joseph Akouissonne

Abonné·e de Mediapart

298 Billets

0 Édition

Billet de blog 17 janvier 2011

joseph Akouissonne

Abonné·e de Mediapart

AFRIQUES

D’Alger à Tunis, de Niamey à Abidjan, de Bangui à Juba (capitale du Sud- Soudan) et de Kinshasa au Cap, c’est bouillonnements et fureurs. Ce sont les cris des peuples, longtemps tus, qui surgissent des entrailles de la vieille Afrique, terre d’où l’homme apparut au commencement des temps.

joseph Akouissonne

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

D’Alger à Tunis, de Niamey à Abidjan, de Bangui à Juba (capitale du Sud- Soudan) et de Kinshasa au Cap, c’est bouillonnements et fureurs. Ce sont les cris des peuples, longtemps tus, qui surgissent des entrailles de la vieille Afrique, terre d’où l’homme apparut au commencement des temps. Cette Afrique humiliée, saignée à blanc pour la joie et le bonheur des autres. Cette Afrique où des génocides sans nom furent perpétrés au nom d’une civilisation imposée, venue d’ailleurs, au détriment de celle qui existait déjà.

Est-ce l’aube des « damnés de la terre » ? Est-ce le temps de ces jeunes lionceaux africains qui ne veulent plus qu’on leur lime les griffes et qui les sortent ? Ces clameurs d’indignation et de révolte, qui se manifestent un peu partout sur le continent, sont peut-être les signes d’une résurrection. C’est peut-être l’aube d’une renaissance.

Ce continent, certains ont eu la prétention de le transformer en une gigantesque étendue minière, pour un développement industriel débridé dont nous subissons aujourd’hui les conséquences néfastes : tremblements de terre à Haïti, inondations en Australie, coulée de boue au Brésil et ailleurs.…

A cela, il faut ajouter les dégâts humains d’un capitalisme entaché de népotisme et l’arrogance de l’argent roi (gagner plus) que l’on donne comme modèle indécent d’individualisme et d’égoïsme à la génération future. Quelle aberration, puisqu’elle se rend bien compte que, dès la fin de sa formation, elle est déjà au chômage !

Aujourd’hui, des prémices de révolte agitent le continent.

Surprenante Afrique, imprévisible, morcelée comme une galette des rois, à Berlin, le 15 novembre 1884. Autour de la table, les grandes puissances européennes de l’époque découpèrent la "galette’’ à leur guise.

La France et le Royaume-Uni se taillèrent les grosses parts, avec sûrement les fèves à l’intérieur.

Le roi des Belges, Léopold II, hérita du Congo. Le souverain imposa la culture du caoutchouc pour ses industries en Belgique, au détriment des cultures vivrières. Les récolteurs qui ne rapportaient pas le quota imposé de sève d’hévéa avaient la main coupée. Aucune colonisation ne fut aussi brutale et sauvage. (Ce qui explique peut-être en partie la violence dans laquelle est plongée la République Démocratique du Congo depuis son indépendance.)

L’Allemagne s’empara du Sud-Ouest Africain, (actuelle Namibie), du Togoland, du Kamrun, du Rwanda et de l’Urundi.

Comme dans les autres empires coloniaux, l’Africain subit les pires humiliations. Il était présenté comme paresseux, stupide, fourbe et immoral. Le statut de l’indigène était celui d’esclave. Dans les colonies françaises, ce n’était pas le paradis. On ne coupait certes pas la main, mais les intendants des sociétés concessionnaires, ces rebuts brutaux, alcooliques, violents et inhumains, de la société française déportés dans les colonies, se livraient avec assiduité au maniement de la « chicote » (sorte de fouet en peau de buffle tressée).

Environ deux siècles après Berlin, l’Afrique est devenu le continent qui crie, qui interpelle, avec force et insistance, le reste du monde, pour qu’il la regarde autrement qu’avec les lunettes grimaçantes de l’afro-pessimisme.

Pendant que le vieux continent européen, inquiet et apeuré par la mondialisation, n’a rien d’autre à proposer à ses populations qu’une ‘’mini-politique’’, comme le dit avec justesse Alain Touraine, le continent africain cherche avec frénésie une nouvelle voie démocratique.

Tremblez, vous, les despotes, les marionnettes au service de l’étranger, les affameurs des peuples, les fossoyeurs du continent africain ! C’est pour vous que sonne ce glas lancinant, qui monte des rues d’Alger, de Tunis et d’Abidjan ! N’entendez-vous pas le râle des peuples, que, depuis si longtemps, vous étouffez ? Les aubes à venir ne seront plus ces aubes muettes qui accueillaient sans broncher tant de souffrance tues. Sommés de se taire et de subir, le ventre vide, le tohu-bohu des agapes indécentes et gargantuesques des Palais présidentiels, vos peuples aspirent à autre chose qu’à la vision insupportable d’une jeunesse en déshérence. Respectez les jugements populaires des urnes. Vieillissants et malades, cessez de vous accrocher à vos trônes. Suivez la voie de la sagesse africaine tracée par vos ancêtres, qui recommande qu’à un certain âge, on retourne sagement au village se livrer à la culture vivrière et que l’on dispense ses avis aux jeunes pousses de la Nation venues prendre conseil.

Ne transformez pas les rues de vos villes en ruisseaux de sang. Ne biaisez pas comme d’habitude. Demandez pardon à vos peuples.

Et écoutez cette nouvelle génération décidée à prendre son destin en main pour bâtir une autre Afrique, dans laquelle les citoyens auront les droits qui leur sont dûs.

« Le feu qui te brûlera, c’est celui auquel tu te chauffes » (proverbe africain).

A.de Kitiki

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.