Journal de bord d'Hossam Al-Madhoun

Acteur et metteur en scène palestinien résidant à Gaza

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Billet de blog 13 février 2024

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À Rafah, les frappes aériennes se poursuivent pendant que j'écris ces mots

12 février 2024, à Rafah. 2 heures du matin, assis sur mon matelas, incapable de dormir, je pense à ce qui se prépare et à toutes les menaces d'invasion. Ces derniers jours, les bombardements et le pilonnage se sont intensifiés. Je ne sais pas ce qui se passe. Tout ce que je sais, c'est que je suis terrifié et que je n'ai pas le choix.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Deux heures du matin, assis sur mon matelas, incapable de dormir, je pense à ce qui se prépare et à toutes les menaces d'invasion de Rafah. Ces derniers jours, les bombardements et le pilonnage de Rafah par l'armée israélienne se sont intensifiés.

La ville était silencieuse et tranquille depuis le début de la soirée, lorsque le silence a été rompu par des frappes aériennes sur la ville de Rafah.

Combien de personnes sont mortes et ont été blessées ?

Combien de maisons ont été détruites par ces frappes ?

Je ne sais pas, je le saurai demain aux nouvelles, si je ne suis pas l'un de ces morts. 

Je ne sais pas ce qui se passe, ont-ils commencé l'invasion de Rafah, malgré tous les avertissements du monde entier ? Malgré la possibilité de commettre de nouveaux massacres ?

Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que je suis terrifié, handicapé et que je n'ai pas le choix.

Les bombardements, les tirs et les frappes aériennes se poursuivent pendant que j'écris ces mots.

Lorsque j'ai ouvert mon ordinateur portable il y a une demi-heure, j'avais l'intention d'écrire autre chose, je voulais vous parler d'une chose que j'ai entendu un enfant dire à son père.

L'enfant a dit : « Papa, et si nous arrêtions de manger pour devenir de plus en plus petits jusqu'à ce que nous soyons si petits que nous puissions retourner dans le ventre de ma mère, puis que tu l'emmènes hors de Gaza et qu'elle nous mette au monde dans un endroit sûr où il n'y a pas de bombardements ? Est-ce possible ? »

Nous étions cinq hommes, nous avons entendu l'enfant, nous étions stupéfaits, mais aucun d'entre nous n'a dit quoi que ce soit.

Les bombardements, les frappes aériennes et les tirs nourris se poursuivent, et je vais m'arrêter maintenant pour vous envoyer cet épisode, juste au cas où...

Je reprends la plume quelques heures plus tard.

La nuit dernière a été un exemple de ce qui attend Rafah : 162 personnes tuées en deux heures, comme d'habitude en majorité des femmes et des enfants.

Les gens sont bloqués et paralysés ; ils n'ont pas le choix.

Depuis qu'ils ont commencé à parler d'envahir Rafah, la ville a changé, le marché est moins fréquenté, il y a moins de vendeurs ambulants, personne ne bouge une fois la nuit tombée.

A la maison, on parle surtout de ce qu'il faut faire, où aller. Allons-nous rester ? Allons-nous déménager à nouveau ? Mais pour aller où ? Et nous terminons la conversation sans réponse, nous sommes coincés.

Toutes les personnes que je rencontre posent les mêmes questions : Restez-vous ? Avez-vous l'intention de quitter Rafah ? Où iriez-vous ?

Je n'en sais rien.

Nous avons appelé notre fille, Salma, qui se trouve actuellement en Égypte. Pendant plus de 15 minutes, elle n'a fait que pleurer, elle avait peur pour nous, et nous avons peur aussi. Elle pose les mêmes questions, et nous n'avons pas pu lui donner de réponse.

Nous ne savons pas.

Pourquoi un être humain devrait-il vivre cette horreur ? Pourquoi ?

Rafah est la dernière ville, le dernier recours, puis la frontière avec l'Égypte, la frontière avec de hauts murs, d'énormes barbelés, de nombreuses tours d'observation, aucun accès.

Maintenant qu'ils appellent à une opération militaire à Rafah, où aller ?

Les histoires terrifiantes en provenance de Gaza, du nord, du centre et de Khan Younès plongent les gens dans un état de panique insupportable.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.