Dernièrement une association locale s’est constituée pour lutter à nouveau contre ce projet inique, indécent et purement financier et désormais appelé « Mémory Normandy » en anglais dans le texte, mais bon.
Cette association se dénomme « Association pour la dignité du tourisme mémoriel à Caen-la-Mer » soutenue par nombre de structures et de personnes qui s’étaient mobilisées contre le projet de Carentan.
Il y a quelques semaines la communauté d’agglo de Caen la Mer a voté à une courte majorité le projet en précisant qu’une vingtaine d’élus étaient absents.
Pendant ce temps de plus de voix s’élèvent contre ce projet soit disant pédagogique, immersif et transmissif au mépris de l’ensemble des lieux de mémoire et des musées existants.
Dernièrement des descendants des membres du commando kieffer ont publié une tribune libre dans le journal Le Monde du 26 avril 2024 pour s’opposer à ce projet, en voici la teneur :
« Nous, descendants des soldats français débarqués en Normandie le 6 juin 1944, nous opposons au projet de business mémoriel “Normandy Memory” »
A l’approche des cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie et au moment où commence la saison touristique, nous, enfants et descendants des soldats français du 1er bataillon de fusiliers
marins commandos (BFMC) débarqués en Normandie le 6 juin 1944 sous les ordres du commandant Philippe Kieffer, tenons à renouveler notre ferme opposition au projet de show prétendument mémoriel soutenu par le président de la région Normandie, par le président de la communauté urbaine de Caen-la- Mer et par le maire de Colombelles.
Voici plus de quatre ans que ce projet a été annoncé, d’abord sous le nom de « D- day land », puis « Hommage aux héros » et maintenant « Normandy Memory », projet explicitement porté par des ambitions purement économiques visant à développer encore le tourisme au moyen d’un spectacle et d’un dispositif sensationnalistes.
La vive opposition qu’a soulevée leur projet a contraint ses promoteurs privés à abandonner son installation dans le département de la Manche ; ils convoitent maintenant une friche industrielle proche de Caen. Nous avons dénoncé dès le début le principe même du projet.
Faire du business mémoriel pour tour-opérateurs
Ce que l’on en sait aujourd’hui renforce encore notre position : un spectacle de 45 minutes, avec figurants, un millier de spectateurs chargés, plusieurs fois par jour, sur une tribune mobile défilant devant des décors, quelque vingt-cinq scènes de moins de 2 minutes chacune..., tout annonce une machine à faire du business mémoriel pour tour-opérateurs.
Nous n’accordons aucun crédit au discours que les porteurs de ce projet et les élus qui le soutiennent peuvent tenir sur les prétendues vertus pédagogiques et immersives de ce show dont ils ont déjà vanté « l’effet waouh ». Comment peut- on croire à l’intérêt d’un spectacle qui s’adresse de la même manière à des enfants, à des jeunes et à des adultes, qu’ils soient français ou étrangers, qu’ils n’aient aucune connaissance de cet épisode déterminant de la seconde guerre mondiale ou qu’ils en soient familiers ?
Un tel spectacle devant être « consommé » par une telle diversité de publics ne pourra qu’être simpliste et mettra inévitablement l’accent sur les sensations et le spectaculaire, plus que sur l’histoire et la réflexion. Nombre d‘historiens spécialistes se sont déjà prononcés sur ce point. Nous avons aussi dénoncé l’idée même d’installer ce projet à proximité des plages du Débarquement.
« Le Débarquement se vend bien »
Or, après que plusieurs sites furent envisagés, tels que Bayeux et Carentan, le choix de Colombelles, à quelques petits kilomètres de Ouistreham (Sword Beach) où ont débarqué les 177 hommes du commando, à un jet de pierre de Pegasus Bridge, est un véritable outrage à la mémoire et au sacrifice de nos pères et de tous les combattants qui ont permis la réussite du Débarquement en Normandie.
En dénonçant ce projet, Hubert Faure et Léon Gautier, les derniers membres du
« commando Kieffer », ne s’étaient pas laissés abuser par un discours trompeur sur l’héroïsme et sur la transmission de l’histoire, eux qui ont toujours fait prévaloir la pudeur, la sobriété et l’humilité dans le récit qu’ils ont pu faire de leur participation aux combats.
Nous le savons, le Débarquement se vend bien ; il y a fort à craindre qu’avec la disparition des derniers témoins une digue se rompe qui laisse libre cours à tous les appétits. La confirmation de ce projet dans sa nouvelle mouture en serait la manifestation la plus cynique.
Un sursaut de dignité et l’abandon définitif de ce projet
Après que de nombreux élus et le président de la République lui-même ont amplement rendu hommage au dernier des combattants du « groupe Kieffer », est-il vraiment possible de soutenir la réalisation de ce projet commercial et ridicule, au risque, dans un même mouvement, de renier la mémoire de nos pères et de mettre à mal toute une politique mémorielle de grande qualité, à l’image du travail accompli par le Mémorial de Caen ?
On le constate : depuis 1944, une certaine banalisation du sacrifice des combattants a permis qu’un considérable marché de la mémoire se développe, proposant même maintenant des expériences « immersives plus vraies que nature ». Or, l’actualité nous rappelle cruellement que les guerres sont d’abord des tragédies. Nous appelons une nouvelle fois à un sursaut de dignité et à l’abandon définitif de ce projet.
Les signataires de la tribune sont présentés par famille : Dominique Kieffer, Maryse Kieffer (filles du commandant Philippe Kieffer, badge n° 1), Alexandre Bibi, Marine et Mona Kieffer (petits-enfants du commandant Kieffer) ; Jean-Loïc et Olivier Bagot (fils d’André Bagot, badge n° 135) ; Danièle Piauge-Pierini (fille de Robert Piauge, badge n° 48) ; Monique Joly et Yvonne Chandler, Virginie et Stéphanie Joly (filles et petites-filles de Marcel Raulin, badge n° 23) ; Marie-France Autin-Couëpel et Josiane Autin, Raymond, Jean-Marie, Arnaud et Dominique Couëpel (filles, gendre et petits-enfants de René Autin, badge n° 22) ; Rita Casalonga (fille de Laurent Casalonga, badge n° 13) ; Annick Nicot Carmouze et Gaele Le Goff (fille et petite-fille de Joseph Nicot, badge n° 42) ; Yvon Meudal (fils d’Yves Meudal badgen° 59) ; George de Montlaur (fils de Guy de Montlaur, badge n° 45) ; Jacqueline Gautier (fille de Léon Gautier, badge n° 98), Gérard Wille (petit-fils de Léon Gautier), Maxime et Nicolas Wille (arrière-petits-fils de Léon Gautier) ; Marie-Josée Mariaccia (fille de Paul Mariaccia, badge n° 73) ; Denise Beau-Lofi (fille d’Alexandre Lofi, badge n° 63) ; Florent, Christèle et Alexia Beau (petits-enfants d’Alexandre Lofi) ; Marie-Martine Faure épouse Duran (fille d’Hubert Faure, badge n° 134) ; Ghislaine Vincent Boulais (fille de Michel Vincent badge n° 56).
Collectif