François Fillon: Entre "détestation de son histoire" et négationnisme.... politique de l'autruche?

Par Rebecca Tickle
D'abord les allégations des "crimes de la France au Cameroun c'est de la foutaise" (Yaoundé en 2009). Fillon nie ainsi formellement que des centaines de milliers de Camerounais ont été éradiqué au napalm par l'aviation française jusqu'en 1970.
Tant pis donc pour les journalistes, les historiens, les témoins, les familles des survivants, et les érudits qui ont osé documenter dans les moindres détails les crimes commis au Cameroun, en plus de la mémoire de tout un peuple.
Ensuite des propos toujours tapageurs concernant la colonisation et son impact civilisateur, avec le refus implicite d'accepter l'existence de massacres et assassinats à répétition jusqu'en 1960 en tout cas.
Quel Français d'origine algérienne peut accepter d'entendre cela?
Quel Français d'origine sénégalaise ou descendant de tirailleur peut accepter des propos pareils?
Quel Français d'origine haïtienne, fidèle à la mémoire de Toussaint Louverture peut-il accepter d'entendre les déclarations de François Fillon?
Quel Français d'origine camerounaise qui se souvient de Ruben Um Nyobè peut accepter les propos glorifiant l'époque coloniale?
Et que dire des descendants dorénavant français des cheminots maliens du "Dakar-Niger", dont l'histoire a marqué les annales familiales... Pourront-ils entendre sereinement les propos négationnistes de François Fillon?
Peut-on écouter le récit de brutales répressions de manifestations populaires en Cote d'Ivoire, de travail forcé longtemps après l'abolition de l'esclavage à Madagascar et de bombardements de populations civiles au Vietnam et accepter les paroles mensongères de Fillon à propos de la colonisation française?
Qu'on la déteste l'histoire de la France ou qu'on la trouve belle n'a rien à voir avec la réalité des faits. La colonisation française est jalonnée de nombreux massacres, qu'on le veuille ou non.
Fillon est finalement le plus pur produit d'un système qui se noie aujourd'hui dans la chronicité, où les crimes systématiques se pérennisent dans une impunité tellement bien instillée dans les mentalités, que la négation va de soi.
Pourtant aujourd'hui personne n'oserait clamer publiquement que Hitler était gentil et qu'il a fait grandir l'Allemagne.
Fillon décidément panique et perd les pédales. Macron avec son indicatif public quelque peu décalé "La colonisation fut un crime contre l'humanité" a véritablement fait trébucher Fillon dans la grosse faute bien fielleuse.
Celui-ci prend ainsi la forme définitive d'un truand - politique en tout cas - , qui, mis à part son discours démagogue ordurier, n'a pas grand chose d'autre à offrir à certains Français qu'un sentiment. Le sentiment d'être Français et d'avoir une belle Histoire qui donne bonne conscience. Un simple sentiment quoi.
C'est donc avec un sentiment de fierté excessive pour les uns, fabriquée dans la nausée pour les autres, que Fillon compte gouverner la France de tous les Français?
Et qu'en est-il finalement de son mépris pour les crimes coloniaux de la France ainsi que pour la reconnaissance des victimes et les lois pénalisant la négation de crimes collectifs?
Que dire du respect des lois en général de François Fillon?
Et de son respect pour l'Humain.....? ---
Rebecca Tickle
PS: Désolée pour le #FrenchBashing.....
Macron sur la colonisation: «Les historiens ont apporté la preuve de massacres », juge Stora
Propos recueillis par Jannick Alimi| 17 février 2017, Le Parisien

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Benjamin Stora est historien et spécialiste de l’Algérie.
MAXPPP/THOMAS PADILLA
Polémique. Après les propos d'Emmanuel Macron sur la colonisation qu'il a qualifiée de «crime contre l'humanité», l'historien Benjamin Stora réagit. Il donne raison au candidat.
Historien, spécialiste de l'Algérie, Benjamin Stora préside le conseil d'orientation de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Il est l'auteur d'« Histoire dessinée de la guerre d'Algérie » (Seuil). Benjamin Stora estime que la colonisation est bien un « crime contre l'humanité ».
La colonisation est-t-elle un crime contre l'humanité ?
BENJAMIN STORA. La définition juridique est très large : elle englobe aussi bien la Shoah que l'esclavage ou la colonisation. Cela fait très longtemps que les historiens ont apporté la preuve de massacres, de crimes, de tortures durant la longue période de la colonisation. En 1959, Michel Rocard publiait un rapport concluant à des déplacements de 2 millions de paysans en Algérie. Mais la France a construit un système juridique qui fait qu'aucune plainte ne peut aboutir et que cette période ne peut être jugée.
C'est-à-dire ?
Il est indispensable, pour qu'un crime contre l'humanité soit reconnu, qu'un Etat ou un particulier dépose plainte. C'est ce qu'avait tenté de faire Rocard en attaquant en 1986 Jean-Marie Le Pen pour torture pendant la guerre d'Algérie. Mais, en raison des lois d'amnistie votées dans les années 1960, aucune plainte ne peut aboutir. Seules des poursuites devant des tribunaux internationaux pourraient débloquer le processus. C'est un problème d'autant plus insoluble qu'en France, dès que l'on prononce les mots « crimes contre l'humanité », le débat se clôt ou se politise. Il est quasiment interdit d'évoquer tout acte de violence commis par la France pendant la colonisation. On oppose immédiatement l'apport des « Lumières », l'oeuvre civilisatrice de la France... Or, en matière de colonisation, la France a bâti un faux modèle républicain : elle a proclamé le principe d'égalité mais ne l'a que rarement mis en pratique.
N'est-ce pas erroné de mettre sur le même registre la Shoah ou tout génocide et la colonisation, dont les buts n'étaient pas l'extermination ?
Les « crimes contre l'humanité » incluent aussi bien des génocides comme la Shoah ou celui des Arméniens que des massacres de masse comme ceux qui ont été perpétrés en Afrique ou en Algérie.
Emmanuel Macron a eu raison ?
Tout d'abord, Emmanuel Macron a pris soin de rappeler la face civilisatrice, par effraction, de la colonisation. Ce n'est pas la première fois qu'un homme politique tient des propos analogues -- sans aller jusqu'à la qualification de crime contre l'humanité. En 2007, Nicolas Sarkozy avait condamné fortement la colonisation ainsi que François Hollande. Du coup, cela tend à politiser le débat et à en faire une affaire franco-française.
Quel impact peut avoir la reconnaissance de la colonisation comme « crime contre l'humanité » aujourd'hui ?
Comment expliquer à ces catégories de la population qui descendent de l'histoire de la colonisation que, soixante ans après, on ne peut toujours pas tenir en France des propos critiques contre ce système ? La colonisation est devenue un marqueur identitaire comme l'esclavage pour les Noirs. C'est une question historique aux conséquences politiques très vivaces.

Serge Bile: "Je n’ai pas envie de commenter la polémique née de la déclaration d’Emmanuel Macron sur la colonisation qu’il juge comme un crime contre l’Humanité. Mais je veux juste faire une simple remarque sur tout ce tohu-bohu. Ce sont les descendants de ceux qui ont colonisé pendant des siècles, qui ont ensuite écrit et imposé unilatéralement aux descendants de ceux qui ont été colonisés, toutes les lois qui fixent aujourd’hui ce qui relève ou non du crime contre l’Humanité. A partir de là, comment voulez-vous qu’il y ait débat ?? Comment voulez-vous qu'il y ait débat puisque jusqu’ici c’est la raison du plus fort qui l’emporte ??"
En 1950, Aimé Césaire écrivait dans Discours sur le colonialisme ces mots forts aujourd'hui peut-être oubliés par beaucoup mais qui restent d'une cruelle actualité:
"Et alors un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour: les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets. On s’étonne, on s’indigne. On dit: "Comme c’est curieux! Mais, Bah! C’est le nazisme, ça passera!" Et on attend, et on espère; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’oeil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens; que ce nazisme là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il est sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXème siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est que l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique".
VOICI L'ARTICLE 212-1 DU CODE PÉNAL SUR LA NOTION DE CRIME CONTRE L'HUMANITÉ
Code pénal
Partie législative
Livre II : Des crimes et délits contre les personnes
Titre Ier : Des crimes contre l'humanité et contre l'espèce humaine
Sous-titre Ier : Des crimes contre l'humanité
Chapitre II : Des autres crimes contre l'humanité.
Article 212-1
Constitue également un crime contre l'humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l'un des actes ci-après commis en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique :
1° L'atteinte volontaire à la vie ;
2° L'extermination ;
3° La réduction en esclavage ;
4° La déportation ou le transfert forcé de population ;
5° L'emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
6° La torture ;
7° Le viol, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
8° La persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international ;
9° La disparition forcée ;
10° Les actes de ségrégation commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir ce régime ;
11° Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique.
Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux crimes prévus par le présent article.