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Billet de blog 12 août 2014

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aux humains que nous devrions être et rester

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bien qu'ayant dit que je n'écrirais plus de billet, l'article d'aujourd'hui   Lettre ouverte à l’homme qui aurait pu tuer mon fils   m'incite à reproduire ici le commentaire que j'ai posté.

La lecture de cette lettre m'a renvoyé à Lévinas et à son travail, les hommes qui visent, blessent ou tuent d'autres hommes sont si loin de ce qu'il cherchait à nous dire ! Pour cela il nous faut être proche, suffisamment pour pouvoir voir le visage et les yeux de celui sur qui l'on s'apprête à tirer... la distance, c'est ainsi que l'on en devient inhumain.

Ce que n'est pas ce père qui cherche à comprendre comment l'agresseur de son fils a pu faire ce geste. Ce texte devrait inonder tous les champs de bataille d'aujourd'hui.

http://sos.philosophie.free.fr/levinas.php

L'Éthique et autrui

Levinas donne à l'éthique le statut de philosophie première.
Alors que la philosophie occidentale, depuis ses débuts, est dominée par les catégories de l'Être et de la totalité, cherchant à réduire le divers à l'Un qui ne laisse subsister aucune altérité, Levinas refuse cette pensée qui réduit l'Autre au Même et lui oppose l'expérience subjective de l'infini telle qu'on peut la faire dans le face-à-face avec Autrui.
Pour Levinas, l'éthique n'est pas recherche de perfectionnement ou d'accomplissement personnel mais la responsabilité à l'égard d'autrui à laquelle le moi ne peut échapper et qui est le secret de son unicité : personne ne peut me remplacer dans l'exercice de cette responsabilité. Mais de quoi parle-t-on ici quand on parle d'autrui ? Il n'est ni l'élément d'une espèce, ni un concept ou une substance et ne se définit pas par son caractère, sa situation sociale ou sa place dans l'histoire. Il n'est pas objet de connaissance, de représentation, de compréhension, pas même l'objet d'une description (il n'y a pas de phénoménologie d'autrui).

Autrui est d'abord un visage. Mais le visage n'est pas ce masque qu'on pourrait regarder comme on regarde un objet quelconque. Le visage est expression, discours. Visage est parole, demande, supplication, commandement, enseignement. Quand je regarde une personne, je ne vois pas ses yeux mais je suis transporté dans un au-delà qui me révèle l'idée d'infini que je ne peux trouver en moi-même. Rien n'est plus étrange, ni plus étranger que l'autre. Il est l'inconnaissable. La compréhension d'autrui est inséparable de son invocation, l'injonction éthique, qui a sa source première dans le fait qu'autrui me regarde. Le visage oblige, commande : il exige réponse, aide, sollicitude. Bref, il implique la responsabilité à l'égard d'autrui.


Nous ne sommes soumis à aucun ordre, quand le comprendrons-nous ? Nous gardons toujours la liberté de désobéir à un ordre inique. Bien sûr ceux qui le font en paient le prix car l'homme qui détient l'autorité a oublié qu'elle lui venait de plus haut que lui, ce plus haut là a un lien avec ce qui nous dépasse tous, notre humanité.

Hannah Arendt pourrait nous aider à le penser. Elle met sur le même pied le Communautarisme et l’Individualisme, la fusion du groupe ou l’individu.

Elle fait ressortir un double paradoxe :

- Le paradoxe de la communauté : si je m’identifie à la communauté et que je prends la
perspective de ma communauté, je perds le sens du réel parce que ma perspective n’est en quelque sorte confirmé que par ceux qui ont la même perspective que moi. Il n’y a plus qu’une seule perspective : la perspective communautaire. Différentes communautés certes, mais qui se heurte chacune dans leur perspective. L’individu qui s’identifie à sa communauté est en quelque sorte un individu seul parce qu’il n’a pas la diversité de perspectives qui rend possible l’expérience d’un monde commun.

- Inversement, paradoxe de l’individualisme : l’individu dans sa solitude perd la ressource de commencer quelque chose parce que pour commencer quelque chose, pour innover et apporter du neuf j’ai besoin de l’expérience des autres.

- A partir de moi seul je ne peux rien inaugurer, de telle manière que des individus isolés les uns des autres sont très vite des individus uniformisés et donc le paradoxe est que l’individualisme conduit à l’uniformisation en même temps que le communautarisme conduit à l’isolement.

- Double paradoxe qui n’en fait qu’un : c’est que la pluralité c’est la diversité dans l’unité, l’unité à travers la diversité. (mes sources, une émission écoutée il y a longtemps sur Hannah Arendt)

Lévinas, Hannah Arendt, deux penseurs juifs si loin de ce qu'Israël, entité politique, est devenu !

Pour prolonger, ce texte m'a permis de comprendre ce que pouvait être cette rencontre des regards à l'occasion d'une recherche sur l'Autorité et le hiatus qui se produit entre celui qui prétend la posséder et celui qui la subit : http://www.psychasoc.com/Textes/Le-hiatus-tel-que-je-l-ai-analyse - à l'époque je ne connaissais pas encore le travail de Lévinas sur le Visage. Pour ce qui me concerne c'est le regard qui m'a le plus marqué.

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