Chers auditeurs, aujourd’hui une chronique exceptionnelle sur un homme exceptionnel.
Un Einstein nouveau est arrivé
Ce génie de la physique, retenez bien son nom, car il va faire le tour de l’Univers, se nomme Adrien Labayrade et c’est le géniteur d’un concept physique révolutionnaire : les forces d’attraction à distance sont une fiction. Seule existe l’accélération.
Les laborieux pseudo savants qui jalonnent l’Histoire des Sciences se trompent depuis toujours. Ne professent-ils pas, qu’un objet n’acquiert une accélération que lorsqu’une force l’a mis en mouvement ? Autrement dit, ils prétendent que la force est la cause du mouvement, que l’accélération en est l’effet, et que, sans force, pas d’accélération.
Billevesées que jette à bas Adrien Labayrade. Par une sublime fulgurance au service d’une audace intellectuelle unique au monde, ce prodigieux cerveau, a reçu la Révélation : le cosmos baigne depuis la nuit des temps dans une Accélération Première, préexistant à toute matière. Telle est la cause primordiale de la Gravitation Universelle.
Laissant le soin à d’autres d’inventer l’eau tiède, Adrien Labayrade a inventé l’accélération spontanée
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Admirons le prodigieux fonctionnement du cerveau d’un génie.
Partant de l’indiscutable observation qu’un Parisien est soumis à la même accélération (de la pesanteur selon l’expression caduque jusqu’alors en vigueur avant l’Ère Labayradienne) qu’un Australien situé aux antipodes, le génial Labayrade en déduit que la seule explication possible est que les deux Terriens antipodistes sont soumis à deux poussées égales et de sens opposés. Il en est de même quelque soit l’endroit du globe où l’on se trouve. La conclusion imparable s’impose : la Terre gonfle globalement.
Marquons ici une pause pour admirer la rigueur scientifique d’un Adrien Labayrade. Partant de l’hypothèse que seule existe l’accélération, Labayrade en déduit que la terre gonfle, et c’est ce gonflement qui produit l’accélération. Concept effectivement entièrement nouveau : l’hypothèse entraîne la conclusion et réciproquement.
Nul doute qu’une fois dissipées les brumes qui opacifient le jugement des esprits ordinaires, le genre humain découvrira, émerveillé, les conséquences de cette découverte qui lui avaient échappé par la faute d’une incapacité chronique de médiocres scientifiques à observer la réalité.
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La Vérité est celle-ci : la Terre gonfle. Donc son rayon augmente. Donc l’accélération, anciennement de la pesanteur, diminue. Et pourtant on n’observe pas cette diminution. Peu importe à Labayrade dont le génie ne s’encombre pas de ce genre de considération subalterne.
Deuxième conséquence du gonflement terrestre : la pression atmosphérique diminue. En effet, la masse totale de l’air qui entoure notre planète ne change pas car le gonflement ne produit aucun accroissement de quantité de matière. Si la Terre gonfle, la pression de la même masse d’air se répartit sur une plus grande surface, ce qui devrait faire globalement baisser les indications des baromètres. Or on n’observe rien de tel. Nul doute que le grand Labayrade nous expliquera pourquoi.
Troisième conséquence : celle dite du patineur. Lorsqu’un patineur tourne sur lui-même et sur une jambe, l’autre étant tendue à l’horizontale, s’il replie cette dernière, il se met à tourner plus vite. S’il retend sa jambe, il rote moins vite. C’est pareil pour la Terre laquelle tourne sur elle-même, sinon il n’y aurait pas l’alternance du jour et de la nuit. Eh bien si la Terre gonfle, son rayon augmente et elle tourne moins vite. Du moins en théorie. Car la Terre continue de faire un tour sur elle-même en 24 heures et des miettes, intervalle de temps qu’il est courant d’appeler un jour terrestre. Cette constatation ne prouve qu’une chose : vu que Labayrade a raison et que la Terre gonfle, ces débiles d’astronomes ordinaires ne sont pas fichus de mesurer l’allongement du jour terrestre.
Quatrième conséquence : les dépenses d’énergie augmentent. En effet, les fuites thermiques dans les bâtiments sont proportionnelles à la surface de leurs murs et de leurs toitures. Et comme tout gonfle… Effectivement, les factures d’EDF-GDF gonflent. Mais c’est à cause du gonflement des tarifs. On ignore encore l’accroissement des dépenses d’énergie dû au gonflement des édifices… Là encore, frères humains ignares et bornés, comptons sur le génie labayradien pour nous éclairer de ses lumières…
Observons aussi que la part de l’énergie solaire captée par la Terre augmente si icelle gonfle. Ainsi s’expliquerait le réchauffement climatique sans faire intervenir l’action de l’homme. Adrien Labayrade rejoindrait ainsi un autre phare de la pensée scientifique : Claude Allègre. Quoique Labayrade peut rétorquer que si tout gonfle dans l’Univers à la même cadence que notre globe, la distance Terre-Soleil double quand le rayon terrestre double. L’énergie solaire reçue par unité de surface terrestre est alors divisée par quatre mais c’est exactement compensé par le quadruplement de la surface que la Terre offre aux rayons bienfaisant de notre bonne étoile. Mais pour l’instant ces incapables d’astrophysiciens conventionnels ne sont pas fichus de mesurer cet accroissement de la distance Terre-Soleil. Et ils pourraient avoir l’outrecuidance de contre-attaquer de façon mesquine en rappelant que si la Terre gonfle, les jours rallongent (voir plus haut), donc l’ensoleillement augmente. Affaire à suivre, le génie de Labayrade n’est jamais pris au dépourvu.
Cinquième conséquence : si la Terre gonfle, elle est menacée de sécheresse. Car si la Terre gonfle, les océans gonflent aussi. Donc la distance entre les molécules d’eau augmente. Il arrivera inéluctablement que cette distance soit telle que l’eau passera de sa phase liquide à sa phase gazeuse, où qu’elle se trouve. Tous les cours d’eau, les lacs, et les mers se vaporiseront.
Sixième conséquence : le gonflement de la Terre provoque une distension de la croûte terrestre entraînant de multiples fissures un peu comme la peau d’un sein gorgé de lait.
Passons sur d’autres conséquences pour arriver à l’ultime : une Terre qui gonfle est une bombe atomique à retardement. Eh oui : quand quelque chose gonfle, les distances entre ses constituants élémentaires augmentent. Or, si les distances entre les protons et neutrons, constituants des noyaux atomiques, augmentent, la cohésion interne des noyaux atomique sera anéantie, puisque la force nucléaire forte responsable de l’attraction entre protons et neutrons, ciment de tout noyau atomique, n’a plus d’effet au-delà d’une certaine distance, environ une ou deux dizaines de fois le diamètre d’un proton ou d’un neutron. Alors, ce sera le commencement de la fin : leur ciment réduit à néant, les plus gros noyaux, puis d’autres, de moins en moins gros, se casseront. Plus exactement, fissionneront. Cela ne vous rappelle rien, la fission des noyaux atomiques ? Parlez-en aux Japonais d’Hiroshima et de Nagasaki…
La Terre deviendra le siège d’une gigantesque réaction en chaîne.
C’est ainsi que le Génie d’Adrien Labayrade éclatera aux yeux de tout l’Univers.
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Chers auditeurs, nous sommes obligés d’interrompre cette émission car nous venons de recevoir une avalanche de dépêches plus qu’alarmantes.
11:02 - Par suite de l’amincissement de la couche d’ozone pour cause de dilution de l’air atmosphérique dû au Gonflement, des millions de touristes en train de bronzer ont été brûlés au troisième degré. On observe également une nette augmentation des cancers de la peau. Par ailleurs, la plupart des sportifs se plaignent d’essoufflement chronique sans précédent. Médecins sportifs et pneumologues s’accordent sur le diagnostic : le volume d’air ingéré à chaque respiration contient moins d’oxygène par suite de la dilution due au Gonflement. C’est le mal des montagnes généralisé avec danger permanent d’œdème du poumon.
11:07 - Tous les services de cardiologie de la planète lancent un cri d’alarme : les cas d’hypotension se multiplient dans des proportions totalement inédites. D’après le Professeur Cabrol, le Gonflement rendrait le sang moins dense ce qui diminuerait la pression qu’il exerce dans les artères. Parallèlement, pour que le débit sanguin reste constant malgré sa dilution, le cœur est contraint de battre plus vite. Des cas préoccupants de tachycardie se multiplient et la quasi-totalité des grands cardiaques vient de succomber.
11:13 - Le lac Titicaca, le plus haut du monde vient de brutalement se vaporiser. Il est trop tôt pour dresser un bilan de cette catastrophe.
11:14 – On apprend à l’instant que par suite de multiples fissures apparues dans la croûte terrestre, les volcans de la chaîne des Puys se sont subitement réveillés. Clermont-Ferrand est rayée de la carte.
11:59 – Devant l’extrême urgence de la situation, l’ensemble des dirigeants de la planète réunis en sommet extraordinaire à l’ONU vient de nommer Adrien Labayrade Président du Monde.
18 heures. Le Président Adrien Labayrade (le PAL) tient sa première conférence de presse diffusée sur écran géant et haut-parleurs devant une foule immense où ne cessent d’affluer des centaines de milliers de personnes paniquées. L’unique réponse du PAL aux questions pressantes et angoissées des journalistes est que la fin du monde se produira avant la fin de l’année 2012, et qu’ainsi se réalisera la prédiction des Mayas. Mais lui, le PAL, aura eu l’immense mérite d’expliquer scientifiquement le cataclysme final.
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Chers auditeurs… Il se passe des choses terribles. Forçant les barrages, la foule déchaînée vient de s’emparer du Président Labayrade. Nous redoutons le pire… Hélas, nos pires craintes étaient fondées : des manifestants brandissent à présent le corps en charpie du Président planté sur une pique. Nous avons assisté en direct à cette chose abominable : le supplice du PAL.
Mais quel est ce grondement gigantesque qui couvre irrésistiblement le grondement pourtant énorme de la foule ? L’information circule que le réacteur naturel d’Oklo regorgeant d’uranium vient de diverger provoquant une explosion nucléaire cent mille fois plus forte que celle d’Hiroshima. Chers auditeurs, les explosions se multiplient, elles se rapprochent… C’EST LA FIN DU MOOOOONNDE ! AAAAAAAAAAHHH !
- Chéri, Chéri…
- Hein ? Quoi ?
- On dirait que tu t’es endormi sur ta revue scientifique. Dépêche-toi, nous allons être en retard à la conférence.
- Chérie, j’ai fait un horrible cauchemar… La fin du monde… C’était atroce !
- Calme toi mon chéri, ce n’était qu’un mauvais rêve. Quelle heure est-il ?
- Ma montre à quartz indique 19 heures 57.
- C’est curieux, notre horloge comtoise qui n’a jamais dévié de plus d’une minute en quinze jours par rapport à ta montre indique 20 heures 06. C’est incompréhensible.
- Attend, chérie… Regarde le pendule de la comtoise, on dirait qu’il bat plus lentement… Bon sang, mais c’est bien sûr…
- Explique-toi, chéri, tu m’inquiètes…
- Rassemble tes souvenirs de lycée… La période d’oscillation d’un pendue simple : T = 2 pi racine de l sur g… Mais oui, c’est ça. La période du balancier de la comtoise augmente parce que l augmente et g diminue. Exactement les conséquences du Gonflement de mon cauchemar… Oh, non d’un chien !
- Quoi encore, mon chéri ?
- Lis le titre de la conférence : Une nouvelle approche de la Gravité, par Aurélien Lafoirade… Mais alors, il aurait raison, ce Labayrade… Lafoirade… Ma tête tourne…
- Chéri, tu es fatigué. Une bonne tisane, et au lit !
- Pas question ! Profitons de l’existence tant qu’elle est possible. Je t’offre un resto de fruits de mer, tant qu’il y a des océans liquides. Je prendrai des Saint-Jacques à la nage…