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Billet de blog 27 octobre 2011

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Journalisme et lucidité

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JOURNALISME ET LUCIDITE

Kadhafi était un dictateur tyrannique et sanglant. Pendant quarante-deux ans, dans un pays au sous-sol gorgé de pétrole, il a assujetti son peuple.

Mais, pendant quarante-deux ans aussi, les courtisans du monde entier ont défilé à Tripoli devant le despote. Il était invité partout. En visite officielle en France, il exigea que sa tente de bédouin soit dressée tout près de l’Elysée. On organisa même une chasse à courre dans la forêt de Rambouillet à la gloire du Caligula des sables…

Mais les délires du César du désert s’exprimaient de plus en plus souvent en vociférations menaçantes contre son peuple qui commençait à se rebeller. Il promit à Benghazi «de transformer ses rues en rivière de sang.» Subitement, les Occidentaux, France et Angleterre en tête, décidèrent d’intervenir, sous mandat de l’O.N.U., pour «protéger les populations menacées.»

Etait-ce la seule raison ? Avait-on d’abord exploré toutes les voies diplomatiques ?

Quoi qu’il en soit, la presse française salua l’intervention militaire. Une doxa unanime s’empara des éditoriaux. Les interrogations essentielles ne se posèrent pas. Le Président Sarkozy devint, du jour au lendemain, pour les médias français, le sauveur de la diplomatie française, ensablée en Tunisie.

La coalition a eu raison du tyran. C’était une issue souhaitable et souhaitée.

Mais voilà : ces images de supplicié sanguinolent, même celles d’un terrible dictateur, sont insupportables. Ce qui n’a pas empêché tous les médias audiovisuels de reprendre en boucle le film du supplice. Libération n’a pas hésité à mettre en une la photographie, macabre et racoleuse, de la tête de Kadhafi, tuméfiée et ensanglantée, en gros plan sur fond noir.

Les médias étaient-ils contraints d’en passer par là ?

Hommage doit être rendu à Audrey Pulvar, journaliste martiniquaise du paysage audiovisuel français. Cette « Femme debout », comme on dit chez elle en Martinique, a eu un sacré culot ! Son éditorial sur France inter, à propos de la fin de Kadhafi, a été une leçon courageuse de lucidité.

Elle s’est interrogée sur la fin des dictateurs : celle de Ceausescu, renversé en 1989 en Roumanie, suivie par le suicide de deux de ses juges. Celle de Saddam Hussein, dont la capture et la pendaison médiatisées n’ont pas ramené la paix en Irak…

Cette pugnacité, cet entêtement dans le refus de la «brosse à reluire », et cette exigence, forcent l’admiration.

A plusieurs reprises, d’ailleurs, elle s’est distinguée dans la recherche de la vérité en posant des questions pertinentes. Face au président Sarkozy sur un plateau de France 3, elle ne se laissa pas intimider par les gros yeux du Président de la République. L’échange fut vif à propos des «Sans papiers». La rumeur dit que Sarkozy ne veut plus être interrogé par Audrey Pulvar.

Elle n’a pas hésité à descendre dans la rue aux côtés des manifestants contre la suppression, sans compensation, de la publicité sur la télévision publique. Elle s’est indignée, toujours sur France Inter, des propos abjects de Guerlain sur les « Nègres».

Cette journaliste rend ses lettres de noblesse au journalisme. Cela mérite d’être signalé.

P.S. : Après la chute de Kadhafi, les événements prennent une tournure qui n’augure pas de l’avènement d’une République laïque et démocratique. Qu’en pensent Cameron, Sarkozy et Bernard-Henri Levy ?

Tunisie : La situation rappelle furieusement l’Iran à la chute du Shah. L’Ayatollâh Khomeiny, après un exil doré en région parisienne, rentra triomphalement en Iran, à bord d’un avion d’Air France. Tout le monde attendait un régime démocratique et laïc. On sait ce qui arriva…

En Tunisie, c’est le parti du leader islamique, rentré de son exil londonien, qui a gagné les premières élections libres…

A de Kitiki

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