Re-volition !

Je veux me repaître de la belle ombre bleue quand elle rend probables les espérances folles de certains matins.

Je veux contempler chaque soir le soleil se poser, tête ronde sur l’épaule de la rêverie qui émerge  au loin. Je veux m’avancer hardiment vers elle malgré  ma peur de l’effaroucher.  Je veux la surprendre en lui écrivant les notes d’une partition à faire fendre le bois de l’âme des violons.

 Je veux poser des nichoirs pour les araignées sans toile.

Je veux ôter les miroirs trop bas pour que mon chien ne voit pas blanchir sa truffe.

Je veux masquer les nuages pour que ma chatte n’ait aucune raison de se passer la patte sur l’oreille.

Je veux forger un balcon pour la mésange bleue qui se prend pour Juliette, et je veux que les mains de Roméo le charbonnier miment les ailes d’oiseaux jusqu’à ce qu’elles sachent vraiment voler.

Je veux remonter toutes les horloges sans foi ni loi pour qu’elles ne sonnent que deux fois les heures  sans surprise du jour : 10 h 10, l’heure souriante qui ouvre ses bras d’espoir et 23 h 23, la dernière du genre qui verrouille le grand tour.

Je veux remplir ma réserve de joie avec des rires d’enfants heureux pour m’en repaître quand bon me semblera.

Je veux apprendre de la vigie comment prendre la vague sans jamais perdre de vue les balises et feux du port.

Je m’entraine à secouer les épaules pour mieux accompagner mon rire que je veux sans retenue. Je veux imiter le ressac de cette gaité sans ombre qu’affichent, dit-on, les « s’en fout la mort » des taxi-brousses.

En attendant, quand j’y parviens j’ai peur et quand ne n’y arrive pas j’ai peur quand même.

« On ne fait pas ce qu’on veut. On veut et on vit : cela fait deux.» Romain Rolland