joseph Akouissonne

Abonné·e de Mediapart

298 Billets

0 Édition

Billet de blog 19 juin 2011

joseph Akouissonne

Abonné·e de Mediapart

FRANCE- AFRIQUE: R.A.S.

joseph Akouissonne

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

LA FRANCE-AFRIQUE : R. A.S.

« Les morts ne sont pas morts. Ils sont parmi nous »

Un Africain, où qu’il se trouve, quel que soit son rang, et quel que fut son degré d’acculturation, ne peut dédaigner ce précepte fondateur de l’approche de la mort et du vivant. Car la civilisation africaine impose, depuis toujours, l’amour des vivants et des morts.

Pendant l’investiture du Président Alassane Ouattara à Abidjan, ce précepte intangible n’a pas été respecté. La mémoire des milliers de morts ivoiriens n’a pas été honorée. Les Dieux africainsn’apprécient pas ce genred’indécence. Lescauris quele Marabout a jetés sur la terre battue de sa case ne présagent rien de bon. Tout Marabout qu’il est, ce qu’il a vu, et lu, l’a pétrifié d’horreur. Il a pris une double ration de cola, avant de sortir précipitamment de sa case. Les Dieux ont immédiatement manifesté leur courroux.

Un nuage noir inattendu, surgissant de l’horizon, a zappé le soleil. Un éclair a zébré et fendu le ciel. Le tonnerre a grondé dans un fracas sourd.

Plusieurs mambas noirs attendent, lovés dans les recoins frais des cases. Le moment venu, ils passeront à l’action.

Il aurait fallu une cérémonie d’investiture sobre. Une cérémonie placée sous le sceau de la réconciliation nationale. Une cérémonie qui associe tous les Ivoiriens au deuil de leurs disparus.

Cela aurait permis d’extirper les haines et de commencer à soigner les blessures enfouies. Les fantômes des morts fratricides sont dans les cœurs et les esprits. Il faut du temps, beaucoup de temps, pour que ces plaies intérieures fassent moins souffrir.

Assister à cette cérémonie qui a exclu l’autre camp, alors qu’il est, lui aussi, constitué d’Ivoiriens, est à coup sûr une erreur politique et sociétale, qui ne présage rien de bon pour la stabilité et l’avenir de ce pays.

Le Président français Nicolas Sarkozy a fait le déplacement. Est-ce pour son ami Ouattara, pour les Ivoiriens, ou pour perpétuer la «Françafrique » éternelle ? En tout cas, il fallait se pincer pour ne pas y percevoir un symbole néocolonial qui perdure. Voir M. Sarkozy applaudi par les partisans de son ami Ouattara, est insupportable. Au moment où, sur le Continent, une nouvelle génération d’Africains se dresse avec fureur pour réclamer la dignité et la démocratie, la présence de Sarkozy rappelle l’installation d’un Chef de Région par le Gouverneur au bon temps de la «coloniale». La réconciliation des ivoiriens, passera par une réelle volonté de les réunir tous, autour d’une même table fraternelle. Revenir à la tradition africaine de la palabre, malgré les difficultés. Cesser d’écouter les sirènes étrangères qui ne sont préoccupées que ? par leur main mise sur les matières premières du continent. S’émanciper des pressions extérieures, pour valoriser les solutions africaines. L’avenir du continent est à ce prix.

Voir celui qui a osé insulter les Africains à Dakar en déclarant que : «L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire… » Venir participer à l’intronisation de Ouattara, est pathétique.

On est loin du discours du Cap en 2008. Le Président français, bombant le torse, avait alors martialement prononcé la fin du rôle de gendarme de la France en Afrique francophone. On est décidément loin de la rupture promise avec la « Françafrique ».

Sans la participation active de la France, M. Ouattara ne serait sûrement pas au pouvoir. Même si cette intervention en Côte d’Ivoire a permis un semblant de paix, les crispations communautaires demeurent, refoulées dans les cœurs. Et ce n’est certainement pas ce genre de festivités, boudées par une moitié des Ivoiriens, qui va favoriser la réconciliation tant souhaitée par une population exsangue. Déjà, les affrontements ont repris à Yopougon.

Voilées par des intentions prétendument humanitaires, ces interventions intempestives sur le continent noir ont toujours, in fine, abouti soit au maintien d’un dictateur, soit à l’installation d’un nouveau dirigeant protecteur des intérêts étrangers au détriment de ceux de son peuple.

Des Tunisiens sont rejetés par le Gouvernement français, foulant honteusement aux pieds une histoire commune tissée entre les deux peuples. Des Africains se fracassent, dans l’indifférence générale, contre le nouveau mur de l’Atlantique qu’est devenue Lampedusa. N’est-ce pas le glas des relations franco- africaines ?

Tout en souhaitant à la population ivoirienne courage et résistance, ne devrions-nous pas espérer que l’indignation au parfum de jasmin qui a réveillé le Maghreb avec fracas, puisse, telle une traînée de poudre salvatrice, se répandre sur le continent du début des temps ?

Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, il faudra bien que les afro-pessimistes, qui ont assigné définitivement, l’Afrique à un rôle mineur, dans le concert des Nations, rendent les armes. Car, l’Afrique s’ébroue. S’émancipe. Une nouvelle ère s’ouvre sur le continent. Une ère de dignité et d’espoir.

« Que celui qui n’a pas traversé la rivière, ne se moque pas de celui qui s’est noyé » (Proverbe africain)

A. de KITIKI

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.