- Prend ton temps
- Tu perds ton temps
- En tombant j’avais l’impression que le temps s’arrêtait…
- Ô temps suspends ton vol…
Au fait, c’est quoi le temps ? Un instant (celui où le photographe actionne son déclencheur) ? Une durée (le temps d’exposition de la photo) ? Une époque (le temps du noir et blanc) ?
Et d’abord, le temps que nous percevons physiologiquement a-t-il une existence physique ?
On peut se le demander tant le temps est impalpable. On ne peut saisir une seconde avec les mains alors qu’on peut le faire d’un cube où d’un kilo de carottes. On voit couler l’eau d’une rivière, on ne voit pas couler le temps. La température, on la sent, on a chaud ou on a froid. Pareil pour la lumière : on voit quelque chose ou on ne voit rien. Et quand on ne voit rien, on perd ses repères. Sans repères, on se cogne partout, mais les objets qui nous heurtent sont toujours là. Sans repères de temps, au bout d’un certain temps on en perd la notion. C’est comme si le temps s’arrêtait. Les spéléologues qui s’enterrent six mois sans éclairage en savent quelque chose.
Ce temps insaisissable ne se dévoile que grâce à nos appareils à mesurer le temps et à l’observation de phénomènes cycliques : l’alternance du jour et de la nuit, les phases de la lune, les saisons.
Mais alors, le temps n’existe-t-il que parce que nous existons ? Le temps est-il une vue de l’esprit ? Le temps est-il une illusion ?
Illusion ou pas, le temps régule nos existences, impavide, objectif, mesurable. Un observateur neutre et immobile muni d’une montre en état de marche constate que les secondes, les minutes, les heures s’égrènent à cadence régulière. Pourtant, parfois, quelques minutes d’attente nous semblent des heures. Des heures d’intense activité passent en un éclair. Notre conscience du temps est élastique. La preuve : quand on se réveille au bout d’un long sommeil, on a l’impression qu’on s’est endormi il y a une seconde. Pourtant, le temps que mesure une horloge de façon métronomique est le même que celui qui nous semble tantôt interminable tantôt fugace. Qu’on soit fébrile ou somnolent, amoureux impatient où figé dans l’apathie, une seconde, c’est toujours le temps que met la lumière pour parcourir 299 792 458 kilomètres de vide. Mais le temps existe-t-il sans le mouvement ? Le temps lui-même est-il un mouvement, un déplacement de quelque chose d’immatériel ?
A l’instant précis où vous avez commencé de lire ce texte, la dernière lettre de son titre était déjà du passé, la première lettre du texte était pour vous le présent, et la deuxième lettre qui allait devenir votre présent, le temps que votre regard passe de l’une à l’autre, était encore le futur. Mais ces trois lettres font partie d’un paysage typographique global que votre présence passagère ne modifie pas. Au fond, le temps est une sorte de fleuve et vous naviguez sur une barque défilant devant un paysage figé. C’est votre regard passant d’une fleur à l’autre qui leur confère trois étiquettes successives : passé – présent – avenir. Le passé, vous le connaissez vous venez de le vivre. Le présent, c’est l’instant que vous vivez. L’avenir vous est inconnu. Cette dissymétrie est l’apanage du temps. Vous pouvez reculer dans l’espace et revenir sur vos pas ramasser une fleur que vous avez laissé tomber. Vous ne pouvez pas reculer dans le temps retrouver un instant perdu. Le temps perdu ne se rattrape guère… On ne remonte pas le temps.
Sauf si on repasse « le film » à l’envers. On remonte aux origines de l’Univers, « né », selon les observations actuelles, il y a quelques 13,7 milliards d’années.
C’est possible avec de gros télescopes capables de voir des galaxies distantes de quelques 13,7 milliards d’années-lumière. Leur lumière a mis 13,7 milliards d’années (moins les 380.000 ans séparant le Big-Bang de la première émission lumineuse) à nous parvenir. On les voit donc telles qu’elles étaient il y a 13,7 milliards d’années. On a remonté le temps jusqu’aux origines…