Chaque vendredi, le Courrier international arrive en Belgique.
Je viens donc d'y découvrir un article de John Lichfield & Ben Russell, journalistes de The Indepent, qui circule déjà abondamment sur le net :
Guantanamo en Calaisis
Le projet d'implanter dans le port français un centre de rétention sous juridiction britannique soulève bien des questions. Londres et Paris espèrent ainsi s'affranchir des lois et traités internationaux et expulser plus facilement les demandeurs d'asile.
On peut le lire en français sur le site du Courrier international où il est d'abord paru :
http://www.courrierinternational.com/article.asp?prec=0&suiv=4886&page=2&obj_id=95941
Mais aussi ici : Guantanamo en Calaisis ? - observatoire citoyen
Je vous en transmets le texte en français et en anglais paru sur le site :
http://timoxana.spaces.live.com/blog/cns!40FA29DE4CFE93CB!1812.entry
"Courrier international" (France), 25 mars 2009
Guantanamo en Calaisis
[translation of a paper of "the Independent" - below]
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Le projet d'implanter dans le port français un centre de rétention sous juridiction britannique soulève bien des questions. Londres et Paris espèrent ainsi s'affranchir des lois et traités internationaux et expulser plus facilement les demandeurs d'asile
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par John Lichfield & Ben Russell
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Londres et Paris ont engagé des discussions sur la création d'un nouveau centre pour immigrés clandestins sur les docks de Calais. Un centre qui serait un bout de territoire britannique pour tout ce qui concerne les lois sur l'immigration et permettrait de renvoyer facilement chez eux les déboutés du droit d'asile. Même si les deux gouvernements ne se sont pas encore entendus sur tous les termes de l'accord, ils comptent exploiter l'ambiguïté du statut légal de la "zone de contrôle" britannique créée en 2003 sur le port de Calais [les officiers d'immigration britanniques peuvent y effectuer des contrôles d'identité et y "pratiquer des recherches au moyen de matériels électroniques ou d'équipes cynophiles"], pour surmonter les difficultés juridiques qui empêchent actuellement l'expulsion des demandeurs d'asile vers leur pays d'origine.
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L'idée – dont ont débattu les ministres de l'Immigration britannique et français en février – est de battre à leur propre jeu les demandeurs d'asile et les passeurs qui les amènent dans le nord de la France. A l'heure actuelle, les immigrants rassemblés à Calais, pour la plupart originaires d'Afghanistan, du Kurdistan et de la corne de l'Afrique, profitent des contradictions et des zones d'ombre dans les législations européenne et internationale sur l'immigration et l'asile pour éviter d'être expulsés de l'Hexagone. Peu importe qu'ils se fassent prendre à de multiples reprises ; à chaque fois, ils sont libérés et tentent de nouveau d‘entrer illégalement au Royaume-Uni.
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Si le projet se concrétise, il ne manquera pas d'attirer l'attention des organisations de défense des droits de l'homme et des libertés civiques. Celles-ci pourraient établir un parallèle entre la création de ce centre doté d'un statut extraterritorial en territoire français et la prison de Guantanamo [sise en territoire cubain, sous juridiction américaine, mais dont l'"exterritorialité" lui a permis d'éviter pendant des années d'appliquer la justice ordinaire des Etats-Unis]. Même si les demandeurs d'asile ne devraient y séjourner que pour une courte période et y recevraient un traitement humain, ils se retrouveraient dans un vide juridique.
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L'existence de discussions franco-britanniques sur ce sujet a été révélée par le ministre de l'Immigration britannique Phil Woolas. Selon lui, les clandestins seraient gardés dans ce nouveau "centre de détention [sic], après être passés par les services d'immigration britanniques" sur les docks de Calais. Déboutés, ils seraient alors renvoyés vers leurs pays d'origine sur des vols charters. Londres et Paris comptent ainsi "adresser un message" aux immigrants et à leurs passeurs, pour reprendre les termes de Woolas. "Nous voulons braquer les projecteurs sur les expulsions, pour qu'il soit bien clair en Afghanistan et en Irak que le Royaume-Uni n'est pas la Terre promise."
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La presse britannique a tourné en ridicule les commentaires du ministre, après qu'il eut essuyé le soir même une rebuffade de son homologue français Eric Besson. En réalité, Besson n'a pas démenti les propos de Woolas. Il a simplement expliqué que la France n'avait pas l'intention de construire un nouveau Sangatte – ce qui n'est pas la même chose. Le gouvernement français est furieux et embarrassé, parce que l'expression "centre de détention" a une sinistre connotation historique à l'oreille des Français. Paris préfère parler de "centre de rétention". Les termes les plus importants employés par Woolas sont passés inaperçus au milieu des railleries dont il a fait l'objet. Le nouveau centre – de détention ou de rétention – serait construit au-delà de la ligne délimitant les services d'immigration britanniques sur les quais de Calais.
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Changer la règle du jeu
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La UK Border Agency, l'agence des frontières britannique, a également fait allusion au projet. "Nous sommes décidés à travailler avec les Français pour faire en sorte que nos frontières soient parmi les plus difficiles à franchir dans le monde, et nous envisageons toutes les possibilités", a déclaré l'agence. "Le ministre de l'Immigration a rencontré le mois dernier son homologue français pour réfléchir aux différentes options, et des discussions sont en cours sur les infrastructures à bâtir dans le port de Calais."
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En 2003, la France et le Royaume-Uni ont conclu un traité sur des "contrôles frontaliers juxtaposés", dans le cadre d'un accord permettant la fermeture du camp de Sangatte. La police des frontières française opère, armée, à Douvres dans une "zone de contrôle" qui reste partie intégrante du Royaume-Uni mais qui est pour certains aspects sous juridiction française. Les agents de l'immigration britannique, eux, ont la haute main sur une "zone de contrôle" similaire sur les quais de Calais, où s'appliquent certains aspects de la loi britannique mais sur laquelle la France continue d'exercer sa souveraineté.
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Les négociations portent donc sur le statut binational ambigu de cette zone "britannique" à Calais, première "incursion" britannique dans cette ville depuis près de cinq cents ans. [Calais a été repris à l'Angleterre en 1558.]
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A l'heure actuelle, les tribunaux français refusent de renvoyer les clandestins dans leurs pays, où ils risquent la persécution. Ceux qui cherchent à entrer au Royaume-Uni ne veulent surtout pas demander l'asile en France. Car, en cas de refus de l'administration – et en vertu des traités internationaux et européens –, ils n'auraient plus le droit de déposer une demande au Royaume-Uni. Or ces candidats à l'immigration restent convaincus que ce dernier leur offre de bien meilleures perspectives que la France.
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Généralement, les candidats à l'immigration arrivent sur les docks de Calais et se font arrêter avant ou après avoir pu se cacher dans un camion. Relâchés par les autorités françaises au bout de quelques jours, ils reviennent à Calais et tentent leur chance une nouvelle fois. Le plan franco-britannique permettra, espère-t-on officiellement, de changer la règle du jeu. Reste à savoir dans quelle mesure. Les illégaux pourraient être renvoyés dans leur pays sans relever de la loi française ou britannique – mais une telle éventualité sera contestée par les défenseurs des droits de l'homme. Par ailleurs, un centre de rétention dans les docks permettrait aux autorités de faire pression sur les immigrants pour qu'ils demandent l'asile en France, faute de quoi on les renverrait directement d'où ils viennent. Londres et Paris espèrent avoir suffisamment avancé sur ce dossier pour faire une déclaration commune quand le président Sarkozy et le Premier ministre Brown se rencontreront, en mai.
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http://www.courrierinternational.com/article.asp?p prec=0&suiv=4886&page=2&obj_id=95941
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"the Independent" (UK), 21 mars 2009
THE CALAIS ‘GUANTANAMO’
French and British ministers in talks to open dockside holding centre for illegal immigrants and asylum-seekers
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by John Lichfield in Paris and Ben Russell
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The British and French governments are discussing the creation of a new immigrant holding centre within the Calais docks which would be "inside Britain" under immigration law and allow cross-Channel asylum-seekers to be shipped back to their home countries easily.
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Although no details have yet been agreed, the idea is to exploit the ambiguous legal status of a British "control zone" of the Calais port, created in 2003, to cut through the mesh of legal difficulties which prevent asylum-seekers from being expelled to their countries of origin.
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The idea – discussed by the British and French immigration ministers last month – seeks to turn the tables on the asylum-seekers and the gangs who smuggle them into northern France. At present, the immigrants gathered in Calais, mostly from Afghanistan, Kurdistan and the Horn of Africa, can exploit contradictions and grey areas in European and international law on immigration and asylum to evade expulsion from France. They can be arrested repeatedly only to be freed to try to enter Britain illegally again.
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The holding centre would potentially allow London and Paris to use the ambiguous status of the British "control zone" at Calais to send the migrants home. If agreed, the centre is likely to attract the scrutiny of civil liberties and human rights groups.
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The creation of an "offshore, on-shore" holding centre, which helps London and Paris cut through the thickets of asylum law, may invite parallels with Guantanamo Bay. Although the idea would be to hold the asylum-seekers for only a short time in humane conditions, the immigrants would have fallen into a legal limbo of their own making.
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Hints of the Franco-British discussions were dropped this week by the British Immigration minister, Phil Woolas. He said Britain and France were discussing a new "detention centre" in Calais where illegal immigrants would be held "after passing through British immigration controls" within the Calais docks. They would be sent back to their home countries on charter flights.
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Mr Woolas said that London and Paris wanted to "send a message" to immigrants and their smugglers. "We want to increase the profile of the deportations because we have to get the message back to Afghanistan and Iraq that Britain is not the Promised Land," he said.
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The minister's remarks were widely mocked in the British press after they were – allegedly – dismissed the same night by the French Immigration Minister, Eric Besson. In fact, M. Besson did not repudiate Mr Woolas. He said France had no intention of building a new Sangatte refugee camp – a different animal entirely. The French government was embarrassed, and angered, by the British minister's remarks, because the words "detention centre" have a sinister, historical ring to the French. Paris prefers to speak about a "retention centre".
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In the scramble to mock Mr Woolas, his key words were missed. The new detention centre – or retention centre – would be built beyond the line of British immigration controls in Calais docks.
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Another hint was given in a statement by the UK Border Agency the next day. "We are determined to work with the French to maintain one of the toughest border crossings in the world and are looking at all options," the agency said. "The Immigration minister met his counterpart last month to discuss how to achieve this and there are ongoing discussions about what form of facility could be built within Calais port."
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In 2003, Britain and France agreed a "juxtaposed border controls" treaty as part of the deal which allowed the closure of the Sangatte refugee camp. French border police, with guns, operate at Dover, within a "control zone" which remains part of Britain but falls under some aspects of French law. British immigration officers police a similar "control zone" in the Calais docks, covered by some aspects of British law, while remaining a sovereign part of France.
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In effect, once someone enters the control zone, he or she is legally in the UK, although they are in France. The negotiations are believed to focus on the ambiguous bi-national status of this "British" zone in the Calais docks, the first "British" toehold in Calais for 500 years.
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At present, French courts refuse to send illegal immigrants back to countries where they may be persecuted. Asylum-seekers making for Britain refuse to claim asylum in France. If they did so, they would lose all right, under EU and international treaties, to claim asylum in Britain. The men in Calais could seek to remain in France but refuse to do so because they are convinced they will have more opportunities in the UK.
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Typically, a would-be immigrant breaks into Calais docks and is arrested before or after he scrambles aboard a lorry. He is detained but has to be freed by the French after a few days. He returns to Calais port and tries his luck over and over again.
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At the height of the Sangatte "crisis", there were 2,000 migrants in Calais. After the closure of the camp in 2002, the numbers fell but they have climbed again to between 700 and 1,000. The improvement of port defences means far fewer migrants reach Britain. This has helped swell the numbers and frustration in Calais. There have been more fights between migrant groups and even attacks on lorry drivers. The French authorities are under increasing pressure, including from a recent feature film, Welcome, to give humanitarian aid to migrants living rough in "the "jungle" – scrubland near Calais port.
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The Anglo-French plan for a "retention" centre within the UK zone of Calais docks would, it is hoped, change the rules of the game. Quite how is unclear. The "illegals" might be sent home without them coming under French or British law – but this would be challenged by human rights groups. Alternately, a holding centre in the docks would allow the authorities to bring pressure on the immigrants to seek asylum in France or be sent straight home. London and Paris hope to make sufficient progress to make an announcement when President Sarkozy and Prime Minister Brown meet in May.
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Chris Huhne, the Liberal Democrat home affairs spokesman, last night said the Government was right to look for new ways to seal off the Channel but warned: "We have to know under what law – French law or British law? – they are held and what their rights are for representation."
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http://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/the-calais-lsquoguantanamorsquo-1650592.html
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Source TERRA : De : jean-pierre alaux [mailto:alaux@gisti.org] - Envoyé : mercredi 25 mars 2009 14:54 - À : migreurop