Pourquoi se défier des nuits d’hiver. Assez sombres pour rendre nos gestes innocents, elles estompent nos contours et attisent nos passions.
Pour moi, elles sont des complices, je n’ai pas à me cacher pour te retrouver. Lumière noire des infinis. Lumière pour me perdre mais lumière pour te prendre contre moi.
Comme j’aime ces longues nuits quand elles peignent ainsi tout en encre lunaire sous l’œil goguenard des étoiles insomniaques; ces lointains soleils obstinés qui clignotent des messages dans un code connu de nous seuls.
Les nuits d’hiver ne sont pas à proprement parler absence de jour mais présence d’ombres impalpables et transparentes, de glissements furtifs et de désirs palpitants. Elles prennent leur temps pour s’installer, autrement plus enivrantes que le plomb fondu des midis d’été quand ils exhalent l’haleine fébrile de la sieste.
Elles sont pareilles à la mort douce : un versant noir qui se referme quand l’autre s’ouvre et commence à blanchir. Non pas la mort qui arrive quand nous n’y sommes plus, mais celle qui ne vient pas tant que nous y sommes.
Mes certitudes sont toutes du lendemain, à commencer par la coulée laiteuse de l’aube qui éclairera les pavés glacés de la rue sans rendre pour autant leurs formes ni leurs vraies couleurs aux choses.
Au matin, quand nous nous engagerons sur le chemin d’un nouveau jour, la terre jouera une aubade avec l’herbe craquante de gel sous nos pas pressés.
Tes yeux scintilleront, supplique sans équivoque aux étoiles déboussolées d’avoir à s’éteindre. Mais la nuit d’hiver ébouriffera déjà ses plumes afin de gonfler notre édredon pour sa sœur suivante.