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Billet de blog 22 janvier 2021

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COVID, une politique de santé publique impossible ?

D’accord, le titre n’est pas très accrocheur ; Il pourrait s’intituler : " Comme une hirondelle ne fait pas le printemps, un vaccin n’est pas le bout du tunnel et le tunnel risque d’être encore long ".

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La prudence de l’OMS, voire de notre gouvernement, sur l’efficacité de la vaccination peut qu’inciter à ne pas considérer cette seule arme comme la clé de la résolution de cette crise. Effets secondaires encore inconnus, immunité collective incertaine, voire résistance vaccinale, tout laisse à penser que le contrôle de cette épidémie par celle-ci est loin d’être acquis.

Si tel est le cas, les décisions ne porteront plus sur les moyens de freiner la progression du virus mais sur les mesures à prendre pour protéger et partager le risque entre tous.

Or, à mon sens, la grande carence dans la lutte contre le coronavirus relève dans l’absence d’une politique de santé publique, à l’instar de ce qu’ont déployé nos ainés face à la tuberculose ou le SIDA sur de longues années.

Si la France dispose de très bons conseillers scientifiques celle-ci ne semble pas vouloir s’attacher à l’expertise de praticiens de santé publique. Que diraient ces praticiens ?

D’abord, ce n’est pas la première fois que ce type de virus apparaît sur la planète. Au sens sismique du terme, le SARS-COV2, appelé COVID-19 à la demande des autorités chinoises, n’est qu’une réplique majeure du SASR-COV 1 qui a sévit, à plus petite échelle, dans les pays asiatiques en 2003. Réplique suivie par l’apparition, en 2012, du MESR-COV en Arabie Saoudite, d’ampleur plus faible.

Elle est aussi bien connue des directeurs ou directrices de crèches ou d’écoles maternelles qui font face à des épisodes épidémiques hivernaux, aux déroulements imprévisibles, dus à ces virus ARN tels des coronavirus plus banaux (229E, NL63, OC43...) et des rhinovirus. Ces caractéristiques aussi sont bien connues des vétérinaires qui le traquent et expérimentent les vaccins depuis des décennies.

La contagiosité coronavirus SARS-COV2 actuel, sa biologie, son impact clinique, sa résistance à la vaccination et surtout son imprévisibilité étaient donc parfaitement documentés par les événements antérieurs

• Pourquoi n’arrive-t-on pas à élaborer une politique de santé publique ?

La stratégie de lutte contre les effets du COVID a été confiée aux scientifiques au détriment d’une démarche de santé publique. Dans le tour de la table de jeu, les scientifiques possèdent l’atout maître : « on en découvre tous les jours ». Alors que dès les premiers jours, tout était connu en termes d’impact attendu et d’évolution.

Il n’échappera à personne que le conseil scientifique ne comporte aucun spécialiste éminent de santé publique, sinon le président du Haut Conseil de Santé publique, ... spécialiste en cancérologie.

De même, que la parole médicale est monopolisée par les spécialistes des urgences et de la gestion de crise. L’antienne « Il faut sauver des vies » est répétée à l’envi jusqu’à l’Assemblée nationale. C’est le credo des urgentistes dont son président national déclarait que « ... en mars, il avait vécu l’âge d’or des urgences pendant lequel tous les hôpitaux étaient organisés

pour prendre en charge les patients Covid-19... » en faisant référence à l’arrêt des activités programmées. Age d’or pour les uns, cauchemars pour d’autres en attente d’interventions vitales.

• Comment sortir de la crise et préparer l’avenir ?
En sortant d’une logique de gestion de crise qui ne répond qu’à l’immédiat et en entrant dans

une logique de santé publique qui répond à l’avenir.

La Santé Publique est une discipline de la masse et de l’anticipation. Elle dépasse la relation singulière médecin-malade pour s’intéresser globalement à une population.

C’est une discipline de la longue durée et du bénéfice-risque, non pas pour chaque individu comme cela est calculé pour le vaccin, mais pour l’ensemble de la population et chacune des de ses composantes. Par exemple, quel est l’impact d’une protection par une restriction en EHPAD versus celui d’un confinement généralisé dans le milieu étudiant ?

C’est la somme des comportements individuels et standardisés qui feront la réussite d’un programme de santé publique. Les actions proposées doivent donc être claires et pouvoir s’étendre à l’ensemble des individus concernés et, surtout, s’étendre dans la durée car on ne soigne pas à coup d’ordonnance un patient comme l’on prend en charge une population.

L’exercice est difficile pour nos gouvernants, surtout quand ceux-ci sont confrontés à un benchmarking permanent. Or, quelque soient les options prises par les différents pays, les résultats analysés sur une longue période ne se révèlent pas significativement différents.

« A n’importe quel coût » ne doit pas devenir « à n’importe quel prix, » surtout si, entre les générations, entre les classes sociales, entre les territoires, entre les secteurs économiques et culturels, on ne détermine pas quelle est la répartition de la charge.

Une politique de santé publique peut proposer une architecture globale :

  • définissant et arrêtant des objectifs de protection de notre système de santé, de protection des plus fragiles, de notre économie ;

  • définissant le risque pour chaque population et expliquer les options prises dans la mesure où il est impossible de retenir toutes les actions ;

  • laissant à chacun et à chacune la gestion de son propre risque tout en étant intransigeant sur ses facultés de transmission à autrui et en particulier aux personnes fragiles.

Plus qu’une question scientifique, c’est une vraie question politique voire philosophique comme le soulignait, dès le début de la crise, le philosophe André André Comte-Sponville.Et le principal indicateur de la réussite sera le rétablissement de la confiance.

Jean Philippe GALLAT est médecin inspecteur de santé publique honoraire.

Depuis 1980, il a occupé des postes de direction dans les DDASS, ARH et ARS.

Diplômé en santé publique ainsi en droit et éthique de la santé.

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