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Billet de blog 28 avril 2014

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Ce n’est ni un scotch ni un bourbon, c’est de l'anglais

« Ce n’est ni un scotch ni un bourbon, c’est du Jack » disait la traduction française en bas de l’affiche. Dieu soit loué ! Pendant une seconde, je n’ai pas su ce que je lisais. J’ai pensé que c’était peut-être l’affiche d’un film présentant les acteurs, Not Scotch, Not Bourbon, and Jack, je me suis dis que ça pouvait être une pub pour un roman policier à cause du « dangereux pour la santé » tout en bas.

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« Ce n’est ni un scotch ni un bourbon, c’est du Jack » disait la traduction française en bas de l’affiche. Dieu soit loué ! Pendant une seconde, je n’ai pas su ce que je lisais. J’ai pensé que c’était peut-être l’affiche d’un film présentant les acteurs, Not Scotch, Not Bourbon, and Jack, je me suis dis que ça pouvait être une pub pour un roman policier à cause du « dangereux pour la santé » tout en bas.

Je vois de plus en plus d’affiches comme celle-là – avec un slogan en anglais, un truc très difficile à comprendre, du genre « C U le Boss », suivi d’un astérisque qui signifie qu’une traduction vous attend au bas. (Je suis certain que ça part d’une bonne intention, des fois qu’on serait un peu perdu ou intrigué.)

Bizarrement, je n’ai pas remarqué beaucoup de gens perplexes se gratter la tête devant une de ces affiches. Je n’en ai pas vu davantage pliés en deux, les yeux plissés pour déchiffrer C’est vous le Patron écrit en caractères microscopiques tout en bas de l’affiche.

Dans le même esprit, une voix off à la fin du générique du reality show Le Bachelor susurrait « Le Gentleman célibataire ». Ces pubs françaises s’assurent qu’on ait capté leur message. Elles ont bien raison. Imaginez, investir tout cet argent dans une campagne publicitaire ou une série télé et le public sait pas ce que « C U Le Boss » veut dire !

D’ailleurs, « le Gentleman célibataire » c’est pas assez poussé si on va par là. Imaginez une personne qui ne comprend pas le mot Gentleman, elle risque d’être complétement perdue et de zapper. Je préfèrerais « gentilhomme célibataire » next time* s’il vous plaît.

*la prochaine fois.

Avant d’entreprendre mes recherches (oui, je considère que ce sont des recherches), je pensais que l’astérisque était un truc de quota, une loi imposée par l’Académie française pour « préserver la primauté de la langue française ». Mais « C U le Boss », c’est pas de l’anglais non plus. C’est du franglais texto-phonétique. Pas besoin d’astérisque me semble-t-il. Pas non plus besoin d’astérisque quand on utilise un I <3 you, sauf si on est un yaourt Mamie Nova je suppose, qui a besoin qu’on lui précise que ça veut dire « je t’adore » et pas je t’emmerde.

Je crois que cette frénésie de slogans astérisqués cache la nécessité pour qui veut aujourd’hui s’adresser au monde entier ou moderniser son image d’utiliser l’anglais à un moment ou un autre.

Le magazine Strategies  a récemment publié LeGuide Design dans lequel il dressait la liste des start-ups* à la pointe dans le domaine du design.

* les « jeunes pousses »

Be Dandy

Coconuts

Brand Brothers

Bug

Creative Room

Curious

Future Brand

Et encore, je m’arrête au F.

Il y a aussi l’affiche de ce film récent intitulé « Nous York » (vous saisissez l’astuce ?) sur laquelle ils ont tenté de faire de l’humour sympa en inscrivant tout en bas « At the Cinéma Nov 7 », ils ont trouvé que c’était une bonne idée vu l’endroit où se déroule l’action. L’ennui, c’est que « At the cinema » n'est pas de l'anglais correct, c'est de l'anglais Sky, my husband!*. « In theaters Nov. 7 » serait mieux.

* Ciel, mon mari !

Je crois franchement que les slogans astérisqués devraient être réservés à leur usage premier – c’est à dire citer une source ou signifier une mise en garde – comme * Peut causer le cancer ou * L’utilisation de machines outil sous l’influence de ce médicament peut entraîner l’amputation. Si on craint que le public ne comprenne pas un produit et qu’on dépend d’un astérisque en bas de page suivi d’une mince explication, on a peut-être tout intérêt à chercher une meilleure idée.

Toute mon enfance, j’ai adoré les pubs pour Grey Poupon, la moutarde de Dijon vendue aux Etats-Unis.

Les publicitaires auraient facilement pu tomber dans le panneau en misant sur un slogan en français accompagné d’un sous-titre pour être bien sûr qu’on comprenne. Au lieu de quoi, ils ont pété les plombs et filmé des aristocrates anglais discutant depuis leur Rolls Royces pour illustrer l’élégance française. Etrange, je vous le concède, mais quel a été le résultat ? « But of course » est devenue une expression leitmotiv dans tous les foyers – et s’est révélée bien plus efficace qu’un « Mais bien sûr » suivi d’un astérisque.

Ils devraient faire pareil avec Jack Daniels. Mettre en scène des Français qui discutent en français dans un décor élégant, ils pourraient même changer le nom à la fin, ça ferait comme ça : « Ce n’est ni du scotch ni du bourbon, c’est du jacques. »*

*Jack

Dans ce cas, un astérisque serait probablement nécessaire.

Traduction de l'américain par Adèle Carasso (lire ici en V.O.

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