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Billet de blog 21 février 2016

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Etat d'urgence intellectuel

Le numéro 3 de la Revue du Crieur sera en librairie le 3 mars prochain pour continuer d'enquêter sur les idées et la culture, expliquer sans excuser et penser ce qui nous arrive, face à une menace djihadiste mutante et à un Front national convaincu d’être aux portes du pouvoir et d’avoir remporté la bataille des idées parce qu’il a gagné celle de l’agenda et de la communication

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«Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve.» Face à une menace djihadiste mutante et à un Front national convaincu d’être aux portes du pouvoir et d’avoir remporté la bataille des idées parce qu’il a gagné celle de l’agenda et de la communication, on aimerait pouvoir faire sienne la phrase du poète Hölderlin. Ce qui suppose, a minima, d’ouvrir des espaces de réflexion commune, comme s’y attelle la Revue du Crieur, dans ce troisième numéro qui bouleverse pour cela sa maquette habituelle et son sommaire initial.

Car « penser ce qui nous arrive » depuis les attentats du 13 novembre signifie davantage qu’échapper à la sidération du choc. Les massacres commis à Paris et Saint-Denis ce soir-là – et leurs suites politiques – obligent en effet à se saisir d’un événement qui nous déborde, sans céder sur les principes mais en faisant place aux ruptures, y compris celles qui modifient nos réflexes de pensée.

En effet, ceux qui croient «contenir pareils enjeux dans une seule réponse (au choix : “la haine de la liberté et de la civilisation”, “le vide spirituel et le matérialisme”, “la pauvreté et le désespoir”, “le capitalisme mondialisé”, “l’impérialisme occidental”, “le sionisme”, “l’islam”, “le système racial”, “l’islamophobie d’État”) n’élucident rien : ils ne révèlent que l ’obsession qui les habite », ainsi que l’écrivait récemment la revue Ballast, un autre lieu réactif, créatif et collectif, comme veut l’être la Revue du Crieur.

Pour que la déflagration du 13 novembre ne se transforme pas en une « stratégie du choc » tissée d’hystérie sécuritaire, de régime d’exception et de replis identitaires, il est essentiel d’ouvrir grands les yeux sur la césure révélée par un tel moment. Non pour faire de cette faille un sas d’entrée vers les politiques du pire, comme tous ceux qui veulent, de premiers pas en grandes enjambées, nous faire dévaler l’escalier de la haine de l’autre et de l’atteinte aux libertés fondamentales.

Mais, au contraire, pour faire de ce moment un mouvement susceptible de rompre avec les politiques de déréliction sociale, de punition économique, d’aveuglement diplomatique, qui alimentent la violence mondialisée et l’« apartheid territorial, social, ethnique » que le Premier ministre dénonçait au lendemain des attentats de janvier.

L’« état d’urgence » ne pourra masquer longtemps les « tas d’urgence », ainsi que le proclamait un graffiti récent peint le long de la Seine. Ni faire oublier que, s’il existe une fierté française mise en lumière par les attaques meurtrières ayant touché le pays, elle réside moins dans un drapeau à l’histoire chargée ou dans un mode de vie particulier, que dans un service public hospitalier unique au monde, menacé par les normes comptables, qui s’est avéré capable de prendre en charge simultanément – le 13 novembre – une centaine de personnes en « état d’urgence absolu ».

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