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Billet de blog 20 septembre 2025

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NOUVEAU COUP DE FORCE D’AGROCARE à ISIGNY LE BUAT (50)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette société d’origine batave, exploite déjà 12 ha de serres de production de tomates à Isigny le Buat dans le Sud Manche, à laquelle est associée une centrale de Cogénération alimentée au gaz, afin de produire de l’eau chaude destinée à chauffer les serres, laquelle eau est ensuite récupérée pour générer de l’électricité.

De ce fait à chaque unité de production de tomates d’Agrocare est associée une société de production d’Energie qui rapporte 5 fois plus que la vente de tomates !

Dans les articles précédents il avait été relaté le projet d’extension des serres à tomates sur une surface de 32 ha pour 20 ha de serres retoqué par le préfet de la Manche.

Projet qu’elle croit être vertueux puisque réduit de 4 ha en zone humide.

Ainsi donc la surface globale serait ramenée de 32 à 28 ha, avec 16 ha de serres au lieu de 8, plus les bureaux, salle de conditionnement, du personnel.

Le côté vertueux d’après Agrocare serait axé sur deux points :

- Récupérer les eaux de pluies dans deux bassins créés.

Sauf que ces eaux de pluies ne vont plus s’infiltrer dans le sol composé pour l’instant principalement de prairies pour recharger la nappe phréatique !

- Protéger une zone d’environ 6 ha actuellement en prairies afin d’y maintenir une flore et une faune, replanter 1 km de haies, et irriguer au besoin à l’aide d’eaux pluviales récupérées et stockées.

Le tout à la suite d’une étude environnementale réalisée par un cabinet privé.

Mais c’est oublier que sur 22 ha la biodiversité sera définitivement détruite, le sol sans vie microbienne puisque non cultivé, sans photosynthèse naturelle, sans amendements riches en intrants naturels.

Autre point mis en avant la société c’est l’utilisation d’un substrat végétal, plutôt que de la laine de roche comme dans les serres actuelles, permettant un meilleur traitement des déchets, moins handicapant pour l’environnement.

Sur le foncier

Compte tenu du fait que la société avait acquis un tènement immobilier au lieudit le Bois Aubé, pour 1330000 €, qu’elle se trouve toujours sous promesse de vente pour partie les terres autour, elle a déposé fin juillet une nouvelle demande de permis pour un nouveau projet.

Ce hameau du bois Aubé est situé en zone N du PLUi d’Avranches.

Cet achat est un coup de force puisque situé au milieu de la zone souhaitée d’extension, que dans ce nouveau projet et en raison du doublement de surface les terres, ce hameau va disparaître !

Que cela met un poids financier énorme sur la valeur des terres, que la SAFER ne pourra suivre.

Que cette façon de procéder porte une atteinte grave à l’accès au foncier pour les paysans, à commencer par ceux de la commune d’Isigny le Buat.

Que ces terres sont actuellement cultivées ou pâturées !

Sur la notion d’entreprise agro industrielle

Au vu de la réglementation en vigueur les serres à tomates sont considérées comme activité agricole, sauf que dans cette notion agraire, il s’agit du travail de la terre !

Dans le cas d’Isigny le Buat, que nenni, les tomates sont cultivées sur du substrat, qui serait désormais d’origine végétale, mais toujours en « HORS SOL ».

Qu’est associée au serres une centrale de cogénération existant déjà pour les premières serres installées qui va donc servir à chauffer les nouvelles serres projetées.

Il est donc évident qu’au départ la centrale a été surdimensionnée pour pouvoir produire plus d’électricité ?

D’après les chiffres actuels les serres existantes génèrent un produit d’environ 1150000 € annuel, et la revente d’électricité un produit d’environ 5500000 € annuel.

Il s’avère donc que l’activité hors sol n’est là que pour justifier l’existence de l’activité de production d’énergie, qui est une activité INDUSTRIELLE.

Il y a donc lieu de constater un détournement d’utilisation, artificialisation, … de terres agricoles

alors que nous sommes en zones A et N du PLUi.

Sur l’attitude de la FDSEA et de la Coordination Rurale

Lors de la dernière CDPENAF de septembre 2025, force a été de constater le changement d’attitude de la sphère du Syndicat dit majorité (FDSEA) auquel s’est associée la coordination, qui ont voté majoritairement pour ce nouveau projet, alors que pour le projet précédent ils s’étaient abstenus.

Ce sont opposés le Conseil Départemental, la Préfecture, la DDTM, la Conf, le Grape, Manche Nature et Terre de Liens.

Il est bon de rappeler qu’en 2015 pour le projet de Brécey, le représentant de la FDSEA avait en CDPENAF informé la commission qu’une délégation avait été invitée à visiter une serre expérimentale aux Pays Bas.

La question que l’on peut se poser, que leur a-t-il été proposé cette fois ci ?

Parmi les arguments développés, celui bien évidemment d’éviter les importations de tomates d’Espagne ou du Maroc et axer sur la production en France y compris en hors, au détriment des paysans cultivant en pleine terre.

Mais il est bon de préciser qu’Agrocare a également des serres au Maroc et en Tunisie.

Autre argument c’est pour répondre à la demande des consommateurs ! Propos quelque peu fallacieux car ceux-ci n’ont jamais demandé quoi que ce soit, ce sont les centrales d’achat des grandes surfaces qui importent pour faire baisser les prix, quelle que soit la qualité des produits mis en consoles de ventes, et sans tenir compte de la saisonnalité ?

Ces agriculteurs productivistes n’ont pas eu le moindre propos pour défendre le travail des maraîchers de la Manche encore moins ceux de la Baie du Mont St Michel, qui eux produisent en pleine terre même sous serres et vendent localement, en saison.

Seule la Confédération Paysanne a évoqué le travail des maraîchers locaux.

Il y a quelques décennies les marchés « paysans » étaient nombreux dans les territoires, et ceux ci vendaient des légumes de qualité, non traités, et de saison, les consommateurs s’en trouvaient fort aise.

Ce sont les grandes surfaces qui ont perverti le marché, la production agricole et le consommateur.

Sur la photo ci après on distingue à droite une haie bocagère dense qui sera détruite !

Illustration 1

Sur l’impact sur les documents d’urbanisme révision du SCOT et PLUi de la CAMSMN

Le comportement de certains élus notamment municipaux favorables au projet doivent nous inciter à la prudence notamment sur la préparation du PLUi de l’ensemble de la communauté d’Agglo Mont Saint Michel Normandie, sachant qu’à Isigny le Buat la zone d’activité est relativement importante, et que celle-ci ne devrait souffrir d’aucune extension surtout pour accueillir des serres à tomates associées à une centrale de cogénération dont le fonctionnement est plus industriel qu’agricole.

Par ailleurs dans ce département les risques de submersion marine, se font de plus en plus prégnants par endroits, notamment dans la baie du Cotentin, mais la baie du Mont St Michel sera inévitablement touchée, ce qui implique de ne pas gaspiller les terres agricoles, et encore moins au profit de l’agro industrie hors sol.

Sur les critères de non autorisation

Bien évidemment celui de la consommation excessive d’espace naturel et agricole sans utilisation du sol.

Mais surtout l’atteinte à la biodiversité élément majeur retenu par la préfecture pour le projet précédent, celui ci souffrant en plus d’un doublement de la surface de serres donc d’une perte de biodiversité plus importante tant au niveau agricole qu’environnemental.

La société faisant fi du principe ERC (Eviter, Réduire, Compenser) en passant directement à la compensation, ce qui n’est aucunement acceptable.

Que les considérants de l’arrêté préfectoral du 8 novembre 2024 sont inchangés à savoir :

CONSIDERANT l'incompatibilité en l'état du projet susvisé avec la disposition 1.3.1 du schéma

directeur d'aménagement et de gestion de l'eau Seine-Normandie puisque les mesures

compensatoires aux zones humides détruites ne d é m o n t r e n t pas l'atteinte des équivalences

fonctionnelles ;

CONSIDERANT l'absence d'évaluation de l'impact sur les fonctionnalités des zones humides

situées à l'aval du site du fait de modifications importantes de l'hydrodynamique de sols qui

seraient engendrées sur le secteur par les terrassements et remblais, sans étude géotechnique

préalable ;

CONSIDERANT l'insuffisance de l'argumentaire justifiant de la mise en œuvre de la séquence

Eviter-Réduire-Compenser concernant les zones humides et en particulier de la stratégie

d'évitement ;

CONSIDERANT que le dossier ne permet pas d'évaluer l'efficacité des mesures de

compensation envisagées sur l'environnement proche et éloigné des nouvelles serres ;

CONSIDERANT l'absence d'une étude des impacts cumulés des serres projetées et du site des

« serres d'Isigny » localisé à proximité immédiate ;

CONSIDERANT l'absence de la Lathrèe clandestine (Lathraea clandestina) à l'inventaire,

espèce protégée dans le département de la Manche par l'arrêté ministériel du 27 avril 1995

relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Basse-Normandie complétant la

liste nationale, dont la présence a été détectée par 'OFB à proximité du site et donc l'absence

de mesures d'évitement, de réduction et de compensation des impacts sur l'espèce;

CONSIDERANT l'insuffisance des mesures d'évitement, de réduction et de compensation des

impacts sur l'espèce de la Grenouille agile (Rana dalmatina), espèce protégée par la loi sur la

protection de la nature du 10 juillet 1976 ;

CONSIDERANT que les conditions cumulatives instaurées par l'article L411-2 du code de

l'environnement ne sont pas réunies pour permettre de déroger à la protection stricte des

espèces concernées, en particulier l'absence de démonstration de raisons impératives

d'intérêt public majeur ;

CONSIDERANT l'insuffisance des mesures de surveillance et d'éradication des espèces

exotiques envahissantes sur l'ensemble de l'aire d'étude en phase travaux et en phase

d'exploitation par rapport à l'importance des volumes et mouvements de terre à réaliser;

CONSIDERANT l'avis défavorable daté du 8 avril 2024 de la commission locale de l'eau du

schéma d'aménagement et de gestion de l'eau Sélune sur le projet au motif du risque

d'impacts négatifs importants sur la ressource en eau, sur la qualité des eaux souterraines et

sur les milieux;

CONSIDERANT l'avis défavorable daté du 18 avril 2024 de la commission départementale de

préservation des espaces agricoles et forestiers sur le projet au motif d'une consommation

excessive d'espaces agricoles et naturels;

CONSIDERANT qu'il doit être fait application de l'article R. 181-34 du code de

l'environnement qui dispose que le préfet est tenu de rejeter une demande d'autorisation

environnementale lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect

des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement ou sans méconnaître les

règles, mentionnées à l'article L. 181-4 du même code, qui lui sont applicables ;

En conséquence, n’ayant aucun besoin des terres agricoles, ce type de production hors sol, ne devrait s’installer que sur des toits terrasse, où sur des friches industrielles.

La prochaine étape va être l’enquête publique qui va démarrer d’ici quelques semaines à laquelle tout un chacun pourra exposer ses griefs contre de tels projets.

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