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Billet de blog 12 juillet 2011

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FRANCE- LIBYE : LE PIEGE

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FRANCE - LIBYE : LE PIEGE

Mais où est donc passée la doxa interventionniste, qui a salué, sans retenue, le déploiement des forces aériennes et maritimes françaises en Libye ? Où est donc passé B.H.L, le ministre shadow des Affaires Etrangères, qui a conseillé au Président Sarkozy de reconnaître dans la précipitation le C.N.T. comme seul représentant légal du peuple libyen ? Où sont donc passés les éditorialistes de tous bords, qui, sans discernement, ont sonné les trompettes de Jéricho pour saluer cette intervention hasardeuse ?

Soucieuse de retrouver son blason diplomatique, perdu dans les faubourgs de Tunis saisis par la fièvre du printemps de jasmin, la France risque fort de voir les turbopropulseurs de ses Rafales et de ses hélicos obstrués par le sable du désert.

L’intervention française en Libye ressemble étrangement à l’intervention américaine en Irak. Ici, il ne s’agit pas de mensonges à propos d’armes de destructions massives. En Libye, c’est un dictateur qui s’apprêtait à massacrer son peuple révolté, un dictateur au même titre que Ben Ali, Moubarak ou El-Assad qui étaient les très chers amis du Président Sarkozy. Personne ne peut en disconvenir. Mais envoyer précipitamment, sans demander l’avis de la représentation nationale, une armada au large de la Libye, apparaît aujourd’hui comme une initiative insensée. Le résultat est là. La France est ensablée. La réponse à l’appel au secours du peuple libyen était inadéquate.

Malgré la situation dangereuse qui prévalait - et qui prévaut toujours en Libye - il aurait fallu prendre le chemin du bon sens, promouvoir le dialogue et la négociation. Certains rétorqueront qu’on ne discute pas avec un despote halluciné. Certes, mais la France se serait honorée à être l’initiatrice d’une telle démarche. C’est l’engagement qu’avait préconisé l’U.A (L’Union Africaine), qui aurait peut-être empêché le piège dans lequel est tombée la France.

Au lieu de cela, le Président de la République, plus préoccupé par sa réélection, n’a eu d’ouïe que pour le philosophe aventurier et médiatique, B.H.L. Il fallait frapper fort. Démontrer à la face du monde que la France est une grande puissance. Non. La France n’est pas une grande puissance, c’est une puissance de plus en plus moyenne.

Fait assez rare, l’Amiral Forissier, chef d’Etat-major de la Marine, vient de s’inquiéter ouvertement de l’avenir improbable de l’opération Harmattan. Coût exorbitant pour un trésor français en déficit abyssal. Or, les élus américains viennent de voter contre la poursuite de la participation des forces de leur pays à la guerre de Libye. Et, comme souvent les Anglais suivent les Américains, il est à craindre qu’eux aussi se désengagent.

Restée seule, la France ne pourra que courir à l’échec, à l’image de ce qui se passe en Afghanistan. Dans le Journal Du Dimanche du 10 / 07/ 2011, le Général de division Vincent Desportes s’alarme ouvertement : « A l’heure qu’il est, nous ne pouvons attendre indéfiniment que le régime de Kadhafi tombe. Il est temps de trouver un compromis politique… ». Autrement dit, il faut, avant que la France ne soit définitivement piégée et humiliée, laisser place à la négociation. L’heure de la concertation a sonné.. Décidément, comme le dit encore ce Général lucide et républicain : « Certains ne retiennent pas les leçons de l’histoire… »

Pour mémoire : en Libye, on compte environ 2000 tribus. Comment gagner la guerre avec des moyens modernes contre des sociétés tribales ?

Le C.N.T (organe de direction de l’opposition), reconnu par le Gouvernement français, est une nébuleuse, infiltrée par d’anciens ministres de Kadhafi, qui ont changé de camp au dernier moment. On ne parle que des exactions du despote libyen, que personne ne nie, sans évoquer les scènes de racisme et de xénophobie, de chasse à l’homme, à l’endroit des Libyens à peau noire et des travailleurs immigrés du Sud du Sahara. L’Union Africaine doit sommer le C.N.T. libyen de s’expliquer sur ces comportements non fraternels envers des frères du même continent.

Il faudra que les Africains, d’Alger au Cap, s’imprègnent de l’idée de fraternité et d’unité. En se divisant, ils font le jeu des étrangers prédateurs. En s’unissant, ils gagneront en puissance.

Quoi qu’il en soit, si l’intervention occidentale se poursuit, il se créera, in fine, une situation à l’afghane sur le continent africain.

« Celui qui rame dans le sens du courant fait rire les crocodiles »

(Proverbe africain)

A. De Kitiki

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