Soudain, les tam-tams se turent. Un silence assourdissant jeta un linceul noir sur la savane et la figea. De case en case, de village en village, le griot, pétrifié de douleur, avait annoncé la terrifiante nouvelle : « Aimé Césaire s’en est allé rejoindre ses ancêtres. Le grand baobab a été vaincu, comme tout ce qui existe, par le temps qui, inlassablement, fait son œuvre… » .
Alors, les usurpateurs et les hypocrites surgirent des hautes herbes dorées par le soleil pour déverser un flot rougeoyant de paroles inconsistantes à l’égard du « Nègre » - car c’est ainsi qu’il se désignait.«Nègre je suis, nègre je resterai… Je suis la bouche de ceux qui n’ont pas de bouche… » avait lancé l’auteur flamboyant du Cahier d’un retour au pays natal et du Discours sur le colonialisme à ses détracteurs de l’époque. « Je viendrai à ce pays mien et je dirai : Embrassez-moi sans crainte et, si je ne sais que parler, c’est pour vous que je parle… » Combattant inlassable de tous les damnés de la terre, il était la bouche de ceux qui n’avaient pas de bouche pour crier leurs souffrances.Césaire, c’était le Nègre fondamental, c’était le porte-voix des cris créoles qui montaient des plantations de l’enfer. C’était le Nègre qui grondait, qui haranguait tous les hypocrites qui le combattaient, jadis, avec férocité.Ce sont les mêmes qui osent le porter, aujourd’hui, au Panthéon. Mais il n’a jamais revendiqué ce Panthéon-là.Son Panthéon, c’était la terre des Antilles, c’était la terre de la Martinique. Il n’aurait pas aimé cette exhibition indécente.Il chantait la nuit noire. Cette nuit couleur nègre.Nègre il était. L’Afrique il portait. Les Antilles il vivait.Cette voix s’est tue dans un souffle d’espérance éternelle.On le dit en Afrique : «les morts ne sont pas morts, ils sont parmi nous.»Aimé Césaire n’est pas mort. Il EST EN NOUS.A.de KITIKI