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Billet de blog 24 mars 2013

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CENTRAFRIQUE, UNE CATASTROPHE ANNONCEE:TOUT LE MONDE REGARDE AILLEURS

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CENTRAFRIQUE, UNE CATASTROPHE ANNONCEE :

 TOUT LE MONDE REGARDE AILLEURS...

          Le Centrafrique, c’était le pays de cocagne. C’était Bangui-La-Coquette, s’étirant au bord de l’Oubangui, majestueuse et capricieuse. C’était le paradis de tous les prédateurs, de tous les spéculateurs en diamants, en or, etc.…Israéliens et Libanais contrôlaient - et contrôlent encore - le marché des pierres précieuses pour le compte des diamantaires d’Anvers et d’ailleurs. C’était - c’est toujours -  la corruption à tous les niveaux de l’Etat. Un Etat qui a plongé son peuple dans un dénuement abyssal.

          Bangui est passée de Coquette à Catastrophe. Les services hospitaliers sont devenus un mouroir. Ceux qui ont les moyens (ils ne sont pas nombreux) vont se soigner au Cameroun ou en France. Le SIDA endémique décime la jeunesse et jette un voile sombre sur l’avenir. L’enseignement, secondaire et supérieur, a sombré, comme noyé dans les eaux tumultueuses de l’Oubangui. Les habitants sont depuis longtemps, trop longtemps, en déshérence. Affamés et dépouillés avec la complicité de leurs propres dirigeants, les citoyens centrafricains sont devenus des parias dans leur propre pays…

           Ce qui ressemble à une malédiction n’est pas une fatalité.

          Au lendemain des indépendances, ce pays avait des atours prometteurs. Sol fertile. Coton, café , hévéa, sisal s’épanouissaient sur les pentes douces du Mbomou, de la Sangha, de la Kotto, de la Kémo-Gribingui. Les cultures vivrières étaient florissantes et permettaient aux Centrafricains d‘échapper à la disette. Le marché central de Bangui était achalandé. Légumes frais, capitaines et autres poissons, juste péchés dans l’Oubangui à deux pas. Sans oublier la pastorale des Bororos (Peuls) descendus du Tchad voisin, avec leurs zébus pour alimenter le pays en viande de bovins. L’élevage - poulets, chèvres, moutons…- était pratiqué par de nombreux agriculteurs centrafricains.

           Aujourd’hui, la République Centrafricaine, ressemble à une savane, livrée au clan des suricates et des hyènes.

D’un côté, le général Bozizé qui s’est emparé du pouvoir par la force le 3 mars 2003. Des élections, dont la transparence a été contestée, lui ont permis de se maintenir au pouvoir.

De l’autre, la Seleka, une nébuleuse de rebelles, dont personne ne connaît vraiment l’origine : quelles sont les sources de son financement ? Celles de son armement ? Quelles sont ses vraies intentions ? En quoi consiste son programme politique ? Le peuple centrafricain attend son mémorandum. Si c’est pour instaurer une politique de droit, de justice et de protection de la population, c’est oui. Si c’est pour remplacer une oligarchie par une autre, c’est non. Les Centrafricains n’en peuvent plus. Par ailleurs, beaucoup pensent que la Seleka est contrôlée par des Tchadiens et des Soudanais. Ce qui pourrait préfigurer la perpétuation du chaos, autant politique que sociétal.

          Pour esquisser une explication de l’instabilité chronique de ce pays, un bref rappel de son histoire, celle de l’ancien Oubangui-Chari devenu aujourd’hui République Centrafricaine, s’impose.

          A l’origine, la République Centrafricaine était peuplée de Pygmées (Babingas en sango, la langue du pays). Les peuples actuels, les Bantous, sont le résultat des razzias d’esclavagistes arabes venus du Soudan voisin. En effet, pourchassés par ceux-ci, ils se réfugièrent dans les forêts oubanguiennes pour leur échapper. Ils venaient d’ethnies diverses : les Sanghos, les Zandés, les Nzakaras, les Bandas, les Yakomas, les Ngbakas... Ces populations, qui parlaient des dialectes différenciés, surent créer une langue commune puisant ses étymologies dans le swahili : ce fut le sango. Ainsi une nation était-elle née, à partir d’un égrégore linguistique. Les traces laissées par les Arabes sont la constitution de sultanats dans le Haut Mbomou, par exemple. Celui du Dar-el-Kouki dura de la fin du XIXe siècle au début du XXe, favorisé par la migration du royaume des Zandés. S’ensuivit le Sultanat des Senoussi. D’où l’islamisation d’une petite minorité (5%)  du nord et de l’est du Centrafrique. Il est à craindre, d’ailleurs, qu’avec l’avènement de la Séléka, les nombre d’islamisés n’augmente.

          On constate donc que la configuration et le socle de la société centrafricaine reposent, en fait, sur du sable mouvant. C’est pourquoi, pour clarifier et faire comprendre la problématique centrafricaine, les experts devraient sortir de leurs thèses livresques et rappeler simplement les stigmates laissés par l’histoire de ce pays, terriblement méconnu par l’occident. En Centrafrique, il n’y a pas que les diamants, l’or et l’uranium. Il y a aussi un peuple et son histoire.

          Quant à l’échec des accords boiteux de Libreville, il était prévisible. Les rebelles sont maintenant dans Bangui et ont chassé François Bozizé du pouvoir, comme lui-même avait chassé son prédécesseur en 2003. L’histoire se répète-t-elle ? En tous les cas, elle accable une population exsangue et risque de prolonger ses souffrances qui n’ont que trop duré. Visiblement, Bozizé a été lâché par ses tuteurs étrangers. La Séléka ne sera-t-elle pas, quant à elle, prisonnière de ceux qui l’ont aidée à conquérir le pouvoir ?  Le défi qui l’attend, c’est de prouver immédiatement son désir de changement démocratique, en envoyant des signes d’espoir à une population en souffrance.

          Pour ce faire, une conférence nationale, organisée, cette fois-ci à Bangui même, sous l’égide de l’Union Africaine et des Nations-Unies, s’impose d’urgence. Elle devrait réunir, sans exclusive, tous les partis politiques, les syndicats, la société civile, les forces armées, les membres de la Séléka, bref, toutes les composantes de la nation centrafricaine. Cette conférence, qui devra être dénuée de toute idée de revanche et de considérations ethniques, jettera les bases d’une nouvelle Centrafrique, débarrassée des oripeaux d’un passé peu glorieux. C’est l’occasion ou jamais de faire surgir, d’un horizon jusqu’ici assombri, une aube lumineuse pour une République Centrafricaine en attente d’espoir.

          Selon un adage africain : « Pour élever un enfant, il faut tout un village.»

Pour sortir du chaos la Centrafrique, il faudra tous les Centrafricains.

  1. A.            DE KITIKI

                                 (24 mars 2013)

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