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Billet de blog 21 avril 2014

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A : contact@guardian.uk; contact@economist.uk; contact@time.com; contact@newsweek.com Envoyé : Mardi 21 avril 2014, 18:15De : John von Sothen (john@johnvonsothen.com)Cc : Votre conscienceObjet : Emails en France après 18:00

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Envoyé : Mardi 21 avril 2014, 18:15

De : John von Sothen (john@johnvonsothen.com)

Cc : Votre conscience

Objet : Emails en France après 18:00

Salut les mecs !

Je sais qu’il est indiqué 18:15 en en-tête de ce message mais c’est simplement parce qu’il était dans ma boîte d’envoi et qu’il n’y avait pas le wifi là où j’étais. (Oui, votre 306e article « L’intrigante absence de wifi dans les cafés parisiens » m’est revenu à l’esprit !). Autrement, Dieu sait que je me trouverais probablement menottes aux poignets, enlevé et conduit dans un camp secret quelque part en Syrie, et interrogé sur ce que je pouvais bien avoir à foutre après 18:00 qui justifiait cette sidérante violation du droit français. Et vous n’auriez sans doute pas reçu ce message du tout.

Mais vous l’avez reçu, alors me voilà soulagé.

Je suis aussi soulagé de savoir que tous les articles que vous avez rédigés la semaine dernière à propos de la loi française interdisant les courriers électroniques après 18:00 ( j’utilise les horaires militaires pour qu’il n’y ai pas de confusion) n’était qu’un canular. Enfin, c’est l’impression que ça donné, non ? Parce que, d’habitude, si on se plante sérieusement sur un sujet ou si on s’aperçoit qu’on a reproduit et propagé une rumeur lancée par un tocard, l’honnêteté journalistique voudrait qu’on la démente ou qu’on dise « Navré, on a merdé, » ou les deux.

Mais ce n’est pas ce que j’ai vu se produire. J’ai simplement lu « Les apparences étaient trompeuses », dans l’Economist de mardi. Ce qui est, je suppose, une façon d’admettre qu’il s’agissait d’un poisson d’avril, avec deux semaines de retard. Pas de problème.

Mais, dans ce cas, moi aussi j’ai un scoop.

Je tiens de la bouche d’une personne bien informée qu’une motion est présentée au conseil municipal de Liverpool cette semaine interdisant aux Anglais de se brosser les dents après 18:00. Soutenue par les Verts dans le but de préserver les ressources en eau, elle corrobore le cliché largement admis que les Britishs ont les dents pourries. Encore une info qui paraît plausible, ce que Stephen Colbert nomme une « vraisemblance », alors je vais lancer le bruit et voir s’il court. Cool ? Cool.

J’en ai une autre bien bonne, un copain américain a mis la main sur une note interne circulant chez Starbucks qui explique que la chaîne vendra bientôt la mousse des ses Machiatos comme espaces publicitaires en proposant d’y dessiner le logo de grandes marques. Cela représente un énorme potentiel de revenu non exploité, et comme on le sait tous, les Américains adorent Starbucks autant qu’ils aiment faire de l’argent, c’est donc PARFAITEMENT crédible.

La magie de ces articles (en dehors du fait qu’ils seront rédigés par moi), voyez-vous, c’est qu’ils surfent sur les tendances et s’adressent à la société dans son ensemble autant qu’au monde des affaires, tout en fournissant matière à d’excellents gros titres, du genre : « Plus d’e-mails professionnels après 18:00, s’il vous plaît, on est en France » et : « Quand les Français débauchent à 18:00, c’est du sérieux OR ils font pas semblant ».

Mais, plaisanteries (ou pas) mises à part, je suis curieux de savoir d’où vient ce formidable engouement Anglo-Saxon pour la France, parce que là, franchement, ça devient limite sexuel. Le magazine Newsweek a salué 2014 d’un « France, la chute », suivi d’un numéro du Time avec François Hollande en couverture et ce titre « Peut-il réparer la France ? » (sans doute cassée après avoir chu). L’Economist a ensuite publié son effrayant Une bombe a retardement au cœur de l’Europe, que seule a détrôné l’analyse pointue de la célèbre socio-économiste Scarlett Johansson, qui a déclaré « J’ai trouvé les Parisiens atrocement grossiers. »

J’ai bien l’impression qu'il y en a un qui est amoureux de la petite française et qu’il ne sait plus trop comment il s’appelle. Et ce qui le flingue le plus, c’est que la nana a vraiment l’air de s’en foutre royalement.

Je ne lis pas beaucoup d’auteurs français commentant le fait que Wall Street fait plus de fric en bonus que la totalité des Américains au smicOu bien que le prix de l’essence est deux fois plus élevé ici. Ou encore qu’on dénombre 9 fusils pour dix habitants aux Etats Unis. (En passant, toutes ces infos sont certifiées parce que je les ai trouvées en cinq minutes sur Google – exactement comme vous, les mecs, quand vous avez rédigé vos papiers sur les emails après 18:00).

Et d’ailleurs, même si les Français ne s’en foutaient pas, ils sont bien trop occupés à boire du vin, à baiser, à fumer et à pas devenir gros, tout en élevant des gamins remarquables, polis et bien habillés, qui vont se coucher tout seul et lisent Le Petit Prince au passé simple avant de dormir.

Mais ça, vous le saviez déjà, grâce aux mêmes livres et articles que nous lisons apparemment tous. J’allais vous le raconter quand même mais il est 17:58 et cet email doit être envoyé avant que les gendarmes ne frappent à la porte, j’espère que vous comprendrez.

A+

JvS

PS

L’idée d’espace publicitaire Starbucks m’appartient, alors ne vous avisez pas de la copier, sinon je vous colle un procès (parce que je suis américain).

Traduction de l'américain par Adèle Carasso. Retrouver la VO ici.

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