Si vous aviez fait attention, vous auriez remarqué que ce matin les feuilles de ronces étaient givrées. Je sais parfaitement qu’en ville, les ronces vous en avez juste entendu parler, vu que ça ne pousse que dans les chemins creux que vous ne fréquentez jamais. Et puis il ne faut pas courir. Il faut prendre le temps de se pencher dessus. Autant de choses impossibles pour vous vu que vous avez d'autres obligations et pas beaucoup de temps.
Je me suis d'ailleurs laissé dire à ce sujet que malgré votre emploi du temps vous aviez décidé de créer un conseil national de la refondation pour tout faire mieux.
Bref ! C'est dommage que vous n'ayez pas le temps pour le reste. Vous verriez par exemple que les ronces mettent toutes leur force à garder leurs feuilles même au cœur des saisons les plus rudes.
Donc, ce matin, avant que la plume tiède du soleil d'hiver n'éteigne le frimas -comme dit le poète -, les feuilles de ronce s'offraient aux journalistes et paparazzis spécialistes des ronciers. Il faut que je vous précise que pas loin de notre ville existent des agences de presse qui couvrent surtout les chemins creux. A défaut de bonheur bonnes heures, elles traquent surtout les mauvaises heures de la vie pour les offrir à un public toujours plus avide de sensationnel. Et là en l'occurrence ça l'était même si c'était un peu bling,bling. Tous ces petits diamants qui scintillaient comme des Rolex... et ne seraient jamais au poignet de "ceux qui ne sont rien" (les sans dents comme postillonnait celui d'avant ). Je ne vous raconte pas l’ambiance.
Vous allez me demander ce qu'il y a de sensationnel dans une feuille de ronce givrée. Vous allez me donner un cours de statistiques botanique, allez me rappeler, chiffres à l'appui, que les ronces sont trop nombreuses, qu'il faut les laisser pousser là où elles ne gênent pas les fleurs d'origine; qu'il faut les empêcher de piquer et, qu'enfin, vous n'avez jamais vu de bouquet de fleurs de ronce dans les cercles que vous fréquentez , à la banque, à l'église ou dans les banquets de promo. Et puis, pour finir, le givre ça ne tient pas.
Je vous rétorquerais, sauf votre respect, qu'il ne faut pas se fier à l'apparence des fleurs.
Pour le roncier c'est petite fleur mais beaux fruits noirs. Les mûres ça s'appelle. Alors que pour le rosier ses fleurs ensorcelantes sont loin d'être une promesse de fruits et piquent tout autant. Les ronces font de leur mieux. Si elles poussent plus c'est pour produire plus de mûres.
Puis j'ajouterais que dans les chemins creux on n'a pas forcément les moyens du sensationnel mais qu'il y a aussi de la beauté dans les choses simples de la vie. Il faut parfois ne pas hésiter à s’égratigner un peu.
Allez ! Bonne refondation.