Je te souhaite bonne mine pour 2024, cher Mediapart. Une année de charbon et de forge. Une année de bleu de chauffe. Une année à vaincre avec terril, sinon ce serait sans gloire. Une année engagée, surtout, pour ne pas rester sur le carreau.
Sois toujours cet atelier de métallos plein de bruits qui sonnent comme la fureur.
Regarde-bien tous tes ouvriers, apprentis ajusteurs de mots, fraiseurs de phrases, horlogers de la métrique, soudeurs à l’arc pour amours joufflus, chaudronniers pour sorcières en sabbat, récupérateurs de métaux, ferrailleurs qui ne veulent pas faire ailleurs, forçats du déboulonnage, artisans du rivetage de clous, réparateurs ou bâcleurs d’idées. Garde les tous !
Ils passent des nuits blanches au bord d’un melting-pot en fusion, dans le fracas des pilons et les souffles de la grande forge. Ils ont tous les ongles cassés, les mains noires et les yeux rougis. Et, malgré cela, la plupart refusent les combinaisons ignifugées, les masques anti-flammes, les casques de chantier, les chaussures de sécurité et les gants de même. Tant pis pour le risque. Ils veulent rester chevaux légers.
On y trouve tout ce que tu peux trouver dans le civil, des ponctuels, des à la ramasse, des nanas en cheveux, des fardées, des qui fument, des velus de la trogne, des binoclards, des très propres sur eux, des poseuses, des pauseurs. Et pourtant, ils ont tous quelque chose de la même mine. Ils mangent dans les mêmes gamelles et il leur arrive souvent d’échanger leur casse-croûte.
Comment ne pas aimer le boucan qu’ils font ?
Garde bien et protège bien aussi et surtout, cher Mediapart, tous ceux sans qui cette effervescence serait impossible. Ce sont eux qui ramènent du fond des puits et des galeries sombres de pleins wagonnets d’investigations.
Une année au charbon pour produire un bel alliage, cher Mediapart.