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Billet de blog 6 janvier 2022

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Bredeles

Je suis retourné sur un lieu de mon enfance...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je suis retourné sur un lieu de mon enfance niché au creux de mon Alsace d’adoption ; à Marienthal plus précisément. Il m’a rapidement fallut admettre qu’il s’agissait moins d’un pèlerinage que de nécessaires et minuscules deuils successifs ravalés par un petit garçon en culottes courtes qui me ressemblait. Chaque station de ce périple était remplie d’une manière palpable par l’ombre douce de ma mère disparue il y a peu.

En passant rue de Rothbach comment ne pas être assailli par le souvenir de ma nounou « Maman Guldenfels ».  Je voulais absolument revoir sa maison. Je n’eus aucun mal à la retrouver ; elle était bien telle qu’en mon souvenir avec son perron et sa marquise en fer forgé.

C’est dans une chambre à droite du couloir en entrant par ce perron que reposait la grand-mère. Elle était alitée tout le jour, son petit visage ridé surmonté d’un bonnet blanc comparable à celui de la mère grand du petit Chaperon Rouge. Son regard se posait souvent sur le petit bénitier mural à gauche de la porte d’entrée de la chambre. Elle me prenait parfois contre elle pour me conter la délicieuse histoire de Perrault en Allemand, car elle se refusait à risquer de m’embrouiller avec l’Alsacien avant ma lointaine entrée au lycée.

L’arrière du jardin semble toujours s’ouvrir sur les profondeurs insondables des bois. C’est là que l’infatigable Tobby, le chien de « Maman Guldenfels », partageait mes courses éperdues sans abandonner le moindre de mes zigzags.

Nous nous échappâmes un jour tous deux de l’enceinte sûre du jardin pour partir à l’aventure. Il nous fallait aller voir Spata, le petit âne corse du pré d’en face et pousser ensuite jusqu’au carmel du Sacré-Cœur. Bien sûr les chemins buissonniers croisent toujours des imprévus. Notre imprévu ce jour là naviguait sur le petit ruisseau à droite de la rue de Rothbach , le Rotbaechel. Nous le passâmes dans un gué d’eau vive puis nous perdîmes un peu avant d’être bien vite recueillis par un voisin de l’autre rive qui avait reconnu Tobby.

J’ai repris ce même chemin pour m’imprégner de l’endroit, franchi désormais par un pont en dos d’âne, et, à l’instant où je me suis accoudé à la rambarde, les cloches du carmel se sont invitées dans cette suite mélancolique pour en raviver les couleurs. J’étais comblé, mais avais du mal à juguler mes émotions dans cette bouffée d’enfance réinterprétée au plus subtil arpège près.  

Illustration 1

Il n’y avait pas loin de la rue de Rothbach à la boulangerie qui bordait le parvis de la Basilique de Marienthal. On laissait le ruisseau du Rotbaechel sur la droite et on tournait à gauche jusque chez le boulanger. Aujourd’hui, le parcours et les années passées donnent un peu le tournis car la vitrine a disparu. Mais tout le reste est assez fidèle à mon souvenir au brin de pâquerette près.

Ma rêverie m’assaillit plus fort que jamais. Il me fallut prendre bien garde de ne pas  renverser en chemin la plaque de four émaillée confiée par « Maman Guldenfels ». Elle était garnie comme autrefois des bredeles odorantes que le boulanger n’aurait plus qu’à poser délicatement dans le four.

Je n’eus pas besoin de forcer ma mémoire pour retrouver l’odeur chaude et enveloppante des bredeles. Elle s’échappait du four comme la caresse d’une mère. C’était le parfum des matins d’hiver paresseux et languides quand le lit s’agrippait à moi.

Mes madeleines à moi restent les bredeles.

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