Le grand « che’l’aime »
Antoine Blondin pour expliquer mieux car privés de leurs mains les hommes s’expliquent mal.
[…] « Un semblable culte de l’impersonnalité (le rugby) suppose une juste distribution des tâches et qu’à chacune des vocations physiques correspondent des dispositions morales. On se plaira à considérer que celles-ci affectent les formes des trois vertus théologales : la Foi, l’Espérance, la Charité.
La Foi appartient aux avants dans leur conquête du ballon. On les voit, têtus, obtus, battre l’air à la touche avant de s’emboutir dans le paquet de la mêlée, où ils tordent de la viande comme on essore du linge, en roulant inlassablement des bras de lavandières en béton armé.
La Charité vient des demis qui transmettent la balle par un rapide calcul où l’esprit de finesse s’introduit dans l’esprit de géométrie. Eux, on les voit, par le sortilège d’un coup de reins, déployer l’éventail de leurs partenaires, comme d’une gitane qui s’évente, et cette opération, par le fait même, peut ouvrir un trou d’air vertigineux.
L’Espérance, enfin, s’attache à la course des trois-quarts (avec l’aubaine éventuelle d’un arrière intercalé) en l’honneur de qui leurs adversaires directs sonnent des hallalis. Car le plus pathétique et le plus succulent apparaissent à l’instant où le rugby démasque ce beau visage ouvert, en même temps viril et frivole, qu’il a parfois, cette allégresse concertée où les éclairs de l’improvisation zèbrent le stade pour une illumination qui annonce l’aube. » […]