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Billet de blog 29 mars 2009

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En direct "Des dessous de l'Allemagne" : Extension du domaine de la sécurité

Pour comprendre la politique européenne, et notamment, en Allemagne, je vous recommande la lecture du blog de Stephan M. concernant une loi votée, en Allemagne, le 19 décembre 2008, pour entrer en vigueur le 1er janvier 2009.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour comprendre la politique européenne, et notamment, en Allemagne, je vous recommande la lecture du blog de Stephan M. concernant une loi votée, en Allemagne, le 19 décembre 2008, pour entrer en vigueur le 1er janvier 2009.

Le début de son dernier article peut être lu ci-dessous.

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Extension du domaine de la sécurité

3rd mar, 2009 par Stephan M.

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En été 2007, le très inspiré ministre de l’intérieur, Wolfgang Schäuble[1], a présenté une nouvelle version de loi pour élargir les compétences de l’Office fédéral de police criminelle (BKA - Bundeskriminalamt) et limiter les droits fondamentaux de la presse et d’autres catégories professionnelles - une inéquation actuelle bien connue pour apporter encore et toujours plus de sécurité.

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Quels droits fondamentaux sont réduits ?

Le « surveillophile » ministre de l’intérieur n’entend pas respecter le secret professionnel de curés, avocats et députés[2] : on devrait pouvoir mettre sur écoute - secrètement, cela va de soi - ces professions et activités. Plus de secret professionnel non plus pour médecins, journalistes et travailleurs sociaux qui s’occupent de toxicomanes et de dépendants de substances psychoactives : mise sur écoute et suppression du droit de refus de témoigner. La protection des sources des journalistes est ébranlée[3].

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La loi BKA fournira en aval le fondement juridique d’une nouvelle forme de surveillance déjà pratiquée : le « cheval de Troie fédéral », un virus informatique, fabriqué et utilisé par le service secret et le BKA, est censé transmettre des contenus compromettants d’un disque dur d’un ordinateur connecté à internet, la version contemporaine d’une perquisition classique, avec la différence que la police agira sans justification légale évidente : la surveillance se fera en douce.

Ce fichu « virus fédéral » pose de nombreux problèmes éthiques et sociétaux. Pour beaucoup d’entre nous, l’ordinateur a non seulement remplacé un éventuel journal intime, mais est devenu aussi aussi tout système d’archivage administratif et personnel de toute une vie : lettres et textes personnels, photos et vidéos privées, comptabilité du ménage, copies de documents administratifs, courriers électroniques, lettres de motivations, opérations bancaires, achats en ligne, déclaration d’impôt, …, la liste est longue.

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Qui fera l’objet d’une surveillance par le virus informatique fédéral, installé secrètement par la police du BKA ?

Cela peut tomber sur n’importe qui. C’est pour cette raison que ce type de surveillance installe un deuxième virus - cette fois-ci psychologique - dans la tête. Quand l’espace public et privé non surveillé se rétrécit comme une peau de chagrin, les comportements changent, ils ne sont plus libres. L’argument « je n’ai rien à cacher », souvent avancé par ceux qui approuvent la surveillance à tout va, est incohérent. Il est connu qu’une personne qui se sait potentiellement surveillée ne se comporte pas de la même façon que qu’une personne qui se croit non surveillée. Sans partir dans une grande réflexion sur la société de surveillance, on se rend bien compte que ce « virus fédéral » est quelque chose de gros, très gros. La pertinence des arguments des partisans de ce moyen d’intrusion dans la vie de l’individu est inversement proportionnelle à sa gravité : la simple mention du mot magique « terrorisme » dispense de toute réflexion et justification élaborée.

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On comprend que ce projet de loi provoque des controverses et suscite débats, résistances et manifestations[4]. Plus : il insécurise le particulier et ceux qui sont soumis au secret professionnel. Maintes entreprises sont aussi dans l’embarras, car les outils informatiques qui permettent de tester la sécurité du système informatique, outils indispensables si on tient à se prémunir contre des intrusions, sont dans la ligne de mire de Schäuble : le ministre parano a interdit des soi-disant « hackertools » (outils de hackers) sans trop savoir de quoi il s’agit. (Schäuble a publiquement avoué ne pas avoir de compétences dans le domaine d’internet.[5]) Un administrateur de réseau doit pouvoir tester si son réseau informatique a des points faibles qui permettent une intrusion, pour pouvoir y remédier. Or, le 24 mai 2007, le Parlement a adopté une loi qui interdit l’utilisation des « outils d’intrusion », qui sont pourtant l’outil de travail quotidien de ceux qui doivent tester la sécurité de leur système.[6] C’est même le travail de certaines sociétés spécialisées en sécurité informatique, et ces sociétés travailleront depuis cette loi dans le doute de l’illégalité. D’autres envisagent s’expatrier dans un pays ou l’utilisation de ces outils n’est pas criminalisée. Environ un an et demi plus tard, le 28 novembre 2008, le projet de loi était prêt à être adopté. Après un premier rejet au Bundesrat et quelques modifications cosmétiques, elle fut votée le 19 décembre 2008, pour entrer en vigueur le 1er janvier 2009.

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Une anecdote au sujet du « virus fédéral »

Le 18 décembre 2006, Die Linke demande au gouvernement[7], depuis quand et avec quelle ampleur cette surveillance informatique est déjà pratiquée. Le 28 décembre 2006, le gouvernement répond: « Nous n’avons pas d’informations à ce sujet.[8] » Dans leur réponse, le gouvernement rajoute toute une liste de décisions de justice qui interdisent l’utilisation d’un programme de type « virus fédéral ». Quatre mois plus tard, la Chancellerie fédérale avoue que les services secrets, sur l’ordre de l’ancien ministre de l’intérieur Otto Schily, l’utilisent déjà depuis 2005[9]. La légalité de l’utilisation du « virus fédéral » par les services secrets avant l’introduction de la loi BKA n’a toujours pas été tirée au clair.

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Que faire contre la loi BKA ?

Le 27 janvier 2009, le président de l’Union humaniste[10], le professeur Dr. Fredric Roggan, a déposé un recours devant la Cour constitutionnelle contre cette loi. La porte-parole du recours est la journaliste et cyberactiviste Bettina Winsemann.[11] Ce recours est pratiquement une action individuelle. Soutenue par le professeur Roggan, Winsemann cherche à recueillir les moyens financiers pour cette démarche. Combien de fois la Cour constitutionnelle a-t-elle déjà veillé sur le respect de la Constitution et la démocratie… - elle est le dernier rempart devant la toute-puissance de l’État. On pourrait croire que le gouvernement et ses membres seraient les premiers à connaître et à respecter la Constitution de leur pays. Mais non, ce sont les premiers qui la transgressent. Ensuite ils attendent de voir si « ça passe » à la Cour constitutionnelle (si quelqu’un fait un recours). Le traitement d’un recours dure parfois plusieurs années, c’est déjà ça de gagné de non-respect de la Constitution, de non-respect des droits fondamentaux.

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La Cour constitutionnelle en Allemagne est une vraie gardienne de la démocratie. N’importe qui peut la saisir, et souvent elle n’a pas accepté des lois en contradiction avec la Constitution. Si elle n’existait pas, on serait mal.

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En fait, qu’est le BKA ?

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La réponse à cette question et la suite de cet article peuvent être lues ici :

http://allemagne-et-plus.a18t.net/?p=449

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