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Billet de blog 19 mars 2020

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Macron et le virus du travail

Pendant le confinement, le travail continue ! De nombreux salariés sont contraints d'aller travailler à leurs risques et périls. Les agents de contrôle de l'inspection du travail Sud Travail prennent la parole.

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À juste titre nous applaudissons les personnels de santé mobilisés nuit et jour en cette période de confinement général. Mais beaucoup d'autres salariés doivent aller travailler. Les mesures de protection sont renvoyées à l'initiative des entreprises. Une fois encore, après la disparition des CHSCT, la liberté d'entreprendre est plus importante que la santé des travailleurs. Ceux qui vont valoir leur droit de retrait sont menacés.

Sud Travail adresse une lettre au Président de la République que je reproduis ci-dessous :

Monsieur le Président de la République,


Enfin, vous demandez aux habitants et habitantes du territoire français de rester chez eux ! Enfin vous comprenez que COVID19 n’est pas une
simple grippe mal gérée par les italien.nes, qu’il s’agit d’une crise majeure qui nécessite des mesures drastiques : la population doit rester
chez elle! La situation l’exige. « Seuls doivent demeurer les transports absolument nécessaires », vous l’avez dit, nous sommes d’accord.

Vous nous invitez à « retrouver aussi ce sens de l’essentiel». Mais alors, pourquoi ce raisonnement n’est-il pas arrivé au bout ? Regardez ce qui se passe en Italie : vous saviez que rester chez soi était nécessaire. Compte tenu de l’urgence pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ? Pourquoi avoir appelé les électeur.ices à aller voter ? Face aux injonctions contradictoires, oui, une partie de la population s’est mise en danger et a mis les autres en danger. Il ne pouvait en être autrement, sauf à prendre des mesures collectives claires et s’imposant à tou.tes. En droit du travail nous appelons cela les principes généraux de prévention : les mesures collectives doivent être privilégiées sur les mesures individuelles car elles
sont plus efficaces.

Les conséquences économiques de cette crise sanitaire seront majeures et mondiales. Vous le savez, nous le savons. Alors pourquoi encore
compter ? Les habitant.es de la France ne peuvent soi-disant plus sortir que pour l’essentiel. Dans ce cas, pourquoi ne limitez-vous pas l’ouverture des entreprises à celles qui sont essentielles ? Lundi, nous sommes nombreuses et nombreux à avoir reçu des courriels informant de
la fermeture des magasins de vente, tout en annonçant le maintien de la vente en ligne. Certaines entreprises ont même décidé d’offrir la livraison sans minimum d’achat : « notre façon d’apporter un peu de plaisir dans ce contexte morose ». Non ! Monsieur le Président, derrière ces livraisons ce sont des salarié.es qui vont s’exposer mutuellement au coronavirus, qui vont exposer leurs proches en rentrant chez elles et eux après le travail, qui vont être exposé.es aux risques classiques d’accidents du travail et donc à la nécessite de recevoir des soins. Le BTP c’est 88 531accidents du travail en 2019 : comment feront ces salarié.es en cas d’accident. ? Ils et elles iront à l’hôpital, déjà surchargé ? D’autre part,
qui peut croire au respect des gestes barrières sur un chantier ?! Nous en ririons si le sujet n’était pas si grave.

Si vous ne le saviez pas déjà, nous, organisation syndicale des agent.es de contrôle de l’inspection du travail vous en informons : les différentes
catégories socioprofessionnelles travaillent dans des conditions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres et s’exposent à une pénibilité physique et à des risques sans commune mesure. Par exemple, 16 % d’ouvriers sont les victimes des accidents du travail contre 4 % des cadres
supérieurs. Avec les mesurettes que vous avez prises, les cadres, qui ont des missions évidemment plus télétravaillables que les ouvriers, resteront chez elles et eux pendant que d’autres iront construire des immeubles de bureaux, fabriquer la nourriture à emporter de celles et ceux qui peuvent se confiner, et remplir des cartons de vêtements pour que qui veut la dernière veste de la collection été 2020 puisse la recevoir à la maison, livrée par d’autres salarié.es en contact avec des dizaines de personnes chaque jour travaillé.

Monsieur le Président, nous vous demandons la fermeture de toutes les entreprises non essentielles en cette situation de pandémie. Vous l’avez
fait pour les établissements accueillants du public, il est urgent de faire de même pour les entreprises accueillant des salarié.es. Soyez cohérent
et ayez la mesure des enjeux. Ne laissez pas la faculté aux patrons de décider ou non de la fermeture de leur entreprise. Protégez l’ensemble
des salarié.es et par là-même l’ensemble de la population. Il est anormal que, dans une situation de crise telle que celle que nous vivons, des
travailleurs et des travailleuses, afin d’assurer la protection de leur santé, soient contraint.es à user de leur droit de grève ou de leur droit de
retrait.

Il est également impératif que soit décidée la suspension des licenciements dans l'attente d'un retour à la normale, afin que les droits
de la défense des salarié.es soient assurés, et que les mises à pied conservatoires si elles sont nécessaires soient payées.

Nous vous demandons également de faire respecter la santé des salarié.es travaillant dans les entrepôts logistiques approvisionnant les
magasins alimentaires ou les lieux de vente. Des «assouplissements» sur le travail de nuit et les heures supplémentaires sont déjà prévus. Un
remerciement délivré à la télévision ne peut suffire, la reconnaissance doit passer par des engagements financiers conséquents et, avant toute
chose, par la garantie que la protection de leur santé sera effective.

Nous vous demandons de décliner toutes les annonces à destination des entreprises par des consignes claires et pratiques aux agent.e.s de la
fonction publique, fortement sollicité.e.s par de multiples questions liées à l’activité partielle mais aussi au maintien des contrats de travail, à la
mise en congé ou en RTT, à la suppression ou au simple report des cotisations sociales et fiscales etc.

Nous revendiquons enfin que, s’agissant des entreprises qui ne peuvent fermer car elles assurent des activités essentielles, les autorités
publiques aient le pouvoir de faire arrêter leur activité dès lors que mesures d’hygiène nécessaires ne sont pas respectées.

Monsieur Le Président, ne sacrifiez personne ! Nous ne sommes pas en guerre, nous sommes en crise sanitaire et de simples décisions peuvent
sauver des vies. Stoppons toutes les activités économiques qui ne sont pas indispensables le temps de cette crise. Revenons, comme vous le
préconisez, à l’essentiel.

Le syndicat Sud Travail Affaires Sociales

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