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Billet de blog 12 septembre 2012

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Hollande, Sarkozy et les autres

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Hollande, Sarkozy et les autres…

          Le paysage politique français rappelle irrésistiblement la savane africaine, quand l’horizon a avalé le soleil : les barrissements des pachydermes, les ricanements des hyènes affamées et impatientes, les croissements des crapauds buffles, les copulations incessantes des bonobos, les rugissements des lions et les cabrioles des gazelles confèrent, à l’un comme à l’autre, une dissonance insupportable.

          Depuis le 6 mai 2012, le pouvoir a basculé à gauche. L’alternance démocratique et républicaine a été voulue par le peuple français. C’est ainsi.

          La droite était au pouvoir depuis dix-sept ans : douze ans de Chirac, cinq ans de Sarkozy. Cela faisait donc dix-sept ans que la gauche était dans l’opposition. 

          Or, cette gauche-là vient de gagner les élections présidentielles, il y a  quatre mois à peine. Et voilà que les voix incessantes et cacophoniques de l’ex-majorité bondissent dans la savane française, de colline en colline, comme des gazelles apeurées par un feu de brousse. Quelle impatience ! Le pouvoir de gauche, c’est le moins que l’on puisse dire, n’a pas bénéficié d’une once d’état de grâce. Les attentes sont tellement élevées que c’est compréhensible de la part d’une population déboussolée par la gestion calamiteuse, individualiste et du Fric Roi de l’hyper-président Sarkozy. Mais les gesticulations et  les critiques démagogiques d’une partie de la savane française regroupée au sein de l’U.M.P. sont indécentes. Si, pendant son règne de dix-sept ans, la droite avait bien géré le pays, nous n’en serions pas là.

          Les éructations de la droite, sitôt le gouvernement Ayrault formé, visent, comme par hasard, Christine Taubira, Guyanaise à peau noire nommée Garde des Sceaux : « quand on vote Front National, on la gauche qui passe et on a Taubira » lance Jean-François Copé.

          Après l’injure faite aux Africains dans son discours devant des universitaires à Dakar (« Les Africains ne sont pas assez entrés dans l’histoire… ») Nicolas Sarkozy avait montré un chemin fangeux  à certains ténors de l’U.M.P. qui, obsédés par la montée du Front National, allaient baguenaud sur les terres de celui-ci. « Nous sommes une droite décomplexée affirmaient-ils. Insoutenable pour des gens qui osent se réclamer du Général De Gaulle.

          La droite devrait avoir le courage politique de s’engager dans une opposition constructive, en ne s’arc-boutant pas sur des idéologies archaïques. Ce qui vaut aussi pour la gauche, si l’alternance joue à nouveau.

          Car le monde a basculé. Les lieux des décisions ne sont plus exclusivement à l’ouest (Europe du Nord, Etats-Unis d’Amérique). Avant l’émancipation de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique Latine (ex-colonies), les prix de leurs sous-sols et de leurs matières premières étaient fixés par les puissances occidentales.

          Aujourd’hui, il faut expliquer aux Français que les choses ne seront plus jamais comme aux temps des colonies. Il faudra, désormais, partager le gâteau qui est sur la place du village planétaire en plusieurs morceaux. Ce qui réduira d’ autant les parts. D’ailleurs, les citoyens français le constatent déjà. Que les politiques cessent de leur raconter des histoires ! Nous avons vendu la moitié de notre patrimoine aux Emirats pétroliers. Nous aliénons sans broncher nos illustres vignobles aux Chinois. Même l’Afrique, longtemps humiliée et brocardée  par les médias occidentaux,  pointe son nez autour du gâteau planétaire. C’est l’hebdomadaire Le Point, n° 2082 du 9 août 2012, qui le proclame à la une : « L’AFRIQUE N’EST PAS CE QUE VOUS CROYEZ. »

          Malgré les guerres et les tragédies, elle bat des records de croissance : taux prévus en 2012 : au Kenya, 5,3%, en Afrique du Sud : 4,8%, en Afrique du Nord : 4%, en Afrique de l’Ouest : 6,4%.... Le Portugal en Crise trouve son salut dans son ex-colonie : ingénieurs, médecins, maçons, cuisiniers et autres émigrent en masse en Angola. C’est le monde à l’envers. Après avoir ciré les tongs et les babouches, l’Europe s’apprête-t-elle à brosser les boubous d’Afrique ? Les Africains devraient se méfier de ce brusque intérêt pour leur continent. Eh oui ! En Afrique aussi, les lions sortent de la longue sieste.

          Au lieu de geindre sur le déclin de la France, comme ne cesse de le faire un ministre de Sarkozy («  la gravité de la situation de notre pays… La vérité, c’est qu’on est dans une phase de déclin… »), il faut faire de la pédagogie, abandonner les postures de campagne électorale pour dire aux Français que la situation est difficile mais pas désespérée. Que le libéralisme mercantile a atteint ses limites. Que l’homme doit être placé au centre des préoccupations et non pas devenir une variable d’ajustement au service des dividendes. Qu’il faut refuser les diktats des marchés financiers, qui ont fait un hold-up sur les citoyens du monde.

          La France a, dans le monde, une responsabilité particulière. Le pays du Siècle des lumières, de la République laïque, une et indivisible, des Droits de l’homme, de la Commune, doit montrer le chemin des valeurs humanistes et sociales à une Europe chancelante. Elle doit insister pour faire prendre conscience au monde que le scandale, c’est la pauvreté et l’indifférence. Comment se fait-il qu’au niveau de développement technique et scientifique que l’homme a atteint, il soit incapable de générer le bonheur ? Cette question interpelle l’humanité. Ayons le courage de nous attaquer aux racines du mal.

          « Ce n’est pas le coassement de la grenouille qui empêche l’éléphant de boire » (Proverbe africain).

A.DE KITIKI    

(10 septembre 2012)

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