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Billet de blog 19 mars 2011

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D'abidjan à Tripoli

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D’Abidjan à Tripoli

La coalition occidentale est envasée en Irak, après une intervention échafaudée sur les mensonges du gouvernement de M. Georges W. Bush, Président des U.S.A. Cette même coalition est prise dans un guêpier inextricable en Afghanistan. Cette politique des canonnières, qui fleure bon les parfums de la coloniale et l’arrogance «occidento- centrique» comme dirait Edgard Morin, est vouée au naufrage. La géopolitique mondiale a changé de visage à cause de l’irruption des pays dits émergents. La suprématie scientifique, technologique et économique de l’occident, s’amenuise au profit des nouveaux acteurs du Sud.

C’est à la gestation d’un inéluctable nouveau monde que les relations Nord- Sud doivent désormais s’adapter. L’arrogance, le bombage de torse, les déclarations cassantes et autres éructations doivent être rangés dans les poubelles de l’histoire. Sinon, toute tentative pour régler les conflits est vouée à l’échec, surtout dans les ex- colonies.

Les conflits ivoiriens et libyens, qui génèrent tant de souffrances pour leurs peuples, ne trouveront de solutions que si l’occident les aborde avec intelligence, sans imposer de directives à suivre.

Dans le foisonnement des analyses, sur les plateaux de télévision et autres médias, des « spécialistes » (en majorité occidentaux) de l’Afrique et du Monde arabe, on se perd en conjonctures. Rarement est évoquée la dimension civilisationnelle du dialogue pour résoudre les problèmes surgissant dans ces pays. Surprenante encore est cette façon de ne pas prendre en compte la philosophie des longues palabres, qui ont, si souvent, démontré leur sagesse.

Avant de bomber le torse et de sommer Gbagbo l’Ivoirien de «déguerpir» avec sa femme, avant de menacer, à juste titre, Kadhafi le Libyen de bombardements, il aurait fallu, non pas de la précipitation ou des gesticulations, mais de la vieille diplomatie, celle de l’ombre, de la palabre et de la sobriété.

Avant de reconnaitre le C.N.T (Conseil National de Transition) libyen, il aurait fallu s’assurer que ce mouvement représente bien la majorité de ceux qui se battent en Libye pour leur dignité. Et se poser la question suivante : est- ce que tous les Libyens soutiennent Kadhafi ? Ou alors : tous les Libyens se sont-ils soulevés contre leur tyran ? Il est à parier que si demain - cela n’en prend pas malheureusement pas le chemin - Kadhafi est chassé du pouvoir, nous assisterons à une floraison de mouvements révolutionnaires basés sur la tribu.

En effet, La Libye est une mosaïque de tribus, qui va des Bédouins aux Berbères arabisés, en passant par les Touaregs, les Haoussas et les Tébous. Le discernement aurait donc consisté à privilégier d’abord le dialogue, un dialogue avec chacune d’elles.

Ces palabres auraient dû se tenir à l’africaine. C'est-à-dire entre toutes les tribus et au grand secret, sans esbroufe et sans m’as- tu- vu. On aurait peut-être pu éviter une intervention militaire, dont personne ne peut présager la dangerosité et les conséquences en pertes humaines. Pourquoi, aujourd’hui, cette doxa de l’interventionnisme initiée avec tant d’insistance par les puissances occidentales ? Pourquoi, en d’autre temps, au Ruanda, des massacres ont-ils été commis sous les yeux des forces françaises, belges et onusiennes sans que personne ne bouge ? Pourquoi, depuis quelques mois, laisse-t-on les Ivoiriens s’entretuer sans appuyer une médiation entre Gbagbo et Ouattara dans la pure tradition africaine du secret ? Malgré les échecs apparents de l’intervention de l’Union Africaine, ne faudrait-il pas poursuivre inlassablement les négociations ? Les discussions peuvent paraître longues, mais l’histoire nous enseigne qu’elles ont souvent évité beaucoup de souffrances.

Pourquoi les dictatures monarchiques du Golf Persique, qui sont loin d’être des exemples de démocratie, continuent-elles d’écraser la révolte de leur peuple, qui réclame la liberté, sans que les va-en -guerre en Libye n’interviennent ? Deux poids deux mesures. Quels sont les dessous des cartes ?

Il faut notifier - et c’est important pour l’avenir- que les B.R.I.C. (Brésil, Russie, Inde, Chine) puissances économiques et humaines considérables, se sont abstenus de se joindre aux forces de la coalition.

Kadhafi est un dictateur. Personne ne peut le contester. Il doit partir. Il règne sans partage avec sa tribu sur la Libye depuis quarante ans. La coalition militaire qui intervient aujourd’hui en Libye le sait aussi. Mais cela n’a pas gêné les puissances occidentales de lui vendre des armes contre son pétrole.

Et c’est avec ces armes qu’il tire sur son peuple.

Pourtant, même face à un dictateur, le dialogue et la négociation doivent être privilégiés avant tout recours à la force. Les bombardements de la coalition vont certainement causer des dégâts «collatéraux» en vies humaines. Et si ces bombardements ne suffisent pas à faire partir Kadhafi, il faudra une intervention terrestre.

Mais personne ne peut prévoir quelle sera, alors, l’attitude du monde arabe…

«Le monde est du côté de celui qui est debout» (Proverbe arabe)

A. De KITIKI

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