« Le pire n’est pas toujours sûr » : ce vieux dicton me trotte dans la tête et je m’y raccroche comme à un mantra au moment de présenter mes vœux pour la nouvelle année.
Comment être optimiste et souhaiter à tout un chacun « le meilleur », quand on voit à ce point s’assombrir le ciel ? Face au massacre insensé perpétré par les Israéliens à Gaza, à la dureté des attaques russes contre l’Ukraine, à la montée de l’extrême droite un peu partout, au refus d’accueillir les migrants, à la perspective désormais bien réelle d’un retour de Trump aux affaires, à l’insouciance ou au fatalisme de tous ceux qui ne sont pas prêts réellement à sacrifier leur mode de vie pour combattre le réchauffement climatique?
Une récente analyse de Joseph Stiglitz, l’ancien économiste de la Banque mondiale effaré de ce que subissent les Palestiniens, qui prévoit un nouveau choc analogue à celui de 1973 dont la conséquence sera une hausse des prix, avec un baril de pétrole à 150 dollars (cela contribuera malheureusement, dit-il, à la victoire de Trump mais ce sont surtout les Européens et d'autres nations en dehors des Etats-Unis qui en souffriront), a encore accru mon pessimisme. Sa dernière phrase : « Le monde entre peut-être dans sa période la plus périlleuse depuis les années 1930 ».
Oui, même s’il se trompe, nous allons sans doute affronter une période de grandes turbulences. Oui, nous ne savons pas quel monde nous allons laisser à nos enfants. Oui, les Européens ne se rendent pas compte qu’ils sont malgré tout par rapport au reste du monde des privilégiés qui se sont - comme l’écrivait Beaumarchais à propos des aristocrates avant la Révolution – seulement donné la peine de naître au bon endroit de la planète.
Dans un tel marasme, difficile d’entrevoir une lueur d’espoir. Alors pourquoi est-ce que je désire tant me rattacher à l’optimisme de mes grands-parents ? Peut-être parce qu’ils ont surmonté des temps très durs. Ils ont vécu deux guerres mondiales, la pauvreté et le chômage sans aucune protection sociale, les moments les plus sombres de leur siècle – « the darkest hours », disent les Anglais : le titre d’un film consacré à Churchill, qu’on est en droit de beaucoup critiquer mais qui au moins aura perçu qu’il n’y avait pas de vraie alternative au fait de se battre.
Aujourd’hui aussi, même si la situation est différente, il n’y a pas d’autre voie que celle de résister au pire. Mediapart est l’un de ces axes, ne serait-ce que par son acharnement à vouloir faire exister un pôle d’information de gauche.
Je vous souhaite donc à tous une année de résistance. Et une autre phrase me revient de façon obsédante : « Le vent se lève ! Il faut tenter de vivre ! ». Elle est de Valéry et a été tracée sur les murs en mai 68. Par des étudiants révoltés qui avaient sûrement lu le Cimetière marin.