L'avis de chien

Et pendant cette trêve des confiseurs, vous ne devinerez jamais l’expérience que mon chien a vécue en se trimbalant dans la forêt voisine en pleine effervescence. Une forêt qui se la jouait comme si elle était en pleine campagne, électorale s’entend. Qu’on en juge :

 Le pic-vert têtu martelait que le ver était dans le bois. Refrain obsessionnel et morbide.

 La taupe sursautait au fond de son trou sous les coups de carillon du lointain campanile qui se gardait bien de lui dire qu’elle resterait toujours au 36ème dessous dans les sondages.

L'écureuil, en quête de noisettes prouvait qu'il faisait bien le tour du tronc à l'opposé de ceux qui l'observaient mais qu’il ne parvenait jamais à rien. Il rêvait de squatter le noisetier à droite en entrant dans la cour d’honneur de l’ENA où, il parait qu’on apprend à supporter de faire le tour complet d’une question sans éprouver le besoin de la régler pour autant.

 Les musaraignes, mulots, souris et campagnols s’engueulaient car ils n’arrivaient pas à dire qui était le plus rongeur de référence.

 Le chevreuil avec son petit cul blanc prenait la tangente pour narguer mon chien. Mon chien tenta vainement d’engager la course avec lui, mais, humilié dans cette affaire où il escomptait une place honorable, il m’a confié en soufflant fort que « le sport est un truc de cons. »

 Puis il est tombé sur des fourmis rouges, en file chinoise, qui partaient au boulot en gueulant un truc du style "Heigh-ho ! Heigh-ho ! On s’en va au boulot". Quand il leur fit remarquer qu'elles s'étaient trompées de couleur; que normalement elles devraient plutôt être jaunes. Elles l'ont mal pris et lui ont piqué la truffe bien au-delà du taux d’incidence tolérable.

 Du coup, il a raclé dans la fourmilière, histoire de leur faire voir qu’il ne faut pas emmerder plus fort que soi. Car il peut, s’il le veut, montrer ses muscles.

 Enfin, député, dépité, mon chien joua alors au fameux jeu de l’hémicycle en posant sa truffe gonflée par le venin sur ses pattes de devant. Il bailla, s'étira puis s’endormit très vite.

Dans son sommeil il aboyait méchamment, comme lorsque des sournois ou des hypocrites tentent dans la vie réelle de l’amadouer avec leurs simagrées.