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Billet de blog 6 juillet 2013

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ENTRAFRIQUE: LA TRAGEDIE. LA SELEKA GENOCIDAIRE. Pendant qu'un Ruwanda 2 se met en place, le Monde regarde ailleurs

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CENTRAFRIQUE : LA TRAGÉDIE.

LA SELEKA GÉNOCIDAIRE

Pendant qu’un Rwanda 2 se met en place, le monde regarde ailleurs…

            Les crépitements des Kalachnikovs déchirent la nuit et fauchent les citoyens désarmés. Bangui-la-coquette, devenue Bangui-la-tragique, n’en finit pas de pleurer des larmes de sang. Dans les quartiers de la capitale, la nuit tombée, la Séléka fait régner un ordre nazi. Enlèvements. Exécutions sommaires. Viols. Saccages de lieux de cultes chrétiens…Cinq morts tombés sous la mitraille et de nombreux blessés à Gobongo, dans le 8ème  arrondissement. Terreur à chaque coin de rue dans les autres quartiers. Bangui est devenue une capitale sinistrée, étranglée et contrôlée par les pendards  de la Séléka.  La terreur qui règne dans tout le pays est celle d’un peuple qui redoute d’être la proie de forces islamistes radicales, tentant, par tous les moyens, de le convertir. On frémit en imaginant une nouvelle République Centrafricaine : La République Islamique Tchad-Oubangui...

          A Bangassou, capitale régionale du Mbomou, un pasteur a été exécuté nuitamment à son domicile, le 28 juin 2013. Il avait voulu porter secours à son voisin, que les brigands de la Séléka étaient en train d’assassiner. Il faut savoir que Bangassou est une ville martyre. C’est la première que Michel Djotodia a conquise à la tête des rebelles. Elle n’est pas très loin du Haut Mbomou, sa région natale. Là-bas, les morts se comptent sûrement par centaines. D’autant plus que cette région est largement  protestante, catholique et animiste. C’est le pays des Zandés, des Yakomas, des Mbanguis des Gbanziris, des Nzakaras… Ces peuples ont une longue tradition de résistance, celle, farouche, qu’ils ont opposée aux razzias arabes esclavagistes, à la colonisation, aux excès bestiaux des intendants blancs fous des sociétés concessionnaires. C’est la région d’Abel Goumba, compagnon de lutte de Barthélémy Baganda, le premier président de la R.C.A.  Abandonnée par un pouvoir central impuissant, livrée aux rebelles perdus, affamés et sanguinaires de la Séléka, la population de Bangassou et de ses environs s’organise et commence à se défendre, les armes la main. C’est aussi ce qui se passe dans d’autres régions du pays.

          Le gouvernement de transition est majoritairement issu des rangs de la rébellion. Il est à noter que c’est la première fois qu’un gouvernement centrafricain compte en son sein une majorité de musulmans, dont certains penchent vers le salafisme. Des documents démontrent qu’à la tête du gouvernement, se trouvent des personnes qui ont sollicité l’aide de « leurs frères wahhabites du Golfe et du Qatar ». Les responsables politiques centrafricains et tous ceux, musulmans, laïcs ou chrétiens, qui, par lâcheté ou pour l’appât du gain, collaborent et trahissent leur peuple, laissant régner l’ordre sinistre des bandes rebelles assoiffées de sang, répondront demain devant la justice des citoyens. Car, incapables de ramener la sécurité, ils sont devenus complices d’un génocide en gestation.                                                                                                                                                                        

          Dans un communiqué de presse daté du 2 juillet 2013, le Quai d’Orsay, avec un culot cynique, déclare : « il est essentiel que les autorités de transition rétablissent la sécurité dans le pays et remettent en fonction les institutions et l’état centrafricain… »

          Mais comment le faire ? Et avec quels moyens ? Les troupes françaises (410 hommes environ actuellement) sont présentes à Bangui pour assurer la protection de nos ressortissants. Mais quid des Centrafricains en danger de mort ?  La France n’est-elle pas le pays des Droits de l’homme, des Siècles des Lumières, ami de la République Centrafricaine ? La vie des Centrafricains ne vaut-elle pas celle des expatriés blancs ? A quoi servent les accords de défense signés entre les deux pays ? La Centrafrique est aujourd’hui un pays occupé par des envahisseurs venus du Tchad voisin. Deby Into, le président dont le pouvoir chancelle, menacé par ses propres islamistes, a toujours tenté d’exporter ses rebelles dans une République Centrafricaine minée par la déprédation et devenue le maillon faible de l’Afrique Centrale. Pourquoi, à Paris, le Parti Socialiste au pouvoir ne commente-t-il rien, ne suggère-t-il rien à propos d’un pays aussi déstructuré et en perdition ?  Pourquoi les autres partis politiques français restent-ils silencieux ? Pourquoi cette absence de réaction insupportable de la part de l’Union Africaine et de l’O.N.U. ?

          La R.C.A n’a plus d’institutions qui fonctionnent. La sécurité, premier droit des citoyens, a disparu du territoire. Les Forces Armées Nationales Centrafricaines (F.A.C.A.) ont disparu des écrans radars. C’est une abomination. Cela veut dire que le que le Pays est livré aux bandes armées. Au petit matin, dans certains quartiers de Bangui, des corps mutilés sont fréquemment découverts. Peut-être même que l’Oubangui charrie des cadavres en décomposition,  victimes de la barbarie sélékiste. La Conférence des Evêques de Centrafrique (C.E.C. A.) a, de nouveau, envoyé un message de détresse au Président de la Transition pour l’alerter sur les souffrances des populations.

          L’organisation de la gouvernance actuelle de la République Centrafricaine ressemble à du sparadrap  sur une jambe de bois. Comment peut- on sortir du marasme un pays ruiné par ses propres dirigeants, en confiant les rênes à ceux-là mêmes qui l’ont mis au fond du gouffre ? C’est terrible ! D’anciens collaborateurs de François Bozizé, le président déchu, ont fait allégeance, toute honte bue, aux rebelles de la Séléka pour pouvoir continuer leurs concussions. Il faudrait de toute urgence bannir les petits arrangements entre amis destinés à partager et à conserver les sinécures. Mettre fin à la pléthore de ministres : 34 aujourd’hui pour 4 millions d’habitants ! Quel non-sens !  Où trouver l’argent pour les payer ? Les caisses de l’Etat sont vides depuis longtemps, à cause des pillages organisés par les gouvernements successifs.  Quant aux partis politiques, ils se taisent, alors que le courage serait de dire non à ce gouvernement rebelle qui ne maîtrise rien et va précipiter le pays dans le chaos. Ces comportements vénaux, qui durent depuis si longtemps, ne font qu’enfoncer les citoyens centrafricains dans une déshérence sans nom. La R.C.A. va tout droit vers un embrasement général, annonciateur d’une guerre civile.

          Or, face cette tragédie qui risque de se prolonger, des solutions existent et peuvent être immédiatement engagées, pour bâtir une autre politique, qui fixe un cap nouveau à une nouvelle République Centrafricaine.

Il faut :

  • arrêter les mercenaires tchadiens et soudanais,  les juger ou les expulser.
  • lutter contre les impunités des responsables politiques convaincus de forfaitures. Les auteurs seront déclaré inéligibles pendant 10 ans.
  • porter à la tête du pays des hommes et des femmes intègres, ayant le sens de l’état et mettant l’intérêt de la nation au-dessus de tout. 
  • assurer la sécurité du territoire, seule garantie qui redonne confiance aux investisseurs.
  • relancer une économie qui placera en tête de ses priorités le développement du pays et le bien-être de ses habitants.
  • rendre la gestion des ressources minières, forestières et agricoles aux Centrafricains.
  • assurer les droits de chacun et restaurer la dignité de tous.

 C’est ainsi qu’on pourra unir les Centrafricains. Leur redonner l’espoir et la volonté farouche de reconstruire leur pays. Car tout n’est pas perdu. Le courage est là, en chacun.

« Même si le coq ne chante pas à l’aube, le soleil se lèvera » (dicton africain)

  1. A.    De Kitiki

(6 juillet 2013)

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