CENTRAFRIQUE :
LES VIEUX DÉMONS RESURGISSENT
"Même si le coq ne chante pas à l'aube,
le soleil se lèvera quand même" (Dicton africain)
BRUITS DE BOTTES
On croyait que les élections démocratiques, qui viennent de se dérouler en République Centrafricaine, avaient sonné le glas des ambitions pour les adeptes invétérés de la Kalachnikov.
Mais les vieux démons sont toujours là. Ancrés dans les têtes. Chevillés au corps de certains Centrafricains qui ne peuvent imaginer la démocratie qu’à coups de fusils et de rebellions armées. A nouveau, Bangui bruit de rumeurs lancinantes de coup d’État.
On croyait que le temps des aventuriers de la politique et de leurs commanditaires étrangers était définitivement jeté dans les poubelles de l’histoire. Qu’une aube nouvelle, chargée d’espoir, pointait à l’horizon de la République Centrafricaine. Que ces élections étaient le signe de la maturité politique et du civisme des Centrafricains. On eût aimé que cette nouvelle Centrafrique, naissant sur les ruines d’un pays en état de décomposition avancée, parvienne à vivre. La page postcoloniale des gouvernances calamiteuses était-elle tournée ? La Centrafrique allait-elle sortir définitivement d’une situation où les Kalachnikovs et les armes lourdes avaient remplacé les urnes ?
Hélas ! L’espoir s’est envolé ! Les ex-Sélékas et les anciens présidents qui ourdissent dans l’ombre leur retour au pouvoir ne connaissent qu’une arme pour revenir au premier plan : la violation de la démocratie. Leur instinct de prédation, irrépressible, les pousse à fouler aux pieds le vote des citoyens. Pour s’emparer du pouvoir, il n’existe, pour eux, que la violence.
RUMEURS DE COUP D’ÉTAT : QUI SONT LES COMMANDITAIRES ?
Ils sont plusieurs, sur lesquels pèsent de lourdes présomptions.
Les regards se tournent forcément vers François Bozizé et son mentor de l’époque : Idriss Deby Itno. De folles rumeurs agitent et affolent la capitale centrafricaine. La population est gagnée par une psychose indicible. On prétend que des mercenaires congolais, au service de Bozizé, auraient déjà traversé le fleuve Oubangui et seraient prêts à passer à l’action. D’autres mercenaires, tchadiens cette fois, armés et équipés par Deby, se seraient, eux aussi, préparés pour fondre sur la capitale. Leur but : chasser l’actuel président du pouvoir. Au pire, l’assassiner et instaurer une autre transition sans lui.
Déjà, lors du voyage éclair de Faustin-Archange Touadera à N’Djamena, Deby avait pressé le président de nommer un de ses proches d’origine tchadienne comme Premier ministre à la place de Simplice Sarandji. Quant à François Bozizé, il a déjà positionné ses hommes quelque part près de Mobaye. Il semblerait que lui-même se trouve déjà sur le territoire centrafricain.
On apprend, par ailleurs, que 1000 armes ont disparu de la caserne du Camp de Roux. Simple coïncidence ? Ou vol en rapport avec un coup d’Etat en préparation ?
TOUADERA, BOZIZE, DEBY : UN TRIO INQUIÉTANT
On ne peut s’empêcher de s’interroger, à juste titre, sur les ramifications des affaires qui suscitent ces rumeurs de coup d’État : Touadera a été Premier ministre de Bozizé et vice-président du parti de ce dernier : le KWA NA KWA (KNK). C’est Deby qui a installé Bozizé au Palais de la Renaissance. C’est le même Deby qui a demandé à la France de ne pas intervenir pour sauver le pouvoir de Bozizé quand les ex-Sélékas avaient pris d’assaut Bangui.
Est-ce le président du Tchad qui nomme les gouverneurs de sa province : la République Centrafricaine ? Est-ce son rôle de convoquer Touadera à N’Djamena pour le presser de changer de gouvernement ? Le président centrafricain, avec ses hésitations et son incapacité à changer son Premier ministre, exaspère Deby, qui ne les supporte ni l’un ni l’autre.
Ajoutez à cela le retrait de ses soldats de la MINUSCA. Une humiliation pour lui. Le rapport de l’ONU sur les exactions de sa soldatesque en Centrafrique est accablant. D’ailleurs, il le considère comme nul et non avenu et le rejette, avec l’aide de Touadera.
On est donc en droit penser que ce qui est en gestation, c’est peut-être un coup de force décidé par l’autocrate des bords du Lac Tchad. L’idée qu’il n’aurait plus d’emprise sur la Centrafrique lui est insupportable. Il est aussi possible que Déby, le Machiavel du Tchad, concocte ce coup d’État pour avoir à Bangui un personnel politique à sa botte.
Quant à Bozizé, il a déjà ses hommes infiltrés en RCA avec des mercenaires tchadiens. Sans oublier bon nombre de membres des ex-FACAS, qui sont acquis à sa cause.
VOL D’ARMES A LA CASERNE DU CAMP DE ROUX
Quelle coïncidence ! Au moment où les bruits de bottes d’un éventuel coup de force deviennent préoccupants et alors qu’un embargo- indécent-sur les armes à destination de la Centrafrique a affaibli le pays, on apprend qu’environ 1000 armes ont été volées à la caserne du Camp de Roux !
Ce cambriolage est-il en liaison avec les préparatifs d’un coup d’État imminent ? On peut se poser la question à juste titre. C’est un événement gravissime et humiliant. Or, il n’a suscité pratiquement aucun commentaire de la part du gouvernement. Réussir à pénétrer dans une caserne bourrée de militaires et à voler une telle quantité d’armes, c’est proprement incroyable et stupéfiant !
Il existe sûrement des complicités au sein de l’armée et dans l’entourage proche du président Touadera. Dans un autre pays, le commandant de la caserne aurait été immédiatement arrêté pour trahison et traduit en cour martiale. Les ministres des Armées et de la Sécurité Intérieure auraient été limogés.
Mais voilà : nous sommes en République Centrafricaine, pays où les impunités sont devenues des maladies incurables.
Nous attendons les réactions du gouvernement.
Sans cesser d’espérer que, malgré les aléas et la dureté de la nuit, le soleil finira, un jour, par se lever sur le pays des Bantous
JOSEPH AKOUISSONNE (16 JUILLET 2017)