Ils craignaient des recours judiciaires pour leur implantation sur Carentan les Marais, et ils n'avaient pas tort, mais ils ont surtout été déconcertés par l'avis de l'autorité environnementale et de l'Office Français de la Biodiversité. Ils se sont donc rabattus sur le Calvados et plus précisément sur la communes de Colombelles accueillis à bras ouverts par l'édile.
Sauf que le terrain qu'ils lorgnent est une partie du site de l'ancienne SOCIETE METTALURGIQUE DE NORMANDIE dont il reste deux éléments de ce patrimoine industriel fermé depuis plusieurs décennies.
Mais le site appartient à la communauté d'Agglo Caen La Mer, et de nombreux élus ont démontré leur hostilité à cette installation sur l'ancienne exploitation de la SMN.
Un collectif composé de scientifiques, d'historiens, d'associatifs s'est constitué, et a organisé dimanche 5 novembre un rassemblement qui a réuni environ 150 personnes.
En conséquence je vous livre ci après le communiqué rédigé par le collectif :
Remerciement au Nom du Collectif pour la Dignité du Tourisme Mémoriel
Au moment où divers événements culturels marquent sur ce plateau les 30 ans de la fermeture de la SMN, ce rassemblement, ce lieu et cette date ont évidemment une dimension symbolique très forte. D’autant plus forte que l'histoire de ce lieu est la nôtre, celle de beaucoup de nos familles qui y ont travaillé et, plus tôt, celle de beaucoup de victimes des bombardements de la 2°GM.
Sur cette histoire, c’est une chape de plomb que veut poser la municipalité de Colombelles avec ce projet Normandy Memory. Rappelons que depuis bientôt 4 ans, les promoteurs de cette affaire font du porte à porte pour essayer de caser leur projet quelque part ; Bayeux, tout d’abord qui a eu la sagesse de le repousser rapidement, puis Carentan où des terrains étaient pressentis, sans voisins immédiats, ce qui était parfait, dit un document de présentation du projet, car ainsi le spectacle ne créerait pas de nuisance. A Colombelles, à 150 mètres des entreprises et ??? des habitations, on essaie de nous faire croire que ce spectacle « à la sonorisation plus vraie que nature », avec des explosions et des tirs, ne fera pas de bruit. Pour endormir les oppositions, le maire de la commune écrit, dans une lettre à ses collègues de la communauté urbaine, que les spectacles se tiendront « principalement les week-ends et en juillet/août ». Mais qui peut croire à la viabilité économique d’un projet à 90 millions d’€ qui ne fonctionnera que quelques semaines par an ? Qui peut croire aux perspectives d’emploi annoncées, de 200 à 350 postes ? Qui peut croire également à l’évocation d’une ligne de tramway dont la création suivrait la réalisation du projet NM alors même que Nicolas Joyau, vice-président aux mobilités de Caen la mer a écarté cette idée lors d’une récente réunion communautaire ?
Peut–on encore accorder quelque crédit à la présentation de ce projet comme un outil au service du devoir de mémoire et d’éducation, alors que ses concepteurs eux-mêmes parlent d’un « show », d’effets « waouh » et des « fragrances » de la guerre qu’ils prétendent restituer… Oui, les mots perdent leur sens dans l’esprit des concepteurs de ce spectacle sensationnaliste, les faits perdent leur dimension tragique et la démarche des promoteurs et de la municipalité perd toute dignité. Se sont-ils demandé si les 74 résistants fusillés à la prison de Caen le 6 juin 1944 avaient apprécié le doux parfum de la guerre ? Vont-ils rendre compte de ces scènes que décrit un infirmier dans ses souvenirs de guerre « … des blessures horribles, de toutes sortes et de toutes gravités. Des crânes ouverts où, os, cervelle et tissus formaient une bouillie, des visages horriblement mutilés aux mâchoires brisées, avec des yeux suppliant qu’on soulage leur douleur… » ?
A ces promesses de vendeur de porte à porte a récemment été ajoutée celle de faire une place à l’histoire de la SMN dans ce spectacle. Ne nous y trompons pas, sur les 50 minutes du spectacle, la SMN sera expédiée en 2 ou 3. C’est bien sûr ridicule, mais surtout nous ne voulons pas confier notre histoire à des bateleurs qui la feront disparaître à la première refonte de leur programme. Car c’est la technique du pied dans la porte qui nous menace : si les promoteurs parviennent à mettre la main sur ces terrains, nul ne pourra s’opposer à ce qu’ils croiront bon de faire pour attirer toujours plus de monde au risque de déstabiliser le réseau des musées et des sites liés au Débarquement.
Céder ces terrains pour ce projet, c’est donner carte blanche aux promoteurs. Ne nous y trompons pas : le comité de suivi ou le comité scientifique évoqués par le maire de Colombelles ne sont que des précautions d’autant plus dérisoires qu’aucun historien reconnu et indépendant n’y participe.
Trop de contradictions, trop de zones d’ombre, trop de paroles en l’air. Soutenir ce projet, c’est mettre en péril la politique mémorielle de Caen – la –Mer telle qu’elle a été engagée par Jean Marie Girault ; donner un feu vert aux bateleurs sur la base d’un projet aussi imprécis et depuis le début truffé de fausses promesses, c’est mettre en cause la crédibilité des élus qui s’y risqueront.
L’histoire, notre histoire, n’est pas un produit destiné à procurer des sensations fortes.

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