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Billet de blog 3 août 2010

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Et les grands-parents?

Oui en effet la question est sur toutes les lèvres, pourquoi une telle mansuétude à l'égard des grands-parents ? Un parlementaire UMP du midi, peu importe son nom, propose en effet que les parents défaillants de délinquants mineurs soient à leur tour passibles de prison. Le motif serait leur désinvolture à assumer leurs obligations de prise en charge du mineur fautif et condamné.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Oui en effet la question est sur toutes les lèvres, pourquoi une telle mansuétude à l'égard des grands-parents ? Un parlementaire UMP du midi, peu importe son nom, propose en effet que les parents défaillants de délinquants mineurs soient à leur tour passibles de prison. Le motif serait leur désinvolture à assumer leurs obligations de prise en charge du mineur fautif et condamné.

Nous avons déjà une codification sévère dans ce domaine puisque un parent s'exonérant de ses obligations de protéger un enfant mineur d'un ensemble de délits ou d'un comportement délinquant peut déjà être condamné. Il s'agit d'une défaillance délictuelle du parent dans la prévention d'un délit de mineur.

Là il s'agirait de punir un parent n'ayant pas assumé ses tâches de réinsertion, de surveillance du mineur délinquant telles qu'elles figureraient au bas du jugement de condamnation.

Rappelons que la loi a déjà exclu le versement des allocations familiales aux parents d'un enfant repéré pour absentéisme scolaire.

Toutes ces lois ont pour caractéristiques d'abord d'être répressives mais surtout d'alourdir le fardeau qui pèse sur des familles défaillantes ou en voie d'abandon. On ne voit pas comment une sanction pénale ou même la menace d'une sanction fortifierait une famille qui n'en a parfois plus que le nom. Ce peut être le coup de grâce.

La loi et la sanction n'ont de sens que si elles trouvent du répondant, une conscience, une volonté permettant de se redresser. Sinon elles ne sont qu'une gesticulation, comme on dit en langage militaire. Ou la marque d'une impuissance comme cet empereur des Perses qui faisait battre la mer par des milliers d'esclaves pour la punir d'avoir coulé sa flotte.

Dans bien des cas de délinquance récidivante, il faut soit aider les familles, soit en partie se substituer à elles, constater leur quasi dissolution et prendre les mesures d'autorité et de soutien nécessaires. On répète depuis longtemps qu'une des solutions consiste à encadrer les familles, ce qui suppose un référent par famille et situation de danger, qui procède aux actes administratifs, veille au loyer, s'assure de la scolarité et du travail des enfants.

ll faut autant de clavecin humain que de grosse caisse pénale dans une affaire comme celle-là. Il faut simplement un peu plus de volonté et de générosité. Il existe des dizaines de milliers de retraités cultivés, en pleine forme connaissant la vie qui ne demanderaient que cela, et des milliers d'étudiants englués dans le mercato social à la recherche d'une aventure humaine : une main pour une main.

Le grand banditisme, la délinquance routinière: ce sera à la police de faire son travail si on en lui donne les moyens car malgré tout ces discours martiaux, ses effectifs baissent. Le nombre des homicides aussi, soit dit en passant. Mais si l'on veut couper l'herbe sous le pied à la désespérance, à l'errance et à la fuite dans la criminalité dans les quartiers, car voila le champ de bataille, c'est une mobilisation humaine sans précédent qu'il nous faudra imaginer. Humaine et pas répétitive ad nauseam et jusqu'à l'absurde avec ces plans Marshall sans cesse annoncés et jamais arrivés. On pourra toujours raser les tours, si les gamins des anciennes cités ne sont pas nourris d'une autre altérité ce sera chose vaine. Les enseignants, respect à eux, en savent quel que chose.

Alors faut il s'indigner ? Eh bien non. A ce stade de proposition on ne s'indigne plus, on passe son chemin. Attendons, sourire en coin, que Mme Le Pen, mais sans doute sa musique est elle déjà trop subtile pour ce tohu-bohu de l'UMP, suggère que le laxisme de l'UMP se manifeste encore par la mansuétude dont sont bénéficiaires les grands-parents dans ce désir de punir dont les manifestations prennent étrangement les allures d'une pathologie compulsive. Freud a écrit, c'est bon à savoir, de fort belles pages sur la compulsion de répétition.

Oui, en effet, pourquoi les grand-pères et les grands-mères des délinquants mineurs récidivistes ne seraient pas à leur tour sanctionnés ? Pourquoi cette clémence ? Si leurs enfants devenus des parents se laissent aller à de telles conduites d'abandon, ils doivent bien y être pour quelque chose, non ? En voilà une bonne idée, les grands-parents. L'incarcération pourrait être familiale, manière musclée, et originale, de pratiquer le regroupement familial.

Vous voyez, vous souriez. Ce n'est donc pas sérieux. Vous avez compris, qu'avec ces députés UMP, nous avions franchi subrepticement les frontières de la déraison.

En fait ce député dont je ne donne pas le nom, emporté déjà par la vague sur la plage de galets de Nice s'appelle Alfred Jarry. Non, c'est sérieux ? Soyons précis, seulement un personnage du théatre d'Alfred Jarry, un copain du Père Ubu en quelque sorte. « Merdre » alors !

Jean Pierre MIGNARD

Docteur en droit pénal, avocat à la Cour, Vice-président du Club Droit Justice et Sécurités.

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