DE LA LIBERTE D’INFORMER
Et dire que, depuis des lustres, les acquis fondamentaux de la République étaient accaparés en douce et mis au service d’un clan, d’un groupe, qui ripaillaient avec les deniers de la nation…
Le peuple français, le citoyen lambda, contemplaient de loin, le ventre vide, ces bacchanales indécentes. A la table brinquebalante de la France des gens ordinaires étaient conviés les représentants de la souffrance, des porteurs de larmes et de sueurs : le chômage avec ses grimaces réductibles ; le pouvoir d’achat avec l’air de dire : « vous pouvez toujours attendre » ; les franchises médicales, avec leurs cohortes de malades délaissés ; les débats identitaires hasardeux stigmatisant une partie de la population française, au risque de mettre en danger la notion de « République laïque, une et indivisible»…
Sans oublier les cigares de M. Christian Blanc (blanc comme neige) payés avec l’argent du contribuable ; les honoraires de Mme Christine Boutin, la cumularde ; les appartements de fonction de M. Christian Estrosi et de Mme Fadela Amara ; le permis de construire falsifié, et les jets privés de M. Alain Joyandet ; les notes d’hôtels de Mme Rama Yade.…
On apprend en outre que, dans notre chère République, les Préfets sont devenus des chasseurs de primes ! Comme les employés des grandes surfaces, qui perçoivent des suppléments quand ils ont écoulé leur stock de pomme de terre, leurs performances dépendent du nombre de ceux qu’ils expulsent.
Et on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres…
Les Dieux nous sont tombés sur la tête. Les Républiques dites « bananières » doivent bien rire, en se tapant sur le ventre. On les raillait pour leur mauvaise gouvernance. On les stigmatisait pour la corruption qui gangrenait leur pays. On disait que l’Afrique « n’était pas assez entrée dans l’histoire… » Pendant que ces Républiques sortent de la bananeraie, nous y entrons avec gourmandise et tête baissée…
Nous aurions pu être alertés par le comportement cynique du Président fraichement élu : arrogant, provocateur, l’air méprisant envers le petit peuple de France, le soir même de son élection, il organise des agapes avec ses amis fortunés au Fouquet’s et se donne en spectacle en Ray-Ban sur le bateau de son ami, le riche M. Bolloré.
On a fait croire aux Français qu’avec le Président Chirac, ils avaient un Roi fainéant au Château. Qu’ils ne travaillaient pas assez. Que lui, le nouveau Président, allait tout changer : mettre les Français au travail, aller chercher la croissance avec ses dents, fonder une République irréprochable…
Les tours d’illusionnistes ont duré trois ans.
Patatras ! Voilà que cette fameuse affaire Betancourt explique l’acharnement du Président à garder coûte que coûte le bouclier fiscal, ce système insolent et antisocial. Le Château est transformé en fort Alamo. C’est la panique. On organise la battue aux journalistes. La chasse au Médiapart et au Plenel est ouverte. A quand la curée ? Au lieu de remercier, au nom de la République, les journalistes sans lesquels ces turpitudes resteraient à jamais enfouies dans les bas-fonds du château, on les invective, on les menace, on les livre aux crocs acérés des dobermans du château. Alors qu’il aurait fallu garder son sang-froid pour répondre aux interrogations des citoyens et aux attentes du pays en matière de chômage, de croissance, bref, de l’avenir…
Les journalistes sont les chiens de garde de la démocratie. Attention à ne pas les bâillonner, dès lors qu’ils cherchent une vérité qui ne plaira pas forcement aux pouvoirs.
« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (MONTESQUIEU)
A. de KITIKI