LES MEDIAS, SARKOZY ET LES FRANÇAIS
Le résultat des législatives partielles de Villeneuve-sur-Lot agit comme le révélateur d’un mal menaçant. On dirait une main diabolique en train d’étrangler la République. Plus le temps passe, plus elle enfonce ses ongles acérés dans la gorge d’une nation qui commence à manquer d’air.
« Si tu ne peux pas couper la main qui t’étrangle, demande à Allah de le faire » proclame un dicton arabe. Pour une République Une, Indivisible et Laïque, c’est aux veilleurs, aux chiens de garde de la démocratie, héritiers du Siècle des Lumières, que les citoyens demanderont de le faire.
Il n’est pas supportable que, dans ce sud-ouest de la France, depuis des siècles terre de gauche et de tous les combats citoyens, terre où des maquis en si grand nombre ont courageusement barré la route aux nazis, des citoyens déboussolés succombent à l’innommable, à la démagogie et à l’enfumage, relayés, sans commentaire ni discernement, par des journalistes en état de soumission. Aujourd’hui, presque partout en France, le Front National, grimé en démocrate démagogue, défenseur des petites gens, de la classe ouvrière et des paysans, est en train de duper des citoyens aux abois, plongés dans la détresse – situation qui rappelle tristement d’autres périodes de notre histoire et amène à penser que les forces de gauche ont déserté le terrain du débat d’idées…
D’après un sondage IFOP, le Front National serait à 40% de bonnes intentions dans les votes à venir. Est-ce à dire que ce parti d’extrême-droite est devenu un parti de gouvernement ? Est-ce à dire que ce parti, il n’y a pas si longtemps ouvertement xénophobe et stigmatisant tous ceux qui n’avaient pas la bonne couleur de peau, est devenu républicain ? Souvenez- vous des jeux de mots et des plaisanteries grasses sur les Arabes et les Noirs de Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front National : « Les Durafour…crématoire » ou encore : « Le génocide ? Un détail…» etc… Jeudi 4 juillet, on a entendu dire, à propos des Roms, que « leur présence est urticante et odorante… »
Souvenez-vous des origines de cette droite, à l’idéologie antirépublicaine et antidémocrate. Souvenez-vous de ceux qui, pendant l’Occupation, ont massivement collaboré. De l’O.A.S. pendant la guerre d‘Algérie, de l’attentat du Petit-Clamart contre le Général De Gaulle. Ceux qui, aujourd’hui, ont tué le jeune militant Clément Méric, ont des accointances avérées avec le parti de Marine Le Pen. Tous ces groupuscules racistes prônent ouvertement le « White power», comme autrefois, dans le sud des Etats-Unis.
Non ! Le Front National, Marine Le Pen ou pas, n’a pas changé. Ce sont les mêmes idéologies nauséabondes qui sous-tendent ses pensées et ses actions.
C’est pourquoi tous les républicains et, en premier lieu, les journalistes, décrypteurs et lanceurs d’alertes contre les mensonges et la démagogie, doivent assumer leurs responsabilités. En expliquant les faits aux citoyens désemparés. En menant inlassablement un travail de pédagogie, pour combattre les intoxications et les enfumages, qui, chaque jour, envahissent les plateaux de télévision et de radio. Les sondages manipulateurs devraient être interdits. Les médias aux ordres, qui essaient de coloniser le cerveau des Français pour leur enlever toute capacité d’analyse, devraient être dénoncés.
Au lendemain de la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot, certains médias ont superbement oublié le passé du Front National. Sur une radio périphérique, un des débatteurs, économiste ultralibéral de son état, a éructé à l’antenne : « Pour moi, le Front National ne fait plus peur. C’est un parti comme un autre. » Diable ! La France a-t-elle oublié de quoi elle est faite ? La crise a laissé béantes les portes de la République pour les banquiers et les bluffeurs. L’histoire nous apprend que des citoyens angoissés peuvent se laisser séduire par n’importe qui et n’importe quoi.
Quant à l’U.M.P., parti de droite dit républicain, c’est une descente aux enfers qui s’y déroule, menée par ses dirigeants.
L’ex-président Nicolas Sarkozy, après avoir ruiné la France et fait perdre à son parti toutes les élections intermédiaires, se retrouve cerné, en même temps qu’un certain nombre de ses proches, par la justice. Il tente un retour sur le devant de la scène politique en se prenant pour un recours, à l’égal du Général De Gaulle. Quel culot ! Quelle audace ! Décidément, ce bonimenteur montre un talent d’acrobate avéré. Les militants, rameutés par une U.M.P. en lambeaux, donnent de la voix : « Nicolas à L’Élysée ! Hollande en Corrèze ! » Grognards napoléoniens en perdition, ils n’ont pas le courage d’analyser le bilan de leur chef. Aucun ne l’aura fait : ni Copé, ni Fillon, ni, surtout, Juppé, ce gaulliste traditionnel qui a cautionné cette mascarade. In fine, cet aveuglement risque de plomber leur avenir politique
A quelques exceptions près, les médias ont, d’une même voix, louangé le génie de « communicant » de Sarkozy, véritable « bête politique ». Les journalistes dans leurs commentaires et analyses, ont superbement oublié l’essentiel : l’analyse de fond de l’action de Sarkozy, président pendant cinq ans. Jamais, durant toute la Ve République, un président n’aura charrié derrière lui autant d’affaires. Ils auraient dû expliquer aux Français pourquoi ce pouvoir de droite reproche au pouvoir de gauche de ne pas faire ce que lui-même n’a pas fait pendant qu’il était aux commandes de l’état.
A ces remarques, il faut ajouter les récentes déclarations, obscènes, de Christian Estrosi, maire de Nice, un des responsables de l’U.M.P, président des Amis de Sarkozy, à propos des Roms. Avec le patronyme qu’il porte, il devrait se souvenir d’où il vient. D’après lui : « il faut mater les Roms », selon un mode d’emploi (pourquoi pas Mein Kampf, tant que nous y sommes ?) dont il va faire profiter tous les maires de France… Odieux ! Une presse qui se respecte aurait dû s’indigner. On a juste eu droit à quelques entrefilets et deux ou trois brèves. Ainsi va la France d’aujourd’hui… Ensuite ce fut Tapie. Pendant 48 heures, comme à son ami Sarkozy, les médias se sont disqualifiés en lui offrant une tribune, ou les journalistes lui passaient les plats. C’est indécent et indigne. Le métier n’est pas sorti grandie de cette mascarade indigeste.
Les héritiers du Siècle des Lumières, les disciples de Victor Hugo et autres Jean Jaurès, les journalistes et autres combattants de la Liberté et de la Démocratie, tous doivent sortir de leur lâche silence et alerter les citoyens. Un peuple en proie au doute, étreint par la peur du lendemain, devient une proie facile pour tous les aventuriers politicards. Seule, une pédagogie inlassable, empreinte de bon sens et de vérité, protègera la République et la Démocratie.
A.DE KITIKI 10/7/2013