aux cris d’orfraie du syndicat agricole majoritaire, qui botte le sujet en touche déclarant que ce n’est pas de la compétence de la commission et qu’on arrête de les marteler avec une législation trop abondante et punitive
A chaque fois il faut leur rappeler que l’objectif de cette commission des services de l’État est bien de « PRESERVER ».
Depuis plusieurs mois la presse s’est fait l’écho des actions et revendications du syndicat majoritaire (FNSEA) appuyé par la Coordination Rurale, demandant une simplification des règles et l’interdiction (rien que ça) des organismes de contrôle et plus particulièrement de l’OFB (Office Français de la Biodiversité).
Faut-il rappeler au besoin que l’OFB visite une ferme tous les 120 ans !
Dernièrement le PLUi de Villedieu Intercom, a été validé par la communauté de commune, générant le départ précipité de la vingtaine d’agriculteurs qui s’étaient invités pour dénoncer le classement en EBC de 500 km de haies !
Si ce document d’urbanisme n’est pas vertueux du tout en matière de consommation d’espace, il est par contre le seul dans la Manche à avoir osé classer en EBC un linéaire de haies.
A chaque fois il est demandé aux élus lors de la présentation de leur projet de PLUi d’envisager d’une part un inventaire complet du linéaire de haies et du classement pour partie en EBC.
Arrachages et dérogation pour destruction d’espèces protégées
Actuellement et en fonction de leur classement, les arrachages de haies sont soumis à déclaration ou autorisation, soit auprès de la commune s’il existe une commission bocage, soit auprès de la communauté de communes qui transmet à la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer).
Parallèlement une demande de dérogation de destruction d’espèces protégées doit être formulée auprès de la DREAL ( le code de l’Environnement article L. 411-1 interdit de porter atteinte aux espèces protégées et à leur habitat).
Pour mémoire et c’est important pour la suite la sanction est de 3 ans de prison et 150000 € d’amende si la demande de dérogation n’a pas été effectuée !
Simplification des règles et loi d’orientation agricole
La loi d’orientation agricole prévoyait de répondre à une demande expresse du syndicat majoritaire à savoir une simplification des normes et des démarches.
Or il s’avère que le Code de l’Environnement est complété au chapitre II du titre 1er du livre IV par une section 4 dont il est extrait et commenté ce qui suit
« Art. L. 412-21. – I. – Sauf disposition spéciale, une haie est une unité linéaire de végétation, autre que des cultures, d’une largeur maximale de vingt mètres et qui comprend au moins deux éléments parmi les trois suivants :
« 1° Des arbustes ;
« 2° Des arbres ;
« 3° D’autres ligneux.
« Sont régies par la présente section les haies, à l’exclusion des allées d’arbres et des alignements d’arbres au sens de l’article L. 350-3, qu’ils bordent ou non des voies ouvertes ou non à la circulation publique, et à
l’exclusion des haies implantées en bordure de bâtiments ou sur une place, qui constituent l’enceinte d’un jardin ou d’un parc attenants à une habitation ou qui se situent à l’intérieur de cette enceinte. « Est également exclue la chaussée de toute voie cadastrée sous l’appellation “chemin rural”.
Cet article nouveau définit enfin la haie et surtout son envergure et comprend bien les arbres, qui trop souvent restés isolés ou seulement protégés au titre des « arbres remarquables ».
Cela dit une législation abondante mais disparate protège la haie notamment la loi de la biodiversité du 8 août 2016.
Ce qui par contre paraît inquiétant c’est le nouvel article L 412-22 du Code de l’environnement à savoir :
« Art. L. 412-22. – I. – Tout projet de destruction d’une haie mentionnée à l’article L. 412-21 est soumis à déclaration unique préalable.
« Dans le cas où la destruction de la haie est soumise à déclaration en application d’une ou de plusieurs des législations mentionnées à l’article L. 412-24, la déclaration unique en tient lieu. Le projet est apprécié au regard
des critères et des règles prévus par ces législations.
« Dans un délai fixé par décret en Conseil d’État et ne pouvant excéder quatre mois à compter de la réception de la déclaration, l’autorité administrative peut s’opposer à la destruction projetée. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai. Le silence ou l’absence d’opposition de l’administration vaut absence d’opposition au titre des législations applicables au projet.
« II. – Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’absence d’opposition à la déclaration unique prévue au I du présent article, sans avoir obtenu cette absence d’opposition ou en violation d’une mesure
de retrait de cette absence d’opposition est puni de l’amende prévue pour les contraventions de deuxième classe.
C’est donc dans le cadre de la simplification que cette déclaration unique est instituée dans un guichet unique dont il est fort à penser que ce soit les DDT et DDTM et non il faut l’espérer Les Chambres d’Agricultures phagocytées par la FNSEA en grande partie.
Il sera alors délivré au requérant une absence d’opposition.
A défaut le contrevenant subira une amende de 2ème classe.
Mais cette déclaration unique devra ne pourra s’exonérer des dérogations et autorisations particulières énoncées à l’article L 412-24 du Code de l’environnement, notamment en ce qui concerne les demandes de dérogations pour destruction d’espèces protégées.
Cette déclaration unique sera alors regardée comme une demande d’autorisation.
Dans ce cas le délai de l’autorité administrative sera toujours en principe de 4 mois.
Le défaut d’autorisation sera puni d’une amende de quatrième classe.
Or ces amendes seront bien dérisoires à côté de celles en vigueur.
Au sein de l’article L 412-23 il est en outre précisé que « la décision d’autorisation est soumise à la participation du public selon les modalités prévues à l’article L 123-19 du Code de l’environnement lorsqu’elle a une incidence directe et significative sur l’environnement ».
Comme c’est bien dit mais si l’on veut pousser la compréhension de ce texte jusqu’au bout tout arrachage de haie a une incidence directe et significative sur l’environnement, puisqu’il y a destruction du vivant !
Il est en tout cas urgent d’attendre le décret en Conseil d’État qui déterminera les conditions d’application de cette section nouvelle du Code de l’environnement et qui à l’article L 412-26 précisera notamment :
« 1° Les modalités et les conditions de la déclaration unique prévue à l’article L. 412-22 et de l’autorisation unique prévue à l’article L. 412-23 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles la destruction d’une haie fait l’objet des mesures de compensation mentionnées au premier alinéa de l’article L. 412-25. Il prévoit une application territorialisée des mesures de
compensation ;
« 3° Les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la destruction de haie pour assurer la sécurité publique ainsi que, en cas d’urgence, l’intégrité des réseaux et des infrastructures de transport ou pour assurer une
obligation légale ou réglementaire, dans le respect de l’article 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
La cartographie des linéaires de haies
Celle-ci n’existe pour l’instant que partiellement dans les documents d’urbanisme que sont les PLU et PLUi désormais, mais rien dans les cartes communales vouées à disparaître.
Par contre un travail par chevauchement des documents disponibles sur Géoportail, permet déjà d’avoir une idée de l’état des haies bocagères, et des atteintes portées.
Quelques associations environnementales ont commencé une cartographie précise de l’état des haies commune par commune.
Dans le cadre de l’établissement des PLUi les collectivités font établir un inventaire du linéaire de haies, mais se limitent bien souvent aux espaces naturels, agricoles et forestiers.
Les associations environnementales réclament depuis des années un inventaire complet et exhaustif de ces linéaires.
Le nouvel article L 412-27 annonce :
Dans chaque département, en s’appuyant sur les données publiques disponibles, en particulier celles de l’observatoire de la haie, et après consultation des organisations représentatives agricoles et des associations représentatives d’élus locaux ainsi que des représentants des gestionnaires d’infrastructures de réseaux et d’une association de protection de l’environnement, l’autorité administrative compétente prend un arrêté qui
établit pour le département :
« 1° Une période d’interdiction de travaux sur les haies, en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification ainsi que des spécificités et des conditions climatiques
et pédologiques du département ;
« 2° Un coefficient de compensation en cas de destruction de haie, en application du 2° de l’article L. 412-26. Ce coefficient tient compte, notamment, de la densité de haie dans le département, de la dynamique historique de destruction ou de progression du linéaire de haie et de la valeur écologique des haies détruites en fonction d’une typologie de haies définie par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture ;
« 3° Une liste des pratiques locales usuelles présumées répondre, de manière constante sur le territoire du département, à la notion de travaux d’entretien usuels de la haie.
Des questions se posent :
Quid de l’observatoire de la haie, où est-il.
Pourquoi une seule association de protection de l’environnement ?
La période d’interdiction de travaux est déjà fixée annuellement par la DREAL.
Concernant le coefficient de compensation prévu un peu plus loin à 1 pour 1 à savoir 1 km planté pour 1 km détruit, sachant qu’une haie dense et habitée met entre 20 et 30 ans à se constituer, cela pose à nouveau le problème de la compensation donc de la destruction ?
Quant à la cartographie elle est prévue par l’article L 412-28 du Code de l’Environnement :
À titre informatif, l’autorité administrative compétente dans le département met à la disposition du public, en ligne, une cartographie régulièrement mise à jour des protections législatives ou réglementaires applicables aux haies, à une échelle géographique fine.
Mieux vaut tard que jamais, mais cela met le citoyen dans l’impatience de la réalisation de cet outil nouveau.
Pour compléter ces dispositions nouvelles et encore moins simplificatrices, le législateur a dans le code rural modifié l’article L 1 dans les termes suivants :
a) Après le mot : « préservation », sont insérés les mots : « , de la gestion durable » ;
b) Sont ajoutés les mots : « afin de tendre, à compter du 1er janvier 2030, par rapport au 1er janvier 2024, à une augmentation nette du linéaire de haies de 50 000 kilomètres, à un linéaire de haies en gestion durable, au sens de l’article L. 611-9, de 100 000 kilomètres et, à compter du 1er janvier 2048, à un linéaire de haies de 500 000 kilomètres, géré durablement, sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la promotion de la valorisation économique des haies gérées durablement. » ;
Pourquoi pas passer de la préservation à la gestion durable ?
Mais en CDPENAF il est question de préservation et le terme n’est pas incompatible bien au contraire avec une gestion durable, notamment sur l’aspect économique.
Sur ce volet économique certains paysans vertueux ont bien compris et mis en pratique cette gestion durable économique sans avoir à bourse délier, ni subventions ou rétributions.
Le programme ambitieux d’augmentation du linéaire de haies doit d’abord commencer par un inventaire précis département par département, commune par commune, mais surtout un moratoire à tout arrachage, nonobstant les textes de la loi.
Concernant les PLUi
Actuellement et pour revenir au seul département de la Manche, nombre de PLUi à la suite de l’application de la loi Climat et Résilience, sont soit à l’étude ou en cours de réalisation, soit approuvés pour 3 d’entre eux.
Pour ceux en cours et afin que soit mieux pris en compte le bocage il est important pour le citoyen d’intervenir auprès de tous les acteurs de ces documents pour une meilleure prise en compte, de l’importance pour la préservation de la biodiversité, de la préservation de l’intégralité des linéaires de haies bocagères.
Conclusions et observations
Cette loi soi disant simplificatrice ajoute de nombreux articles dans le Code de l’Environnement et dans le Code Rural, avec l’attente de décrets d’application ou d’avis, on est loin de la simplification des normes tant demandée.
Planter ou replanter c’est une bonne chose, à condition d’avoir le courage de prononcer un moratoire à tout arrachage nouveau, sans la mise en place d’un programme précis de régénération des haies bocagères à plat et sur talus.
Quid également de l’avis du citoyen car à aucun moment dans cette loi, n’est évoqué l’avenir des commissions bocages mises en place dans les communes titulaires d’un document d’urbanisme, même si la composition de ces commissions ne comptait que peu de citoyens lambda, et dans lesquelles il n’est jamais question de la demande de dérogation de destruction d’espèces protégées.
Enfin il faut cesser de leurrer le public avec la compensation, cela n’existe pas sauf à se donner bonne conscience, mais une haie détruite ne peut être compensée par une haie replantée ailleurs qui va mettre 20 à 30 ans pour recouvrer une biodiversité riche et variée.