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Joseph Confavreux

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Billet de blog 13 novembre 2024

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La Revue du Crieur tire sa révérence

Jeudi 14 novembre, la Revue du Crieur, publie son 25ème et dernier numéro, après presque dix années d'existence consacrées à enquêter sur les idées et la culture. Le moment de compléter votre collection en lisant notamment un dossier exceptionnel consacré à la « Solitude de Gaza ».

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Après vingt-cinq numéros et près de dix ans d’existence (2015-2024), la Revue du Crieur choisit de tirer sa révérence. Un arrêt qui ne signe pas pour autant la fin de la collaboration entre Mediapart et les Éditions La Découverte.

La fin de cette aventure se fait sans crier victoire tant la bataille culturelle, face à des forces réactionnaires munies de bazookas médiatiques, demeure essentielle si l’on veut espérer sortir de la situation politique mortifère du moment.

Sans crier famine même si l’avenir des revues papiers généralistes est aujourd’hui suspendu, ainsi que l’a montré la chute des ventes des mooks comme XXI, et en dépit du maintien de titres anciens comme Esprit ou de tentatives réjouissantes telles Z ou La Déferlante

Sans non plus garder le sentiment d’avoir crié dans le désert une décennie durant tant furent publiés ici de papiers pionniers partant du postulat que les idées et la culture ne planent pas au-dessus de nos têtes mais s’incarnent dans des institutions, des réseaux, des financements, des parcours, des trajectoires dont il s’agissait de décrypter la matérialité.

Que ce soit en enquêtant sur les coulisses de la Villa Médicis, de l’Académie française, du Centre Pompidou ou du château de Versailles. Ou en assumant, alors qu’il est mal vu dans le monde intellectuel de « faire des personnalités », pour reprendre les mots de Charles Péguy, de dresser des portraits sans concession décrivant des influences connues ou discrètes : celles de Marcel Gauchet et son consensus conservateur, de Michel Onfray et sa petite usine réactionnaire, de Boris Cyrulnik et son grand bazar résilient, de Caroline Fourest et ses croisades ciblées, de Céline Alvarez et son business pédagogique, de Joann Sfar le « BHL de la BD », de Renaud Camus l’idéologue mondial et kitsch du suprémacisme blanc, de Bernard Rougier la nouvelle éminence grise de la lutte contre le « séparatisme » ou encore de Bernard Lugan l’historien d’extrême droite qui inspire l’armée française…

Que ce soit, aussi, en accueillant des textes inédits de Mona Chollet, Alain Damasio, Maylis de Kerangal, Nastassja Martin, Nathalie Quintane ou Pierre Zaoui… Et en traduisant des papiers fondamentaux de David Graeber, Timothy Mitchell, Val Plumwood et Eyal Weizman.

Que ce soit en plongeant dans la tête de la NSA, du pape François ou de Pierre Rabhi. En réfléchissant au « passing racial » ou aux manières de résister aux « 50 nuances de brun » de l’extrême droite mondialisée. En levant quelques angles morts de la guerre en Ukraine. En faisant l’histoire de la bombe aérosol ou en explorant l’industrie des sex toys. En mettant à nu les ressorts de la montée en puissance des « sensitivity readers », de la mode de la new romance ou de l’explosion de la fantasy. En allant à la rencontre de la scène punk de Shanghai ou des street artists en lutte contre la junte militaire à Khartoum. En décryptant le phénomène des « e-girls » ou le succès de la pop coréenne en Amérique latine. En s’intéressant à la contraception au masculin, aux savoirs trans’, au féminisme paysan ou au rapt conservateur des principes républicains. En repartant à l’assaut de la pensée de Giorgio Agamben, de Simone de Beauvoir, de Felwine Sarr, de la collapsologie ou de la polémologie…

Un arrêt qui nous permet, surtout, de crier sur tous les toits, à celleux qui ont fabriqué et diffusé la revue au fil des années - auteurs et autrices, photographes et artistes, éditeurs et éditrices, mais aussi fabricant·es, graphistes, illustrateur, correcteurs et correctrices, attaché·es de presse, représentant·es, libraires… -, un immense merci !