Le répertoire théâtral élisabéthain, du fait de son univers chevaleresque et de son lieu théâtral unique, conduit souvent à la création de formes plurielles permettant de mieux saisir sa dimension intemporelle.
Le Roi Lear est sans doute l’œuvre de Shakespeare qui explore le plus intensément la chute d’un monde à travers le déclin d’une autorité politique paternelle. Cet univers entre alors dans le chaos, il se divise entre les tenants du pouvoir réfractaires aux changements et les visionnaires humanistes que nul ne veut entendre.
C’est avec cette pièce qu’en mai dernier au Shahr Theatre de Téhéran, la metteuse en scène Elika Abdolrazzaghi a secoué la scène iranienne et déjoué la censure en l’adaptant dans une version rock et métal.
Une création rythmée par des chansons du groupe de rock alternatif Muse (Royaume-Uni) et du groupe de métal industriel Rammstein (Allemagne) traduites en persan et interprétées sur scène par Reda Yazdani, acteur et pionnier du rock en Iran.
Une version renforcée par des costumes aux couleurs vives et des éclairages dignes d’une boîte de nuit. Ici Lear - interprété par Ahmad Saatchian - demande aux régnants de s’exposer à la souffrance des pauvres pour pouvoir créer un monde plus juste.
Par une curieuse coïncidence, depuis le 22 octobre à Paris, la Compagnie Théâtre Amer crée à son tour cette pièce dans une version épique et musicale tirant sur le cabaret glam-rock.
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Mais avant de trouver son chemin par cette forme, la relation de proximité entre Shakespeare et le public actuel est ajustée par la traduction que signe Emmanuel Suarez.
Tout en conservant la hauteur d’expression poétique de Shakespeare, cette version y associe des spontanéités de langage et des échos à notre contexte politique, de sorte que la force visionnaire de cet auteur vieux de quatre siècles résonne à nouveau de façon implacable au XXIe siècle.
La mise en scène de Mathieu Coblentz est à la fois un ensemble solide et une œuvre de goût, un mélange de structures porteuses et de fantaisies poétiques. C’est une démarche très esthétique qui fait véritablement œuvre de théâtre.
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Elle se déploie dans une scénographie habilement inductrice de jeu, à travers des chants, des percussions, du rock, des dictions parfaites, des ambiances froides de palais, des visions acidulées de cabaret, des costumes sublimes, des maquillages magnifiques, des éclairages précieux, et de l’écoute entre tou(te)s les interprètes.
L’expression du chaos passe par le prisme de l’onirisme, l’aberration intérieure des personnages est sublimée par la beauté des interprétations, l’écartèlement entre raison d’État et raison de cœur est contenu dans un lieu unique conjuguant la rigidité ancestrale du palais à l’obscurité incertaine de la forêt.
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C’est une très belle et très bonne mise en scène, car on y retrouve véritablement toute la dimension des personnages de Shakespeare, dont chaque pas est porté par une force tellurique, mais dont aucun destin n’échappe à la constellation qui le surplombe.
Cette démarche théâtrale est à mille lieux des mises en scène muséologiques et ennuyeuses de Shakespeare, elle donne du souffle, de l’émerveillement, du songe et de la pensée : n’hésitez pas à faire ce beau voyage.
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Le Roi Lear de William Shakespeare par la Compagnie Théâtre Amer jusqu'au 15 novembre au Théâtre du Soleil (salle de répétition) à la Cartoucherie (Paris 12e), du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 16h : réservation ICI
Mise en scène et adaptation : Mathieu Coblentz / Traduction : Emmanuel Suarez / Collaboration artistique, scénographie et création lumière : Vincent Lefèvre / Jeu et musique : Florent Chapellière, Maud Gentien, Julien Large, Laure Pagès, Camille Voitellier, Florian Westerhoff, Jo Zeugma / Costumes : Patrick Cavalié avec l’aide de Sandra Billon / Régie sonore : Simon Denis / Régie polyvalente : Julien Crépin
Spectacle d'une durée de 2h15 qu'on ne voit pas passer.
Ce spectacle est aussi en tournée en 2025/26
